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Révolutions européennes de 1848
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Révolutions européennes de 1848
Le « printemps des peuples » (février-mars 1848)
Introduction
La terminologie de 1848 affectionne deux catégories d'expressions. La première rend compte de la soudaineté des événements : c'est l'« explosion », la « vague », la « flambée ». La seconde, à tonalité humaniste, met en valeur l'aspect fraternel et philanthropique des aspirations : « printemps des peuples », « aurore de l'humanité ». De fait, le synchronisme des insurrections (et de leurs échecs), la communauté des revendications, du moins au niveau des principes, et l'interdépendance des régimes révolutionnaires ont frappé les contemporains et ont longtemps influencé les jugements de l'historien. Depuis 1846, l'imminence d'un nouveau conflit entre les forces de conservation et les forces de révolution se profile à l'horizon. La Suisse règle par une sanglante guerre civile le contentieux de 1815 : les radicaux, représentants du libéralisme bourgeois, y écrasent le Sonderbund, conservateur et catholique. L'Autriche, attentive aux évolutions des moindres mouvements nationalistes, prend ses précautions. En 1846, elle annexe la république de Cracovie. Un an plus tard, elle occupe Ferrare, dans les États du pape, et jette en prison l'agitateur vénitien Daniele Manin.
Le signal des révolutions est donné à Palerme le 12 janvier 1848. Une insurrection à dominante séparatiste y éclate, et la Sicile réclame le retour au régime libéral de 1812 et le rejet de la tutelle napolitaine. En quelques mois, successivement, la vague insurrectionnelle atteint la France (22-24 février), l'Autriche (13 mars), la Prusse (18-21 mars) et, par voie de conséquence, les absolutismes satellites de Vienne en Italie (Parme, Modène, Toscane) ou en Allemagne. Les « nations » tchèque et hongroise se soulèvent. Le processus revêt à peu près partout des analogies frappantes. L'insurrection est surtout urbaine, populaire, à encadrement bourgeois et universitaire. Dans un premier temps, les principales revendications réformatrices se résument à l'octroi d'une Constitution à base censitaire et à la reconnaissance des libertés fondamentales (de réunion et de presse). C'est dire le caractère modéré et bourgeois du mouvement initial. Enfin, les exigences libérales se doublent d'exigences nationales et unitaires, propres à assurer le respect de la personnalité historique, ethnique et linguistique des minorités opprimées par le pouvoir central.
L'Italie
L'Italie, cette « expression géographique » sous la dure domination autrichienne, voit s'effondrer les régimes absolutistes. Le grand-duc de Toscane, le roi des Deux-Siciles (Ferdinand II), le Saint-Siège et le roi de Piémont-Sardaigne dotent leurs États respectifs d'institutions plus ou moins libérales. Venise et Milan se soulèvent victorieusement contre l'occupant militaire autrichien. Venise instaure la république sous la direction de l'avocat Manin, et Milan confie un gouvernement provisoire à une oligarchie libérale de grands propriétaires favorables à l'influence piémontaise.
L'Autriche
En Autriche, la fuite de Metternich consacre l'effondrement des principes réactionnaires du système de 1815. L'empereur Ferdinand Ier doit mettre en chantier une Constitution et faire face dans le même temps à la virulente pression autonomiste. En Hongrie, un gouvernement national se forme, rassemblant les représentants libéraux de la noblesse (Ferenc Deák, József Eötvös) et ceux de la fraction démocratique groupée autour du journaliste Kossuth, chef du parti radical. Des réformes capitales sont promulguées (liberté de presse et de réunion, abolition du servage et rachat des redevances seigneuriales). Le 11 avril 1848 naît un État unitaire hongrois, composé des pays de la couronne de saint Étienne, provinces croates et transylvaines comprises. La Bohême, de son côté, obtient, par une charte ratifiée par Vienne le 8 avril, la reconnaissance de l'égalité civile et administrative des Tchèques et des Allemands.
Les États allemands
Dans les États allemands, la vieille Confédération germanique et son organe suprême, la Diète, instrument de la domination autrichienne, semblent disparaître sans coup férir. Partout s'installent les « ministères de mars ». Dans certains États, la révolution consiste en une simple passation des pouvoirs, en un remaniement ministériel opéré en douceur au profit des dirigeants de l'opposition bourgeoise et modérée. C'est le cas de la Saxe, de la Hesse, du Wurtemberg. Ailleurs, il faut forcer la décision, comme en Bavière, où le roi Louis Ier abdique. L'aile marchante du parti révolutionnaire est assez composite. Artisans, étudiants et petits-bourgeois des villes, groupés dans des associations démocratiques, constituent le gros de la troupe. Les Turner, sociétés de gymnastique paramilitaires et d'esprit pangermaniste, se chargent des opérations de rue et des assauts contre les palais et les bâtiments administratifs.
À vrai dire, le déferlement des jacqueries, de ces soulèvements paysans contre les redevances seigneuriales qui éclatent entre Main et Necker dès janvier 1848 a été pour beaucoup dans la rapide capitulation des princes les plus intransigeants. Berlin, le dernier bastion de l'absolutisme, cède après la sanglante insurrection du 18 mars. Frédéric-Guillaume IV entérine le vote, par le Landtag prussien, des libertés fondamentales. Qui plus est, le Landtag vote un projet d'Assemblée nationale élue au suffrage universel, consacrant par là le triomphe apparent d'un mouvement national et unitaire, aux antipodes de la politique traditionnelle d'intérêts dynastiques des Hohenzollern. Ce mouvement, héritier des grandes batailles patriotiques de 1813 et de 1817, revigoré par la crise franco-allemande de 1840, avait pris naissance en Bade dès février 1848. À Mannheim d'abord, à Heidelberg ensuite, des réunions enthousiastes de bourgeois libéraux et radicaux avaient débouché sur un projet de réforme des institutions fédérales. Un Préparlement (Vorparlament) est élu, destiné à mettre sur pied une Chambre panallemande, à abroger le statut de la Confédération et, par là, à rayer de l'histoire le particularisme germanique.
La crise du mouvement libéral et national (mai-août 1848)
Introduction
En quelques mois, la situation va se retourner complètement en faveur des forces de réaction. Une seconde vague de revendications, bien plus radicales cette fois, va déferler sur les États, tentant d'imposer aux faibles régimes libéraux l'adoption de réformes démocratiques et sociales. D'autre part, les mouvements nationaux, confrontés aux réalités, se désagrégeront sous le poids des séparatismes, des rivalités de tendances ou des ambitions dynastiques.
