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Géographie électorale des États-Unis
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algeriedrs :: Politiques,relations extérieures et diplomatie :: Institutions politiques, juridiques, idéologiques... :: Géographie électorale et urbaine
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Géographie électorale des États-Unis
Après huit années d’une administration Bush dont le bilan est, à de nombreux égards, fort critiquable, les Américains sont à la veille d’une élection présidentielle cruciale pour les Etats-Unis, mais aussi pour le reste du monde, qui suit du coup avec une grande attention la campagne électorale américaine. Nous allons tenter de définir et d’analyser les enjeux de ces élections, à travers une approche géographique qui nous conduira à une meilleure compréhension de ce pays à la fois si proche et si lointain. En conclusion nous essaierons d’évaluer les chances de succès des deux candidats.
Aux Etats-Unis, tout comme en Europe, l’« Obamania » est très forte. Si Barack Obama est généralement donné comme favori dans les sondages, il faut attendre les résultats du 4 novembre pour connaître l’identité du 44ème président des Etats-Unis. Le succès de Barack Obama n’est pas assuré.
À certains égards, l’Obamania européenne est une surprise pour les Etats-Unis. Beaucoup d’Américains n’ont pris conscience de cette Obamania qu’à l’occasion de la visite du candidat démocrate à Berlin (fin juillet) où de nombreux Allemands agitaient des drapeaux US. Pour les Américains, cet engouement et cette popularité après huit années d’administration Bush et de montée de l’anti-américanisme dans le monde furent une révélation.
Le contexte démographique des élections : la question de la « diversité ethnique »
La question « raciale » est assurément une clef des élections présidentielles. Pour en saisir la complexité, il faut clarifier les quatre traits qui caractérisent la population américaine :
un métissage croissant de la population : en 2000 est apparue une catégorie statistique nouvelle, dite des « multiraciaux », qui prend une place de plus en plus importante ;
une diminution du poids relatif des « blancs » non hispaniques : cette catégorie représente aujourd’hui les 2/3 de la population ; cette part est en déclin et, en 2042, cette catégorie de population devrait être minoritaire ;
une croissance très importante de la communauté hispanique : cette communauté, en accroissement rapide et régulier, représente aujourd’hui près de 15% de la population ;
une quasi stabilité de la communauté noire (environ 12,8%).
L’état de Californie (le plus peuplé des Etats-Unis avec environ 38 millions d’habitants) est précurseur dans ces évolutions. Le cas californien peut en effet être considéré comme emblématique des évolutions en cours de la population américaine. La composition de la population de cet état se répartit comme suit :
La communauté des « blancs non hispaniques » représente 43% de la population ;
Les hispaniques 36% ;
Les Asiatiques 12-13%.
Cette diversité ethnique trouve ses origines dans les lois de 1965 (libéralisation de l’immigration). Elles ont tout d’abord accéléré l’immigration en provenance d’Amérique latine. Ensuite, au cours des décennies 1970 et 1980, les immigrations en provenance d’Asie puis d’Afrique (à un moindre niveau) se sont fortement développées, alors que l’immigration en provenance d’Europe diminuait pour atteindre un niveau peu important (15% aujourd’hui).
Plus précisément, en ce qui concerne la communauté afro-américaine, à laquelle Barack Obama appartient, il convient de rappeler qu’elle n’est pas homogène. Elle se sub-divise en fait en deux grandes catégories :
la communauté historique, issue de l’esclavage : largement la plus nombreuse, dotée d’un sentiment communautaire très fort, cette communauté est pour partie exclue du « rêve américain » et vit en marge de la société américaine. C’est dans cette catégorie de la population que se trouvent des situations de grande précarité, comme le traduisent nombre d’indicateurs statistiques (taux de chômage et d’emprisonnement très élevés) ;
la communauté issue de l’immigration récente : cette communauté partage en revanche le « rêve américain » et réussit à s’insérer dans la société américaine ; Barack Obama est le fruit de cette immigration récente. Parmi les pays appartenant au monde industriel développé, les Etats-Unis peuvent sans doute être considérés comme le pays le moins raciste, tout au moins institutionnellement, car la réglementation n’empêche pas des comportements individuels fortement marqués par le racisme.
.../...
Aux Etats-Unis, tout comme en Europe, l’« Obamania » est très forte. Si Barack Obama est généralement donné comme favori dans les sondages, il faut attendre les résultats du 4 novembre pour connaître l’identité du 44ème président des Etats-Unis. Le succès de Barack Obama n’est pas assuré.
À certains égards, l’Obamania européenne est une surprise pour les Etats-Unis. Beaucoup d’Américains n’ont pris conscience de cette Obamania qu’à l’occasion de la visite du candidat démocrate à Berlin (fin juillet) où de nombreux Allemands agitaient des drapeaux US. Pour les Américains, cet engouement et cette popularité après huit années d’administration Bush et de montée de l’anti-américanisme dans le monde furent une révélation.
Le contexte démographique des élections : la question de la « diversité ethnique »
La question « raciale » est assurément une clef des élections présidentielles. Pour en saisir la complexité, il faut clarifier les quatre traits qui caractérisent la population américaine :
un métissage croissant de la population : en 2000 est apparue une catégorie statistique nouvelle, dite des « multiraciaux », qui prend une place de plus en plus importante ;
une diminution du poids relatif des « blancs » non hispaniques : cette catégorie représente aujourd’hui les 2/3 de la population ; cette part est en déclin et, en 2042, cette catégorie de population devrait être minoritaire ;
une croissance très importante de la communauté hispanique : cette communauté, en accroissement rapide et régulier, représente aujourd’hui près de 15% de la population ;
une quasi stabilité de la communauté noire (environ 12,8%).
L’état de Californie (le plus peuplé des Etats-Unis avec environ 38 millions d’habitants) est précurseur dans ces évolutions. Le cas californien peut en effet être considéré comme emblématique des évolutions en cours de la population américaine. La composition de la population de cet état se répartit comme suit :
La communauté des « blancs non hispaniques » représente 43% de la population ;
Les hispaniques 36% ;
Les Asiatiques 12-13%.
Cette diversité ethnique trouve ses origines dans les lois de 1965 (libéralisation de l’immigration). Elles ont tout d’abord accéléré l’immigration en provenance d’Amérique latine. Ensuite, au cours des décennies 1970 et 1980, les immigrations en provenance d’Asie puis d’Afrique (à un moindre niveau) se sont fortement développées, alors que l’immigration en provenance d’Europe diminuait pour atteindre un niveau peu important (15% aujourd’hui).
Plus précisément, en ce qui concerne la communauté afro-américaine, à laquelle Barack Obama appartient, il convient de rappeler qu’elle n’est pas homogène. Elle se sub-divise en fait en deux grandes catégories :
la communauté historique, issue de l’esclavage : largement la plus nombreuse, dotée d’un sentiment communautaire très fort, cette communauté est pour partie exclue du « rêve américain » et vit en marge de la société américaine. C’est dans cette catégorie de la population que se trouvent des situations de grande précarité, comme le traduisent nombre d’indicateurs statistiques (taux de chômage et d’emprisonnement très élevés) ;
la communauté issue de l’immigration récente : cette communauté partage en revanche le « rêve américain » et réussit à s’insérer dans la société américaine ; Barack Obama est le fruit de cette immigration récente. Parmi les pays appartenant au monde industriel développé, les Etats-Unis peuvent sans doute être considérés comme le pays le moins raciste, tout au moins institutionnellement, car la réglementation n’empêche pas des comportements individuels fortement marqués par le racisme.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
La géographie électorale et sa représentation cartographique
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Carte 1 - Election 2004 par états : vote Républicain (rouge) et vote Démocrate (bleu)
Lecture : la majorité de la population des états a voté Républicain (rouge), Démocrate (bleu)
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Cartogramme 1 - Election 2004 par états : vote Républicain (rouge) et vote Démocrate (bleu)
Lecture : le cartogramme tient compte du poids démographique des états ayant voté Républicain ou Démocrate
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Carte 2 - Election 2004 par comtés : vote Républicain (rouge) versus vote Démocrate (bleu)
Lecture : la majorité de la population des comtés a voté Républicain (rouge), Démocrate (bleu)
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Cartogramme 2 - Election 2004 par comtés : vote Républicain (rouge) versus vote Démocrate (bleu)
Lecture : le cartogramme tient compte du poids démographique des comtés ayant voté Républicain ou Démocrate.