Italie
Charles-Albert, roi de Piémont-Sardaigne, se faisant le champion de l'unité italienne, lance contre les Autrichiens une véritable croisade patriotique, à laquelle se rallient quelques milliers de volontaires enthousiastes venus de toute la péninsule et, à leur corps, défendant, la plupart des autres États, qui envoient des contingents symboliques (24 mars 1848). L'opération, sous ses couleurs patriotiques, dissimule mal l'impérialisme dynastique inavoué de la maison de Savoie. Elle emporte en tout cas l'adhésion de la Lombardie et de Venise, qui votent leur annexion au Piémont, ainsi que celle des partisans divisés, mais confiants, du Risorgimento : néo-guelfes, qui rêvent d'une monarchie fédérale sous la direction du pape ; mazziniens, qui veulent un État républicain, démocratique et centralisé, et qui, minoritaires, se résignent à soutenir l'albertisme à son apogée. Le 29 avril, un coup sévère est porté à l'action en cours, lorsque Pie IX, dont l'élection en 1846 avait pourtant été saluée comme un succès libéral, condamne solennellement la croisade et rappelle le contingent pontifical. Encouragé par ce qui constitue dans l'histoire de 1848 le premier acte de résistance de la contre-révolution, Ferdinand II des Deux-Siciles renvoie son gouvernement libéral, dissout la Chambre et restaure avec brutalité l'ordre traditionnel (15 mai). C'est le signal de la débandade.
La Sicile prononce la déchéance de Ferdinand et choisit comme successeur le fils de Charles-Albert (juillet). Ce geste de Palerme est en fait un repli stratégique et séparatiste, qui fait bon marché de l'idéal unitaire. Le 25 juillet, l'armée piémontaise est battue à Custoza. C'est la fin du grand rêve de l'« Italia fara da se ». L'enthousiasme retombe, et la déception alimente la propagande de Mazzini, qui rend les libéraux responsables de la défaite. Le parti démocratique récupère la rancœur nationaliste, tandis que surgit à l'extrême gauche une agitation d'inspiration sociale, dirigée par des sociétés secrètes « communistes ». Gênes, Livourne, Florence sont le théâtre de manifestations violentes contre la hausse des prix et le chômage. À Rome, mazziniens et modérés se déchirent. L'assassinat du ministre Pellegrino Rossi, un libéral qui a vainement tenté de suivre une politique centriste, est le signal de la révolution (15 novembre). Le pape refuse de céder aux révolutionnaires, qui exigent la constitution d'un régime démocratique et la déclaration de guerre à l'Autriche. Il s'enfuit à Gaète sous la protection du roi de Naples et appelle les puissances à la reconquête de son État.
Autriche-Hongrie
La monarchie impériale doit faire face à deux adversaires principaux : les démocrates viennois d'abord, les Magyars ensuite. Pour ce faire, elle va tenter de s'appuyer sur les éléments slaves, encore largement respectueux des droits sacrés de la couronne habsbourgeoise et adversaires résolus des Hongrois. Le 22 juillet, l'Assemblée constituante (Kremsier) se réunit à Vienne. Élue au suffrage universel, elle comprend une large majorité de députés, représentant les éléments paysans d'origine slave. La gauche viennoise et les Slaves coalisés emportent une décision capitale : l'abolition du servage et des corvées ainsi que le rachat des redevances seigneuriales. C'est la fin théorique de l'Ancien Régime économique, la nuit du 4-Août de l'Empire. Mais le bloc révolutionnaire se désagrège rapidement. Vienne est le théâtre d'une première insurrection ouvrière, durement réprimée par la garde nationale bourgeoise.
La Hongrie, sous l'impulsion des radicaux de Kossuth, s'engage dans la voie d'une indépendance totale. Le gouvernement de Pest vote des lois militaires, émet une monnaie nationale et établit de son propre chef des relations diplomatiques avec un certain nombre d'États européens. Sans tenir aucun compte des aspirations des minorités croates, serbes ou roumaines, la Diète magyare légifère dans l'intérêt exclusif de la nation hongroise. Faute capitale qu'utilise à fond le gouvernement impérial. Le 3 octobre, celui-ci dissout la Diète de Pest, proclame l'état de siège et confie les pleins pouvoirs à Jelačič, le « ban » croate, âme de la lutte antimagyare.
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Re: Révolutions européennes de 1848
Allemagne
Le Préparlement (31 mars-3 avril) a cédé la place au Parlement national, qui siège à Francfort. Composée de près de 400 intellectuels – les Akademiker – sur 573 représentants, l'Assemblée se voue à la discussion des innombrables projets de réforme fédérale ; se distinguent dans ces débats juridico-historiques les universitaires Friedrich Christoph Dahlmann (1785-1860) et Georg Gervinius (1805-1871). En juin, on aboutit à la création d'un pouvoir central, confié à un vicaire du Reich et à un gouvernement unitaire. Mais, en l'occurrence, le vicaire est l'archiduc Jean de Habsbourg, oncle de l'empereur Ferdinand Ier, et le nouveau cabinet, après quelques essais infructueux de personnalités libérales, est confié à Anton von Schmerling (1805-1893), un conservateur austrophile, de réputation autoritaire. Ce n'est qu'en octobre que le Parlement aborde la discussion de la Constitution du futur Reich, tandis que les vaincus de mars et les fonctionnaires de la Diète, nullement privés de leurs moyens d'actions réels, s'emploient à torpiller les projets de réforme. Les princes relèvent la tête. Nombre de bourgeois modérés sont inquiets de la révolution sociale qui s'annonce (émeute ouvrière du 15 juin à Berlin, congrès des artisans et des compagnons à Francfort en juillet et en septembre). Il y a surtout que le mouvement unitaire paraît dégénérer en un sursaut pangermaniste peu soucieux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En effet, les duchés danois, Schleswig et Holstein, sont le théâtre d'une âpre lutte d'influence entre la minorité allemande, désireuse d'entrer dans une nouvelle Confédération à titre d'État autonome, et le parti danois, furieusement antiallemand. Le 24 mars, la minorité allemande constitue un gouvernement provisoire à Kiel. La Diète proclame l'incorporation du Schleswig à la Confédération ! Étrange « révolution » allemande, qui laisse légiférer des organismes renversés depuis mars, alors qu'elle s'évertue à les déclarer caducs… Les forces militaires fédérales sous direction prussienne sont lancées contre les armées danoises (avril 1848).
La réaction (septembre 1848– mai 1849)
Le retour en force des courants conservateurs s'était déjà manifesté depuis mai à Naples et depuis juin à Paris et à Prague. En Bohême en effet, le Congrès panslave, réuni le 2 juin, avait été dissous par les armées autrichiennes vingt-six jours plus tard. Mais ce n'était alors que péripéties ne remettant pas en cause la marche des idées nouvelles. Le destin des révolutions fut scellé quand les dynasties de Berlin et de Vienne prirent la direction des opérations en vue de refouler définitivement les « forces d'anarchie ».
Italie
La démocratie a pris en charge les aspirations nationales. En Toscane, le 8 février, la république de Francisco Domenico Guerrazi (1804-1873) se substitue au gouvernement du grand-duc, tandis qu'à Rome Mazzini fait proclamer à son tour la république le 9. Oublieux des leçons de Custoza et nonobstant son total isolement, Charles-Albert reprend la guerre contre l'Autriche. Le 23 juillet 1849, c'est le deuxième et irréparable désastre de Novare. Le roi de Piémont-Sardaigne doit abdiquer au profit de son fils Victor-Emmanuel. La monarchie sarde ne conserva son indépendance et son régime constitutionnel que grâce à la pression conjuguée de la France et de la Grande-Bretagne. Les armées impériales continuent sur leur lancée et s'emparent successivement de Parme, de Modène et de la Toscane.
La Sicile capitule en mai 1849, et Venise après un siège de quatre mois (22 août). Enfin, Pie IX sera restauré dans la plénitude de son pouvoir par l'expédition française d'Oudinot, détournée de son but originel (juillet). Une abominable réaction se déchaîne dans toute la péninsule, où toutes les réformes, même les plus modérées, sont abolies. L'Italie est rejetée trente ans en arrière.
Autriche
La solidarité entre les démocrates viennois et les révolutionnaires hongrois se manifeste de façon éclatante à l'annonce des mesures prises par Vienne contre le jeune État magyar. Une insurrection éclate le 23 octobre 1848 dans la capitale. On tente d'empêcher le départ des renforts pour la Hongrie. Il faudra plus d'une semaine pour que le maréchal Windischgrätz rétablisse l'ordre à Vienne, au prix d'un affreux carnage. Ferdinand Ier, incapable et discrédité, doit abdiquer le 2 décembre au profit de son neveu François-Joseph. Ardent partisan de l'ordre, le nouvel empereur choisit un président du Conseil autoritaire et ultraconservateur, Schwarzenberg, qui manifeste un zèle redoutable dans les opérations répressives. Des centaines d'ouvriers sont condamnés de manière expéditive par des tribunaux militaires en fonction de lois datant de… 1814. On fusille ensuite les démocrates étrangers, comme Robert Blum, le leader de la gauche catholique allemande, malgré les démarches du Parlement de Francfort. Le 7 novembre, le Reichstag autrichien est dissous, et cet acte de pur arbitraire, qui annonce le retour au despotisme, est suivi, quelques mois plus tard, de l'octroi d'une Constitution réorganisant l'Empire. Désormais, l'Empire ne constitue qu'un État, officiellement composé d'un seul peuple, mais reconnaissant l'existence de groupes parlant des langues différentes. Certes, on reconnaît l'égalité des sujets devant la loi et l'on proclame le respect des langues allogènes. Mais l'Empire est divisé en « États » brisant les cadres historiques traditionnels : il n'y a plus de pays de la couronne de saint Étienne ou de saint Venceslas, mais la Hongrie, purement magyare désormais, la Croatie, la Transylvanie, la Bohême, disposant de droits égaux et d'une représentation propre au sein du futur Parlement d'Empire. C'était porter un coup fatal aux droits historiques de la Hongrie et démembrer son territoire. C'était surtout la fin de la noblesse magyare, ruinée par l'abolition du servage, que confirmait cette Constitution, pourtant fort peu libérale. Soulevée d'indignation, la nation magyare appuie le radicalisme intransigeant de Kossuth. Le 14 avril, l'indépendance est proclamée. Dans un premier temps, l'armée régulière, la Honvéd, aidée des légions de volontaires étrangers, repousse les Impériaux. Mais François-Joseph fait appel au tsar, et, le 13 mai 1849, les troupes de Nicolas Ier entrent en Hongrie. Il leur faudra quatre mois, à vingt contre un, pour venir à bout de leurs adversaires, tandis que l'Europe s'enflamme pour le geste héroïque des compatriotes de Kossuth. La restauration de l'ordre impérial dans les plaines danubiennes prend des allures de Saint-Barthélemy de la noblesse nationale.
Allemagne
Le Parlement de Francfort poursuit sa tâche avec ardeur et crée sur le papier une série de ministères et d'administrations, charpente du Reich de demain. Au fil des événements, il apparaît de plus en plus comme une entité marginale, totalement dépourvu de moyens d'action réels. Quand, le 26 août 1848, l'armistice de Malmö est signé avec le Danemark, l'opinion publique, en particulier démocrate, l'interprète comme une reculade prussienne et une trahison à l'égard de la nation allemande. La fureur nationaliste éclate (barricades à Francfort, émeutes en Bade). L'ordre est maintenu grâce aux contingents austroprussiens appelés en catastrophe par… le ministère du Reich (septembre). Ainsi, un des premiers actes du nouveau pouvoir central unitaire était d'avouer officiellement son impuissance en quémandant le secours des forces traditionnelles de l'ex-Confédération ! On conçoit que son image de marque n'en ait pas été relevée. En Prusse aussi, l'euphorie de mars s'était vite dissipée. À leur tour, les modérés s'inquiètent de la tournure prise par les événements, en particulier de la montée du parti démocratique et de l'activisme ouvrier. Les classes moyennes et la paysannerie s'effrayent de l'agitation lancée par les démocrates berlinois, dont la propagande par les clubs et la presse se fait chaque jour plus audacieuse. De leur côté, les associations ouvrières (Arbeiterverein), alors en plein essor, suscitent de puissantes manifestations revendicatrices, et les échos de leurs congrès contribuent à entretenir la peur sociale. Encouragée par les succès de l'ordre en Europe, les forces de réaction prussienne, junkers, bureaucrates et militaires, soutenus par la Cour et l'Église luthérienne, reprennent du terrain. Le 8 novembre, Frédéric-Guillaume IV constitue un ministère autoritaire (Friedrich Wilhelm von Brandenburg et Otto von Manteuffel), qui dissout l'Assemblée le 5 décembre.
Partout les princes s'emploient à reconquérir leur pouvoir, usurpé depuis mars, et à torpiller les projets que le Parlement de Francfort élabore péniblement, en particulier la Constitution discutée depuis octobre. Après s'être mis d'accord sur l'idée de confier la dignité suprême du futur Reich à un empereur, les délégués commencent à se diviser en austrophiles et en prussophiles. Il y a les « Grands Allemands » (un Reich englobant l'Autriche dans sa totalité, y compris ses États slaves) et les « Petits Allemands » (un Reich sous direction prussienne, restreint aux territoires germanophones). Le 28 avril 1849, malgré un vote favorable de l'Assemblée prussienne et le ralliement de la plupart des autres États, le roi de Prusse refuse la couronne impériale.