Source : Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman (University of Michigan)
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Cartogramme 2 - Election 2004 par comtés : vote Républicain (rouge) versus vote Démocrate (bleu)
Lecture : le cartogramme tient compte du poids démographique des comtés ayant voté Républicain ou Démocrate.
Source : Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman (University of Michigan)
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Avant de commenter ces cartes, deux rappels sont nécessaires :
Il faut d’abord souligner l’hyper-médiatisation des binômes dominants : John McCain et Sarah Palin pour le parti Républicain, Barack Obama et Joe Biden pour le parti Démocrate. Cette hyper-médiatisation ne doit pas faire oublier que d’autres candidats, d’autres partis, font également campagne, même s’ils n’ont aucune chance d’être élus ;
Il faut ensuite rappeler qu’il s’agit d’une élection au suffrage universel indirect à un tour. Dans chaque état les électeurs votent pour une liste de « grands électeurs » qui ont été désignés par les partis. La liste gagnante prend tous les postes, dans la mesure où il n’y a pas de panachage. Ces grands électeurs votent ensuite pour le président (le seuil pour accéder à cette fonction est de 270 voix).
Ce système électoral donne une image quelque peu « caricaturale » de la géographique électorale des Etats-Unis. Sur la carte 1, nous observons une Amérique divisée en deux : une Amérique Démocrate, celle de la côte Est, de la côte Ouest et des états des Grands Lacs, et une Amérique Républicaine, localisée au centre du pays dans les Grande Plaines, les Rocheuses et le Sud. L’Amérique serait ainsi divisée en deux avec une opposition radicale qui donne au final l’impression d’une hégémonie républicaine.
Trois remarques s’imposent pour pondérer cette grille de lecture des deux Amériques.
La prise en compte du poids démographique des états (cartogramme 1) donne une représentation cartographique plus nuancée concernant le poids et la répartition du vote Démocrate ;
L’interprétation des résultats des élections par comtés et non par états (carte 2 et cartogramme 2) permet une lecture plus fine du vote américain. Nous aboutissons finalement à une cartographie très complexe où des comtés Républicains et des comtés Démocrates sont totalement imbriqués ;
Une autre forme de représentation cartographique est possible, où la bascule des pourcentages pris en compte lors de la cartographie n’est plus 50%, mais le pourcentage exact des votes obtenus par chaque parti dans chaque comté. Ainsi 52% dans un camp et 48% dans l’autre donnera une nuance de bleu et de rouge : le pourpre. C’est ce que l’on appelle le principe de l’Amérique « pourpre » où le vote américain n’est pas aussi tranché, et où au contraire la réalité apparaît comme étant extrêmement complexe et nuancée.
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Cartogramme 3 - Election 2004 par comtés : l’Amérique pourpre (pondération vote Républicain combiné au vote Démocrate)
Source : Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman (University of Michigan)
Il faut d’abord souligner l’hyper-médiatisation des binômes dominants : John McCain et Sarah Palin pour le parti Républicain, Barack Obama et Joe Biden pour le parti Démocrate. Cette hyper-médiatisation ne doit pas faire oublier que d’autres candidats, d’autres partis, font également campagne, même s’ils n’ont aucune chance d’être élus ;
Il faut ensuite rappeler qu’il s’agit d’une élection au suffrage universel indirect à un tour. Dans chaque état les électeurs votent pour une liste de « grands électeurs » qui ont été désignés par les partis. La liste gagnante prend tous les postes, dans la mesure où il n’y a pas de panachage. Ces grands électeurs votent ensuite pour le président (le seuil pour accéder à cette fonction est de 270 voix).
Ce système électoral donne une image quelque peu « caricaturale » de la géographique électorale des Etats-Unis. Sur la carte 1, nous observons une Amérique divisée en deux : une Amérique Démocrate, celle de la côte Est, de la côte Ouest et des états des Grands Lacs, et une Amérique Républicaine, localisée au centre du pays dans les Grande Plaines, les Rocheuses et le Sud. L’Amérique serait ainsi divisée en deux avec une opposition radicale qui donne au final l’impression d’une hégémonie républicaine.
Trois remarques s’imposent pour pondérer cette grille de lecture des deux Amériques.
La prise en compte du poids démographique des états (cartogramme 1) donne une représentation cartographique plus nuancée concernant le poids et la répartition du vote Démocrate ;
L’interprétation des résultats des élections par comtés et non par états (carte 2 et cartogramme 2) permet une lecture plus fine du vote américain. Nous aboutissons finalement à une cartographie très complexe où des comtés Républicains et des comtés Démocrates sont totalement imbriqués ;
Une autre forme de représentation cartographique est possible, où la bascule des pourcentages pris en compte lors de la cartographie n’est plus 50%, mais le pourcentage exact des votes obtenus par chaque parti dans chaque comté. Ainsi 52% dans un camp et 48% dans l’autre donnera une nuance de bleu et de rouge : le pourpre. C’est ce que l’on appelle le principe de l’Amérique « pourpre » où le vote américain n’est pas aussi tranché, et où au contraire la réalité apparaît comme étant extrêmement complexe et nuancée.
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Cartogramme 3 - Election 2004 par comtés : l’Amérique pourpre (pondération vote Républicain combiné au vote Démocrate)
Source : Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman (University of Michigan)
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Re: Géographie électorale des États-Unis
L’enjeu pour les candidats à l’élection de novembre 2008 consiste à gagner dans les états susceptibles de basculer d’un camp à l’autre. Stratégiques pour l’issue des élections du 4 novembre, ces états sont appelés les « swinging states » ; ils font l’objet de beaucoup d’attentions et d’investissements de la part des candidats. Selon les derniers sondages, 7 états seraient indécis : Nevada, Missouri, Indiana, Ohio, Virginie occidentale, Caroline du Nord et Floride.
Qui sont les candidats ?
Les parcours personnels de Barack Obama et de John McCain expliquent leurs orientations politiques et permettent d’anticiper sur l’après 4 novembre.
John McCain, 72 ans, est issu d’une famille de militaires ; combattant au Viet Nam où il a été fait prisonnier durant 4 ans, il fait figure de héros national qui incarne la grandeur militaire des Etats-Unis. Au début des années 1980, il s’engage dans une carrière politique, et en 1987 il est élu sénateur de l’Arizona. Ami de John Kerry (candidat Démocrate de 2004 et vétéran du Viet Nam lui aussi), ils ont travaillé ensemble, au Sénat, sur un certain nombre de dossiers. John McCain incarne l’Amérique « blanche » traditionnelle. S’il essaie de se démarquer de Georges W. Bush, il a tout de même du mal à convaincre quant à sa capacité à marquer une profonde rupture.
Barack Obama, 47 ans, sénateur de l’Illinois, est métis d’un père Kenyan et d’une mère Américaine blanche. Entre 1967 et 1971, il vit en Indonésie (après le divorce de ses parents), fréquentant alors des musulmans. De cette période de sa vie, il garde une perception et une image du monde islamique beaucoup plus nuancée que celle d’autres personnalités politiques américaines. Il fait des études en sciences politiques et en relations internationales en Californie et à New-York, puis trouve un emploi à Chicago dans un grand cabinet financier où il aurait pu faire carrière. Très rapidement il choisit de devenir « organisateur communautaire » dans un ghetto noir de Chicago où il entre en contact avec les milieux chrétiens. En 1987, il reprend ses études à Harvard et, de retour à Chicago, il travaille comme avocat pour les droits civiques et enseigne à l’Université de Chicago. En 1989 il rencontre sa future épouse (Michelle Robinson), avocate elle-même, qui le pousse vers une carrière politique. En 1996, il est élu sénateur au Parlement de l’Illinois, puis en 2004 sénateur de l’Illinois à Washington.