Manifestation d'hostilité sans réserve à l'égard d'une institution d'origine libérale ? Officiellement oui. Mais surtout volonté d'éviter de la part du Hohenzollern une rupture inévitable avec la monarchie austro-hongroise, plus puissante que jamais. La Constitution du Reich restera lettre morte, et la « Realpolitik » balaie les principes généreux et illusoires qui l'avaient inspirée. Le Parlement de Francfort, en butte aux attaques de la réaction, amputé des représentants autrichiens et prussiens, se survit péniblement. Réfugié à Stuttgart, puis à Karlsruhe, il disparaît en juin 1849, dans la dernière et violente tourmente révolutionnaire. En effet, en mai, trois soulèvements se produisent simultanément au nom de la défense de la Constitution du Reich : en Saxe, à Dresde, où le mouvement républicain, auquel participe le jeune Wagner, est brisé en une semaine ; dans le Palatinat et le Bade. Dans ces deux États, le soulèvement est le fait de la population tout entière, appuyée par l'armée régulière, et aboutit à la constitution d'un gouvernement d'inspiration radicale et nationaliste, arborant le drapeau noir-rouge-or. C'est une véritable campagne militaire que les Prussiens, désormais gendarmes de l'Allemagne, sont obligés de mener contre les insurgés, auxquels s'est ralliée l'armée régulière badoise, ardemment patriote. En juillet, au moment même où s'écroule la Hongrie, le Bade doit s'avouer vaincu. La révolution allemande est terminée.
1848 et la conjoncture économique
Le synchronisme des événements de 1848 doit être replacé dans le cadre d'une dépression économique généralisée à toute l'Europe et affectant toutes les structures existantes, archaïques ou développées, agraires ou industrielles. La crise atteint son point culminant à partir de 1845, quand une succession de mauvaises récoltes, due à des accidents climatiques, entraîne sur les marchés une flambée de prix. L'augmentation du prix des grains et de la pomme de terre atteint souvent 100 p. 100 en Allemagne, en France, en Flandre, en Irlande. Cette crise des subsistances témoigne de la persistance de l'Ancien Régime économique, qui domine encore dans la plupart des États, Grande-Bretagne exceptée. Des troubles agraires d'une exceptionnelle violence éclatent, qui vont des attaques de convois de grains à de véritables jacqueries, comme celles qui s'étendent dans le sud-ouest de l'Allemagne ou dans les provinces ruthènes. La crise agricole est relayée en 1847 par une crise commerciale et industrielle. Dans cette Europe des temps précapitalistes, les moyens monétaires sont rares, le crédit est inorganisé et l'argent cher. Les ponctions opérées sur les caisses publiques par les autorités pour acheter des grains, en particulier sur le marché russe, ont vidé les réserves et entraîné une dislocation des circuits. Faute de crédit, les entreprises ferment. La fièvre spéculatrice née de l'essor des chemins de fer retombe brutalement. C'est la déroute des sociétés par actions et une cascade de faillites sans précédent. Toutes les couches de la société sont frappées, peuples des campagnes et des villes, artisans et manufacturiers, ouvriers et bourgeois. La misère s'installe autour des centres industriels (verreries de Bohême, métallurgie saxonne, textile rhéno-westphalien, chantiers navals génois). Cette crise profonde a réveillé les antagonismes multiples, un moment assoupis. Le mécontentement explose contre les systèmes en place, contre les autocraties, rendues responsables des injustices et des archaïsmes, contre les tutelles étrangères, qui s'expriment souvent par le maintien d'une domination économique de type colonial.
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Le Préparlement (31 mars-3 avril) a cédé la place au Parlement national, qui siège à Francfort. Composée de près de 400 intellectuels – les Akademiker – sur 573 représentants, l'Assemblée se voue à la discussion des innombrables projets de réforme fédérale ; se distinguent dans ces débats juridico-historiques les universitaires Friedrich Christoph Dahlmann (1785-1860) et Georg Gervinius (1805-1871). En juin, on aboutit à la création d'un pouvoir central, confié à un vicaire du Reich et à un gouvernement unitaire. Mais, en l'occurrence, le vicaire est l'archiduc Jean de Habsbourg, oncle de l'empereur Ferdinand Ier, et le nouveau cabinet, après quelques essais infructueux de personnalités libérales, est confié à Anton von Schmerling (1805-1893), un conservateur austrophile, de réputation autoritaire. Ce n'est qu'en octobre que le Parlement aborde la discussion de la Constitution du futur Reich, tandis que les vaincus de mars et les fonctionnaires de la Diète, nullement privés de leurs moyens d'actions réels, s'emploient à torpiller les projets de réforme. Les princes relèvent la tête. Nombre de bourgeois modérés sont inquiets de la révolution sociale qui s'annonce (émeute ouvrière du 15 juin à Berlin, congrès des artisans et des compagnons à Francfort en juillet et en septembre). Il y a surtout que le mouvement unitaire paraît dégénérer en un sursaut pangermaniste peu soucieux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En effet, les duchés danois, Schleswig et Holstein, sont le théâtre d'une âpre lutte d'influence entre la minorité allemande, désireuse d'entrer dans une nouvelle Confédération à titre d'État autonome, et le parti danois, furieusement antiallemand. Le 24 mars, la minorité allemande constitue un gouvernement provisoire à Kiel. La Diète proclame l'incorporation du Schleswig à la Confédération ! Étrange « révolution » allemande, qui laisse légiférer des organismes renversés depuis mars, alors qu'elle s'évertue à les déclarer caducs… Les forces militaires fédérales sous direction prussienne sont lancées contre les armées danoises (avril 1848).
La réaction (septembre 1848– mai 1849)
Le retour en force des courants conservateurs s'était déjà manifesté depuis mai à Naples et depuis juin à Paris et à Prague. En Bohême en effet, le Congrès panslave, réuni le 2 juin, avait été dissous par les armées autrichiennes vingt-six jours plus tard. Mais ce n'était alors que péripéties ne remettant pas en cause la marche des idées nouvelles. Le destin des révolutions fut scellé quand les dynasties de Berlin et de Vienne prirent la direction des opérations en vue de refouler définitivement les « forces d'anarchie ».