Barack Obama incarne une Amérique métis, mais aussi une Amérique jeune. Aux yeux de beaucoup d’Américains, il incarne l’espoir et l’avenir de l’Amérique. Doté d’une expérience multinationale et multiculturelle, Barack Obama a les compétences nécessaires pour s’adresser à plusieurs publics. Sa grande force politique repose sur le fait qu’il n’effraie pas les électeurs blancs (il ne se présente pas comme un héritier de la communauté noire historique) et que, en même temps, grâce à son parcours professionnel, comme acteur social dans les quartiers pauvres du sud de Chicago, il se concilie le soutien de la communauté noire historique d’où, qui plus est, est issue son épouse.
Quelles sont les chances de Barack Obama... Et pourquoi lui ?
Barack Obama est le favori des sondages qui le donnent gagnant ;
Il est le « préféré » des européens ; il incarne ce fameux « rêve américain » auquel les Européens ont encore envie de croire : 86% des Français et 73% des Européens le plébiscitent ;
Il a su mobiliser beaucoup plus de financements que son adversaire durant la campagne, ce qui tend à signifier que les Américains « parient » préférentiellement sur lui ;
Il a su rallier le soutien d’un certain nombre de membres du parti Républicain, le plus éminent étant Colin Powell.
Toutefois la bataille électorale n’est pas gagnée et de nombreux analystes évoquent l’« effet Bradley ». Cette notion renvoie à l’élection du maire de Los Angeles en 1982 ; Tom Bradley, candidat-sénateur de la Californie, alors donné gagnant dans les sondages, est finalement battu. L’effet Bradley fait référence concrètement à des décalages de comportements entre les déclarations d’intentions de votes et le choix final des électeurs dans l’isoloir.
Même si la force politique d’Obama tient dans son discours à coloration universelle, il part avec un handicap électoral important : des enquêtes de sociologues américains ont montré que 20% de l’électorat blanc ne votera jamais pour un candidat noir.
Qui sont les candidats ?
Les parcours personnels de Barack Obama et de John McCain expliquent leurs orientations politiques et permettent d’anticiper sur l’après 4 novembre.
John McCain, 72 ans, est issu d’une famille de militaires ; combattant au Viet Nam où il a été fait prisonnier durant 4 ans, il fait figure de héros national qui incarne la grandeur militaire des Etats-Unis. Au début des années 1980, il s’engage dans une carrière politique, et en 1987 il est élu sénateur de l’Arizona. Ami de John Kerry (candidat Démocrate de 2004 et vétéran du Viet Nam lui aussi), ils ont travaillé ensemble, au Sénat, sur un certain nombre de dossiers. John McCain incarne l’Amérique « blanche » traditionnelle. S’il essaie de se démarquer de Georges W. Bush, il a tout de même du mal à convaincre quant à sa capacité à marquer une profonde rupture.
Barack Obama, 47 ans, sénateur de l’Illinois, est métis d’un père Kenyan et d’une mère Américaine blanche. Entre 1967 et 1971, il vit en Indonésie (après le divorce de ses parents), fréquentant alors des musulmans. De cette période de sa vie, il garde une perception et une image du monde islamique beaucoup plus nuancée que celle d’autres personnalités politiques américaines. Il fait des études en sciences politiques et en relations internationales en Californie et à New-York, puis trouve un emploi à Chicago dans un grand cabinet financier où il aurait pu faire carrière. Très rapidement il choisit de devenir « organisateur communautaire » dans un ghetto noir de Chicago où il entre en contact avec les milieux chrétiens. En 1987, il reprend ses études à Harvard et, de retour à Chicago, il travaille comme avocat pour les droits civiques et enseigne à l’Université de Chicago. En 1989 il rencontre sa future épouse (Michelle Robinson), avocate elle-même, qui le pousse vers une carrière politique. En 1996, il est élu sénateur au Parlement de l’Illinois, puis en 2004 sénateur de l’Illinois à Washington.
Barack Obama incarne une Amérique métis, mais aussi une Amérique jeune. Aux yeux de beaucoup d’Américains, il incarne l’espoir et l’avenir de l’Amérique. Doté d’une expérience multinationale et multiculturelle, Barack Obama a les compétences nécessaires pour s’adresser à plusieurs publics. Sa grande force politique repose sur le fait qu’il n’effraie pas les électeurs blancs (il ne se présente pas comme un héritier de la communauté noire historique) et que, en même temps, grâce à son parcours professionnel, comme acteur social dans les quartiers pauvres du sud de Chicago, il se concilie le soutien de la communauté noire historique d’où, qui plus est, est issue son épouse.