Italie
La démocratie a pris en charge les aspirations nationales. En Toscane, le 8 février, la république de Francisco Domenico Guerrazi (1804-1873) se substitue au gouvernement du grand-duc, tandis qu'à Rome Mazzini fait proclamer à son tour la république le 9. Oublieux des leçons de Custoza et nonobstant son total isolement, Charles-Albert reprend la guerre contre l'Autriche. Le 23 juillet 1849, c'est le deuxième et irréparable désastre de Novare. Le roi de Piémont-Sardaigne doit abdiquer au profit de son fils Victor-Emmanuel. La monarchie sarde ne conserva son indépendance et son régime constitutionnel que grâce à la pression conjuguée de la France et de la Grande-Bretagne. Les armées impériales continuent sur leur lancée et s'emparent successivement de Parme, de Modène et de la Toscane.
La Sicile capitule en mai 1849, et Venise après un siège de quatre mois (22 août). Enfin, Pie IX sera restauré dans la plénitude de son pouvoir par l'expédition française d'Oudinot, détournée de son but originel (juillet). Une abominable réaction se déchaîne dans toute la péninsule, où toutes les réformes, même les plus modérées, sont abolies. L'Italie est rejetée trente ans en arrière.
Autriche
La solidarité entre les démocrates viennois et les révolutionnaires hongrois se manifeste de façon éclatante à l'annonce des mesures prises par Vienne contre le jeune État magyar. Une insurrection éclate le 23 octobre 1848 dans la capitale. On tente d'empêcher le départ des renforts pour la Hongrie. Il faudra plus d'une semaine pour que le maréchal Windischgrätz rétablisse l'ordre à Vienne, au prix d'un affreux carnage. Ferdinand Ier, incapable et discrédité, doit abdiquer le 2 décembre au profit de son neveu François-Joseph. Ardent partisan de l'ordre, le nouvel empereur choisit un président du Conseil autoritaire et ultraconservateur, Schwarzenberg, qui manifeste un zèle redoutable dans les opérations répressives. Des centaines d'ouvriers sont condamnés de manière expéditive par des tribunaux militaires en fonction de lois datant de… 1814. On fusille ensuite les démocrates étrangers, comme Robert Blum, le leader de la gauche catholique allemande, malgré les démarches du Parlement de Francfort. Le 7 novembre, le Reichstag autrichien est dissous, et cet acte de pur arbitraire, qui annonce le retour au despotisme, est suivi, quelques mois plus tard, de l'octroi d'une Constitution réorganisant l'Empire. Désormais, l'Empire ne constitue qu'un État, officiellement composé d'un seul peuple, mais reconnaissant l'existence de groupes parlant des langues différentes. Certes, on reconnaît l'égalité des sujets devant la loi et l'on proclame le respect des langues allogènes. Mais l'Empire est divisé en « États » brisant les cadres historiques traditionnels : il n'y a plus de pays de la couronne de saint Étienne ou de saint Venceslas, mais la Hongrie, purement magyare désormais, la Croatie, la Transylvanie, la Bohême, disposant de droits égaux et d'une représentation propre au sein du futur Parlement d'Empire. C'était porter un coup fatal aux droits historiques de la Hongrie et démembrer son territoire. C'était surtout la fin de la noblesse magyare, ruinée par l'abolition du servage, que confirmait cette Constitution, pourtant fort peu libérale. Soulevée d'indignation, la nation magyare appuie le radicalisme intransigeant de Kossuth. Le 14 avril, l'indépendance est proclamée. Dans un premier temps, l'armée régulière, la Honvéd, aidée des légions de volontaires étrangers, repousse les Impériaux. Mais François-Joseph fait appel au tsar, et, le 13 mai 1849, les troupes de Nicolas Ier entrent en Hongrie. Il leur faudra quatre mois, à vingt contre un, pour venir à bout de leurs adversaires, tandis que l'Europe s'enflamme pour le geste héroïque des compatriotes de Kossuth. La restauration de l'ordre impérial dans les plaines danubiennes prend des allures de Saint-Barthélemy de la noblesse nationale.
Allemagne
Le Parlement de Francfort poursuit sa tâche avec ardeur et crée sur le papier une série de ministères et d'administrations, charpente du Reich de demain. Au fil des événements, il apparaît de plus en plus comme une entité marginale, totalement dépourvu de moyens d'action réels. Quand, le 26 août 1848, l'armistice de Malmö est signé avec le Danemark, l'opinion publique, en particulier démocrate, l'interprète comme une reculade prussienne et une trahison à l'égard de la nation allemande. La fureur nationaliste éclate (barricades à Francfort, émeutes en Bade). L'ordre est maintenu grâce aux contingents austroprussiens appelés en catastrophe par… le ministère du Reich (septembre). Ainsi, un des premiers actes du nouveau pouvoir central unitaire était d'avouer officiellement son impuissance en quémandant le secours des forces traditionnelles de l'ex-Confédération ! On conçoit que son image de marque n'en ait pas été relevée. En Prusse aussi, l'euphorie de mars s'était vite dissipée. À leur tour, les modérés s'inquiètent de la tournure prise par les événements, en particulier de la montée du parti démocratique et de l'activisme ouvrier. Les classes moyennes et la paysannerie s'effrayent de l'agitation lancée par les démocrates berlinois, dont la propagande par les clubs et la presse se fait chaque jour plus audacieuse. De leur côté, les associations ouvrières (Arbeiterverein), alors en plein essor, suscitent de puissantes manifestations revendicatrices, et les échos de leurs congrès contribuent à entretenir la peur sociale. Encouragée par les succès de l'ordre en Europe, les forces de réaction prussienne, junkers, bureaucrates et militaires, soutenus par la Cour et l'Église luthérienne, reprennent du terrain. Le 8 novembre, Frédéric-Guillaume IV constitue un ministère autoritaire (Friedrich Wilhelm von Brandenburg et Otto von Manteuffel), qui dissout l'Assemblée le 5 décembre.
Partout les princes s'emploient à reconquérir leur pouvoir, usurpé depuis mars, et à torpiller les projets que le Parlement de Francfort élabore péniblement, en particulier la Constitution discutée depuis octobre. Après s'être mis d'accord sur l'idée de confier la dignité suprême du futur Reich à un empereur, les délégués commencent à se diviser en austrophiles et en prussophiles. Il y a les « Grands Allemands » (un Reich englobant l'Autriche dans sa totalité, y compris ses États slaves) et les « Petits Allemands » (un Reich sous direction prussienne, restreint aux territoires germanophones). Le 28 avril 1849, malgré un vote favorable de l'Assemblée prussienne et le ralliement de la plupart des autres États, le roi de Prusse refuse la couronne impériale.
Manifestation d'hostilité sans réserve à l'égard d'une institution d'origine libérale ? Officiellement oui. Mais surtout volonté d'éviter de la part du Hohenzollern une rupture inévitable avec la monarchie austro-hongroise, plus puissante que jamais. La Constitution du Reich restera lettre morte, et la « Realpolitik » balaie les principes généreux et illusoires qui l'avaient inspirée. Le Parlement de Francfort, en butte aux attaques de la réaction, amputé des représentants autrichiens et prussiens, se survit péniblement. Réfugié à Stuttgart, puis à Karlsruhe, il disparaît en juin 1849, dans la dernière et violente tourmente révolutionnaire. En effet, en mai, trois soulèvements se produisent simultanément au nom de la défense de la Constitution du Reich : en Saxe, à Dresde, où le mouvement républicain, auquel participe le jeune Wagner, est brisé en une semaine ; dans le Palatinat et le Bade. Dans ces deux États, le soulèvement est le fait de la population tout entière, appuyée par l'armée régulière, et aboutit à la constitution d'un gouvernement d'inspiration radicale et nationaliste, arborant le drapeau noir-rouge-or. C'est une véritable campagne militaire que les Prussiens, désormais gendarmes de l'Allemagne, sont obligés de mener contre les insurgés, auxquels s'est ralliée l'armée régulière badoise, ardemment patriote. En juillet, au moment même où s'écroule la Hongrie, le Bade doit s'avouer vaincu. La révolution allemande est terminée.
1848 et la conjoncture économique
Le synchronisme des événements de 1848 doit être replacé dans le cadre d'une dépression économique généralisée à toute l'Europe et affectant toutes les structures existantes, archaïques ou développées, agraires ou industrielles. La crise atteint son point culminant à partir de 1845, quand une succession de mauvaises récoltes, due à des accidents climatiques, entraîne sur les marchés une flambée de prix. L'augmentation du prix des grains et de la pomme de terre atteint souvent 100 p. 100 en Allemagne, en France, en Flandre, en Irlande. Cette crise des subsistances témoigne de la persistance de l'Ancien Régime économique, qui domine encore dans la plupart des États, Grande-Bretagne exceptée. Des troubles agraires d'une exceptionnelle violence éclatent, qui vont des attaques de convois de grains à de véritables jacqueries, comme celles qui s'étendent dans le sud-ouest de l'Allemagne ou dans les provinces ruthènes. La crise agricole est relayée en 1847 par une crise commerciale et industrielle. Dans cette Europe des temps précapitalistes, les moyens monétaires sont rares, le crédit est inorganisé et l'argent cher. Les ponctions opérées sur les caisses publiques par les autorités pour acheter des grains, en particulier sur le marché russe, ont vidé les réserves et entraîné une dislocation des circuits. Faute de crédit, les entreprises ferment. La fièvre spéculatrice née de l'essor des chemins de fer retombe brutalement. C'est la déroute des sociétés par actions et une cascade de faillites sans précédent. Toutes les couches de la société sont frappées, peuples des campagnes et des villes, artisans et manufacturiers, ouvriers et bourgeois. La misère s'installe autour des centres industriels (verreries de Bohême, métallurgie saxonne, textile rhéno-westphalien, chantiers navals génois). Cette crise profonde a réveillé les antagonismes multiples, un moment assoupis. Le mécontentement explose contre les systèmes en place, contre les autocraties, rendues responsables des injustices et des archaïsmes, contre les tutelles étrangères, qui s'expriment souvent par le maintien d'une domination économique de type colonial.
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Re: Révolutions européennes de 1848
1848 : fraternité universelle ou égoïsme sacré ?
L'historiographie de 1848 a longtemps privilégié le rôle des idéologies et fait une large part à l'imagerie naïve et sécurisante : une internationale de peuples fraternellement unis dans la reconquête de leurs droits, de ce fameux droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, fondement de l'idéal démocratique. On a insisté sur la solidarité incontestable qui a uni parfois les combattants, sur l'initiative exemplaire des légions de volontaires, traversant fleuves et montagnes pour voler au secours de l'une ou l'autre révolution en danger. Belle préfiguration de l'internationalisme du XXe s. que l'action du Polonais Józef Bem, successivement à la tête de l'armée sicilienne et d'un corps d'armée hongrois, ou celle de son compatriote Ludwik Mierosławski !
Conformément à ce schéma, la lutte libératrice du peuple hongrois a été parfois sacralisée. C'est oublier un peu vite que le combat du nationalisme magyar s'inspirait de la volonté de maintenir l'état de servitude sur un million de serfs croates, slovaques, ruthènes, roumains ou serbes. La noblesse hongroise, essentiellement formée de petits gentilshommes campagnards, était d'autant plus farouchement attachée à ses privilèges seigneuriaux que l'évolution économique entraînait une irrémédiable chute de ses revenus. La haine de l'oppression autrichienne tenait aussi au déséquilibre des échanges imposé par Vienne (« exclusif » sur les produits agricoles et les matières premières achetées à bas prix). Quant au droit des peuples, la nation hongroise l'interprétait dans un sens éminemment restrictif, en imposant par exemple à la Diète de Pest l'emploi exclusif du magyar, rejetant dans les ténèbres extérieures les allogènes slaves ou roumains. Au chauvinisme hongrois va s'opposer le panslavisme, la lutte libératrice des Croates et des Tchèques, devenus paradoxalement le soutien de la monarchie des Habsbourg. Autre ambiguïté de la situation : Vienne, en brisant le mouvement des nationalités, visait à faire éclater les structures archaïques de son économie agraire pour entreprendre sa révolution industrielle et entrer de plain-pied dans le capitalisme modernisateur.
Les fondements économiques des révolutions sont tout aussi perceptibles en Italie. L'Autriche avait installé une série de barrières douanières qui lésaient en premier lieu le Piémont et les intérêts de l'aristocratie sarde, politiquement conservatrice, mais ralliée au capitalisme agraire, à l'instar des landlords britanniques. La libération de la tutelle autrichienne et l'unité apparaissaient bien comme l'expression de revendications socialement et géographiquement particularistes. D'ailleurs, la lutte du peuple italien doit être ramenée à ses justes dimensions. L'immense majorité des habitants de la péninsule, à savoir les paysans, est restée à peu près totalement en dehors du mouvement. Mieux encore, c'est contre les réactionnaires que les paysans toscans se sont soulevés à l'appel du clergé contre la république de Florence en avril 1849. D'ailleurs, il semble que l'influence du courant unitaire ait été bien inférieure à celle des traditions particularistes. Le séparatisme sicilien et les réserves de Venise à l'égard des projets d'annexion au Piémont le confirment bien. À l'exception d'une poignée de bourgeois et d'universitaires, l'inculture politique était générale, et les modes de pensées, forgés par des siècles d'attachement au campanilisme, constituaient des obstacles à l'unité tout aussi efficaces que les baïonnettes autrichiennes.