Quelles sont les chances de Barack Obama... Et pourquoi lui ?
Barack Obama est le favori des sondages qui le donnent gagnant ;
Il est le « préféré » des européens ; il incarne ce fameux « rêve américain » auquel les Européens ont encore envie de croire : 86% des Français et 73% des Européens le plébiscitent ;
Il a su mobiliser beaucoup plus de financements que son adversaire durant la campagne, ce qui tend à signifier que les Américains « parient » préférentiellement sur lui ;
Il a su rallier le soutien d’un certain nombre de membres du parti Républicain, le plus éminent étant Colin Powell.
Toutefois la bataille électorale n’est pas gagnée et de nombreux analystes évoquent l’« effet Bradley ». Cette notion renvoie à l’élection du maire de Los Angeles en 1982 ; Tom Bradley, candidat-sénateur de la Californie, alors donné gagnant dans les sondages, est finalement battu. L’effet Bradley fait référence concrètement à des décalages de comportements entre les déclarations d’intentions de votes et le choix final des électeurs dans l’isoloir.
Même si la force politique d’Obama tient dans son discours à coloration universelle, il part avec un handicap électoral important : des enquêtes de sociologues américains ont montré que 20% de l’électorat blanc ne votera jamais pour un candidat noir.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Les programmes comparés et les enjeux des élections
1. Pour l’Amérique
Barack Obama propose une réorientation de la politique fédérale vers une politique keynésienne au sens strict, avec un renouvellement de l’intervention de la puissance publique dans un certain nombre de domaines comme l’éducation, la santé et les infrastructures. Il propose aussi une réforme de la fiscalité qui risque de peser lourdement sur les revenus du capital mais qui permettrait d’alléger la charge fiscale qui pèse sur les épaules des plus pauvres et surtout sur les classes moyennes.
Si John McCain est élu, nous pouvons nous attendre à une certaine continuité de la politique de George W. Bush avec des recettes néo libérales classiques : allègements de la charge fiscale pour les entreprises et les ménages, afin de stimuler les investissements et la consommation dans le but de relancer la machine économique.
2. Pour l’Europe
Au vu de l’« Obamania européenne », le journal Allemand Der Spiegel avait posé en juin dernier une question intéressante « Obama aime-t-il l’Europe ? ». Il n’est pas certain qu’Obama ressente beaucoup d’affinités pour l’Europe. Il la considère sans doute comme un partenaire parmi d’autres. Un partenaire certes important dans la mesure où existent historiquement des relations politiques, culturelles et économiques extrêmement fortes entre les Etats-Unis et l’Europe. Mais sans doute ce partenariat ne serait-il pas particulièrement privilégié. Cette situation va dans le sens d’un processus déjà engagé de détachement transatlantique. En dépit des liens culturels, économiques et politiques qui restent très solides entre l’Europe et les Etats-Unis, l’élection de Barack Obama viendrait couronner le délitement progressif du lien transatlantique et le basculement des Etats-Unis vers la zone asiatique.
Avec John McCain les relations transatlantiques continueraient certainement à être privilégiées et nous pouvons espérer des relations apaisées avec l’Europe, suite aux désaccords profonds qui marquent les relations entre une partie de l’Europe et les Etats-Unis depuis l’intervention de Washington en Irak en 2003.
3. Pour le reste du Monde
Les priorités de John McCain sont assez proches de celles du camp Républicain en général et de George W. Bush : renforcer la prééminence des Etats-Unis, étendre les accords de libre-échange, apaiser les relations internationales dans le Monde. Toutefois concernant la politique étrangère, nous pouvons supposer que John McCain privilégierait le « Hard power » : une domination dure qui passe par une hégémonie économique et militaire des Etats-Unis.