Les causes de l'échec des révolutions en Allemagne s'apparentent avec évidence à celles de l'Italie et de l'Autriche. Le mouvement libéral et unitaire a été initialement l'expression de la bourgeoisie d'affaires, rhénowestphalienne surtout, bloquée dans son développement par le maintien des structures absolutistes et particularistes. En un sens, la révolution de mars, impulsée par les grands bourgeois David Hanseman (1790-1864) et Ludolf Camphausen (1803-1890), est le complément logique du Zollverein. En son temps, F. Engels avait attribué l'échec du mouvement à la trahison de cette même bourgeoisie, qui, devant la montée du mouvement ouvrier, avait procédé à un complet renversement des alliances au cours de l'été 1848, en se jetant dans les bras des bureaucrates conservateurs. Loin de pousser jusqu'au bout la logique de la révolution bourgeoise, comme dans la France de 1789, industriels et banquiers avaient reculé devant les conséquences d'un bouleversement décisif des superstructures politiques. Les travaux postérieurs de E. Vermeil et de V. Valentin ont mis en valeur un aspect original et non moins fondamental de la vie politique allemande, à savoir l'attachement à la notion d'État et d'autorité. L'idéologie dominante, enseignée dans les prestigieuses universités d'outre-Rhin, donnait le rôle primordial à l'État, considéré comme la réalité suprême, au-delà des petitesses individuelles et des idéaux centrifuges. L'État, entité dominatrice et collective, fondait en un seul bloc les énergies et les forces spirituelles pour un plus grand destin du Deutschtum.
L'élite bourgeoise et intellectuelle, totalement imprégnée de ce syncrétisme hégéliano-kantien, condamnait l'absolutisme non parce qu'il opprimait l'individu, mais parce qu'il retardait l'inéluctable triomphe de l'État moderne, non parce qu'il était l'antithèse de la Déclaration des droits de l'Homme, mais parce qu'il interdisait la participation à la vie de la cité, interprétée comme un devoir supérieur, un impératif catégorique. On comprend mieux dans ces conditions l'étrange timidité des « révolutionnaires » de Francfort, prorogeant les pouvoirs de la Diète et des princes, et respectant au nom de l'histoire les « glorieuses dynasties ».
Luttes de classes et socialisme de 1848
L'aspect social dans les révolutions de 1848, hors de France, bien qu'apparemment secondaire, n'en a pas moins été partout présent. Dans les régions en voie d'industrialisation et à des degrés divers suivant les zones géographiques, la condition misérable faite aux ouvriers des manufactures comme l'appauvrissement continu des artisans ont entraîné des manifestations plus ou moins violentes contre l'ordre social et politique établi. En Rhénanie, en Saxe, en Bohême, des émeutes ont éclaté sporadiquement tout au long de l'année 1848. Des associations ouvrières, groupant les travailleurs des différents statuts, se sont constituées avec une rapidité qui tranchait sur l'atonie relative des années antérieures. Mais la nature des revendications formulées restait fondamentalement réformiste (protection sociale, garantie du salaire, ouverture d'ateliers ou de chantiers par l'État). Le poids de l'artisanat et des modes de pensée de caractère artisanal canalisait souvent les exigences non pas vers la prise en main collective, par la classe ouvrière, des instruments de production, mais bien vers l'accession individuelle ou coopérative de ces mêmes moyens. C'est ce qui ressortait ainsi du programme de la puissante Association des travailleurs berlinois, dirigée par un homme d'envergure, Stephan Born (1824-1898), le type même de l'ouvrier quarante-huitard allemand. L'attitude réaliste de Karl Marx, alors théoricien parmi d'autres, mais militant en vue du mouvement révolutionnaire, confirme bien cette vision des choses. Marx était très au fait de la situation du prolétariat allemand, de sa faiblesse et de ses conceptions traditionalistes. La parution à Londres, en février 1848, du Manifeste du parti communiste, écrit en collaboration avec F. Engels, n'avait guère eu d'influence sur l'orientation des luttes. La plupart des travailleurs allemands étaient alors bien plus proches des théoriciens du communisme évangélique, comme le tailleur Wilhelm Weitling (1808-1871), ou des bourgeois radicaux Gustav von Struve (1805-1870) et Friedrich Hecker (1811-1881).
Conscient à la fois de la sûreté de sa prospective – une lutte de classe bipolaire entre la bourgeoisie et le prolétariat, dont ce dernier sortira vainqueur dès que les conditions seront réunies – et de la crainte des classes moyennes démocrates devant les projets de société communiste, Karl Marx dissout la ligue de société communiste en avril 1848. Il va s'activer à unifier le programme et la stratégie des associations démocrates. Tactique payante, semble-t-il. Son influence grandit, au point qu'il apparaît au Congrès démocratique de Berlin, en octobre 1848, comme un des chefs les plus en vue de la révolution allemande.
Source:*http://larousse.fr
L'historiographie de 1848 a longtemps privilégié le rôle des idéologies et fait une large part à l'imagerie naïve et sécurisante : une internationale de peuples fraternellement unis dans la reconquête de leurs droits, de ce fameux droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, fondement de l'idéal démocratique. On a insisté sur la solidarité incontestable qui a uni parfois les combattants, sur l'initiative exemplaire des légions de volontaires, traversant fleuves et montagnes pour voler au secours de l'une ou l'autre révolution en danger. Belle préfiguration de l'internationalisme du XXe s. que l'action du Polonais Józef Bem, successivement à la tête de l'armée sicilienne et d'un corps d'armée hongrois, ou celle de son compatriote Ludwik Mierosławski !
Conformément à ce schéma, la lutte libératrice du peuple hongrois a été parfois sacralisée. C'est oublier un peu vite que le combat du nationalisme magyar s'inspirait de la volonté de maintenir l'état de servitude sur un million de serfs croates, slovaques, ruthènes, roumains ou serbes. La noblesse hongroise, essentiellement formée de petits gentilshommes campagnards, était d'autant plus farouchement attachée à ses privilèges seigneuriaux que l'évolution économique entraînait une irrémédiable chute de ses revenus. La haine de l'oppression autrichienne tenait aussi au déséquilibre des échanges imposé par Vienne (« exclusif » sur les produits agricoles et les matières premières achetées à bas prix). Quant au droit des peuples, la nation hongroise l'interprétait dans un sens éminemment restrictif, en imposant par exemple à la Diète de Pest l'emploi exclusif du magyar, rejetant dans les ténèbres extérieures les allogènes slaves ou roumains. Au chauvinisme hongrois va s'opposer le panslavisme, la lutte libératrice des Croates et des Tchèques, devenus paradoxalement le soutien de la monarchie des Habsbourg. Autre ambiguïté de la situation : Vienne, en brisant le mouvement des nationalités, visait à faire éclater les structures archaïques de son économie agraire pour entreprendre sa révolution industrielle et entrer de plain-pied dans le capitalisme modernisateur.