Barack Obama proposerait une politique fondée sur plus de multiculturalisme tout en souhaitant renforcer l’influence américaine dans le Monde et diffuser la démocratie et l’économie de marché. Il est prêt à engager un dialogue sans condition préalable avec les « états voyous » ; il affiche vis-à-vis de l’Irak une volonté de désengagement total des USA. Son approche politique est fondée sur le « Soft power » c’est-à-dire une domination du Monde qui passerait par l’adhésion à un projet politique global et des outils de domination à caractère culturels et politiques.
1. Pour l’Amérique
Barack Obama propose une réorientation de la politique fédérale vers une politique keynésienne au sens strict, avec un renouvellement de l’intervention de la puissance publique dans un certain nombre de domaines comme l’éducation, la santé et les infrastructures. Il propose aussi une réforme de la fiscalité qui risque de peser lourdement sur les revenus du capital mais qui permettrait d’alléger la charge fiscale qui pèse sur les épaules des plus pauvres et surtout sur les classes moyennes.
Si John McCain est élu, nous pouvons nous attendre à une certaine continuité de la politique de George W. Bush avec des recettes néo libérales classiques : allègements de la charge fiscale pour les entreprises et les ménages, afin de stimuler les investissements et la consommation dans le but de relancer la machine économique.
2. Pour l’Europe
Au vu de l’« Obamania européenne », le journal Allemand Der Spiegel avait posé en juin dernier une question intéressante « Obama aime-t-il l’Europe ? ». Il n’est pas certain qu’Obama ressente beaucoup d’affinités pour l’Europe. Il la considère sans doute comme un partenaire parmi d’autres. Un partenaire certes important dans la mesure où existent historiquement des relations politiques, culturelles et économiques extrêmement fortes entre les Etats-Unis et l’Europe. Mais sans doute ce partenariat ne serait-il pas particulièrement privilégié. Cette situation va dans le sens d’un processus déjà engagé de détachement transatlantique. En dépit des liens culturels, économiques et politiques qui restent très solides entre l’Europe et les Etats-Unis, l’élection de Barack Obama viendrait couronner le délitement progressif du lien transatlantique et le basculement des Etats-Unis vers la zone asiatique.
Avec John McCain les relations transatlantiques continueraient certainement à être privilégiées et nous pouvons espérer des relations apaisées avec l’Europe, suite aux désaccords profonds qui marquent les relations entre une partie de l’Europe et les Etats-Unis depuis l’intervention de Washington en Irak en 2003.
3. Pour le reste du Monde
Les priorités de John McCain sont assez proches de celles du camp Républicain en général et de George W. Bush : renforcer la prééminence des Etats-Unis, étendre les accords de libre-échange, apaiser les relations internationales dans le Monde. Toutefois concernant la politique étrangère, nous pouvons supposer que John McCain privilégierait le « Hard power » : une domination dure qui passe par une hégémonie économique et militaire des Etats-Unis.
Barack Obama proposerait une politique fondée sur plus de multiculturalisme tout en souhaitant renforcer l’influence américaine dans le Monde et diffuser la démocratie et l’économie de marché. Il est prêt à engager un dialogue sans condition préalable avec les « états voyous » ; il affiche vis-à-vis de l’Irak une volonté de désengagement total des USA. Son approche politique est fondée sur le « Soft power » c’est-à-dire une domination du Monde qui passerait par l’adhésion à un projet politique global et des outils de domination à caractère culturels et politiques.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
DÉBAT
1. Michel Poinard (Géographe) : Qu’en est-il des vice-présidents ?
Frédéric Leriche : Le choix des vice-présidents est politique et ils ont un rôle de rééquilibrage dans les tandems. En incarnant une certaine forme d’agressivité, Sarah Palin est la « carte dynamisme et jeunesse » de John McCain. Joe Biden dont on redoute les prises de paroles, représente la « carte de l’expérience » ; ce choix de Barack Obama vise à rassurer l’électorat blanc.