Les fondements économiques des révolutions sont tout aussi perceptibles en Italie. L'Autriche avait installé une série de barrières douanières qui lésaient en premier lieu le Piémont et les intérêts de l'aristocratie sarde, politiquement conservatrice, mais ralliée au capitalisme agraire, à l'instar des landlords britanniques. La libération de la tutelle autrichienne et l'unité apparaissaient bien comme l'expression de revendications socialement et géographiquement particularistes. D'ailleurs, la lutte du peuple italien doit être ramenée à ses justes dimensions. L'immense majorité des habitants de la péninsule, à savoir les paysans, est restée à peu près totalement en dehors du mouvement. Mieux encore, c'est contre les réactionnaires que les paysans toscans se sont soulevés à l'appel du clergé contre la république de Florence en avril 1849. D'ailleurs, il semble que l'influence du courant unitaire ait été bien inférieure à celle des traditions particularistes. Le séparatisme sicilien et les réserves de Venise à l'égard des projets d'annexion au Piémont le confirment bien. À l'exception d'une poignée de bourgeois et d'universitaires, l'inculture politique était générale, et les modes de pensées, forgés par des siècles d'attachement au campanilisme, constituaient des obstacles à l'unité tout aussi efficaces que les baïonnettes autrichiennes.
Les causes de l'échec des révolutions en Allemagne s'apparentent avec évidence à celles de l'Italie et de l'Autriche. Le mouvement libéral et unitaire a été initialement l'expression de la bourgeoisie d'affaires, rhénowestphalienne surtout, bloquée dans son développement par le maintien des structures absolutistes et particularistes. En un sens, la révolution de mars, impulsée par les grands bourgeois David Hanseman (1790-1864) et Ludolf Camphausen (1803-1890), est le complément logique du Zollverein. En son temps, F. Engels avait attribué l'échec du mouvement à la trahison de cette même bourgeoisie, qui, devant la montée du mouvement ouvrier, avait procédé à un complet renversement des alliances au cours de l'été 1848, en se jetant dans les bras des bureaucrates conservateurs. Loin de pousser jusqu'au bout la logique de la révolution bourgeoise, comme dans la France de 1789, industriels et banquiers avaient reculé devant les conséquences d'un bouleversement décisif des superstructures politiques. Les travaux postérieurs de E. Vermeil et de V. Valentin ont mis en valeur un aspect original et non moins fondamental de la vie politique allemande, à savoir l'attachement à la notion d'État et d'autorité. L'idéologie dominante, enseignée dans les prestigieuses universités d'outre-Rhin, donnait le rôle primordial à l'État, considéré comme la réalité suprême, au-delà des petitesses individuelles et des idéaux centrifuges. L'État, entité dominatrice et collective, fondait en un seul bloc les énergies et les forces spirituelles pour un plus grand destin du Deutschtum.
L'élite bourgeoise et intellectuelle, totalement imprégnée de ce syncrétisme hégéliano-kantien, condamnait l'absolutisme non parce qu'il opprimait l'individu, mais parce qu'il retardait l'inéluctable triomphe de l'État moderne, non parce qu'il était l'antithèse de la Déclaration des droits de l'Homme, mais parce qu'il interdisait la participation à la vie de la cité, interprétée comme un devoir supérieur, un impératif catégorique. On comprend mieux dans ces conditions l'étrange timidité des « révolutionnaires » de Francfort, prorogeant les pouvoirs de la Diète et des princes, et respectant au nom de l'histoire les « glorieuses dynasties ».
Luttes de classes et socialisme de 1848
L'aspect social dans les révolutions de 1848, hors de France, bien qu'apparemment secondaire, n'en a pas moins été partout présent. Dans les régions en voie d'industrialisation et à des degrés divers suivant les zones géographiques, la condition misérable faite aux ouvriers des manufactures comme l'appauvrissement continu des artisans ont entraîné des manifestations plus ou moins violentes contre l'ordre social et politique établi. En Rhénanie, en Saxe, en Bohême, des émeutes ont éclaté sporadiquement tout au long de l'année 1848. Des associations ouvrières, groupant les travailleurs des différents statuts, se sont constituées avec une rapidité qui tranchait sur l'atonie relative des années antérieures. Mais la nature des revendications formulées restait fondamentalement réformiste (protection sociale, garantie du salaire, ouverture d'ateliers ou de chantiers par l'État). Le poids de l'artisanat et des modes de pensée de caractère artisanal canalisait souvent les exigences non pas vers la prise en main collective, par la classe ouvrière, des instruments de production, mais bien vers l'accession individuelle ou coopérative de ces mêmes moyens. C'est ce qui ressortait ainsi du programme de la puissante Association des travailleurs berlinois, dirigée par un homme d'envergure, Stephan Born (1824-1898), le type même de l'ouvrier quarante-huitard allemand. L'attitude réaliste de Karl Marx, alors théoricien parmi d'autres, mais militant en vue du mouvement révolutionnaire, confirme bien cette vision des choses. Marx était très au fait de la situation du prolétariat allemand, de sa faiblesse et de ses conceptions traditionalistes. La parution à Londres, en février 1848, du Manifeste du parti communiste, écrit en collaboration avec F. Engels, n'avait guère eu d'influence sur l'orientation des luttes. La plupart des travailleurs allemands étaient alors bien plus proches des théoriciens du communisme évangélique, comme le tailleur Wilhelm Weitling (1808-1871), ou des bourgeois radicaux Gustav von Struve (1805-1870) et Friedrich Hecker (1811-1881).
Conscient à la fois de la sûreté de sa prospective – une lutte de classe bipolaire entre la bourgeoisie et le prolétariat, dont ce dernier sortira vainqueur dès que les conditions seront réunies – et de la crainte des classes moyennes démocrates devant les projets de société communiste, Karl Marx dissout la ligue de société communiste en avril 1848. Il va s'activer à unifier le programme et la stratégie des associations démocrates. Tactique payante, semble-t-il. Son influence grandit, au point qu'il apparaît au Congrès démocratique de Berlin, en octobre 1848, comme un des chefs les plus en vue de la révolution allemande.
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