2. : Votre exposé montre une Amérique en pleine évolution et un candidat président qui se présente comme une figure de la modernité et de l’avenir. En revanche, vous n’avez jamais évoqué (et c’était certainement voulu) la crise financière. Ne pensez-vous pas que si d’aventure Obama est élu, il devra son succès à cette débâcle financière ? les nationalisations "en urgence" des établissements bancaires par Bush, n’ont-elles pas fait passer au 2° plan la guerre en Irak et les problèmes de mœurs comme l’avortement ou la question « gay » ?
F.L. : J’ai laissé volontairement la crise financière de côté. C’est en effet une clef fondamentale de ces élections mais ce n’est pas la seule. La question raciale me semble tout aussi importante et je l’ai déjà évoquée. Que le camp Républicain soit en partie associé à cette débâcle financière va à l’encontre de John McCain ; toutefois il essaie de jouer la carte de la rupture et de tenir un discours clair revendiquant une politique différente de G.W. Bush. Je ne suis pas convaincu que si John McCain était élu sa politique serait aussi pragmatique que la politique que Bush est en train de mettre en place dans la mesure où le programme Républicain est basé sur l’allègement de la fiscalité avec un désengagement de l’Etat vis-à-vis de l’économie.
3. Jean-Christian Tulet (Animateur des Cafés géographiques). Ne surestime-t-on pas le poids des minorités ? Les hispaniques détiennent-ils tous la citoyenneté américaine ? Sont-ils inscrits sur les listes électorales ? Quelle est la proportion de ceux qui ont le droit de voter ?
F.L. : Il faudrait connaître le taux d’abstention général de la population américaine et effectuer le même calcul selon les catégories ethniques. Les taux d’abstentions sont parfois très élevés ; chez les hispaniques, immigrés depuis peu, un certain nombre ne sont pas citoyens américains ou bien même ayant accédé à la citoyenneté n’ont pas fait la démarche de s’inscrire pour voter.
Il convient en effet de nuancer le poids des minorités ethniques ; d’une part, elles ne comportent pas forcément des « votants » (et leur vote reste aléatoire) et d’autre part, les trajectoires sociales de beaucoup de membres de ces minorités les conduisent de manière disproportionnée en « prison ». Politiquement ces communautés pèsent peu dans les résultats électoraux. Cependant, lors des élections de 2000 ces abstentionnistes ont joué un rôle important (voire déterminant) en Floride lorsque le vote a basculé du côté de Bush plutôt que d’Al Gore.
4. Gabriel Weissberg (Animateur des Cafés géographiques) : Les expressions « communauté noire » ou « communauté islamique » sont une commodité de langage qu’il conviendrait de nuancer. Il serait préférable d’utiliser systématiquement le pluriel. Dans la communauté hispanique, les cubains immigrés installés à Miami ne votent pas de la même manière que ceux qui ont franchi récemment la frontière. De même, dans la communauté afro-américaine très hétérogène, les votes varient en fonction du niveau d’insertion et de réussite sociale.
5. Il semblerait que les « blancs » n’ont plus peur du vote « noir », mais Obama fera-t-il le plein du vote « noir » ?
F. L. : L’adhésion des différentes communautés « noires » au vote Obama a été estimée à 80%.
6. Pascal Michel (Animateur des Cafés géographiques) : Lors de la dernière élection, la question des religions était largement posée dans les débats et notamment par George W. Bush. Aujourd’hui les communautés religieuses sont beaucoup moins présentes dans la campagne. Qu’en est-il en réalité ?
F.L. : On assiste à une campagne électorale intéressante où les débats et les enjeux apparaissent plus pertinents. Les thèmes mis habituellement en avant par le parti Républicain comme l’avortement, la question religieuse, la famille et la nation sont passés au second plan et c’est certainement ce qui montre que le camp Démocrate a mieux conduit sa campagne que d’habitude. La qualité du débat politique pour la campagne électorale repose sur un concours de circonstance : on sort de huit années d’administration Bush, l’Amérique subit une lourde crise économique, elle découvre un candidat au parcours atypique ; autant d’éléments associés qui feront qu’en définitive le parti Démocrate emportera certainement ces élections (c’est mon point de vue).
7. Gabriel Weissberg : Néanmoins dans les dernières semaines de la campagne électorale, on a vu apparaître des textes accusant Obama d’être musulman et de s’en cacher !
F.L. : Ce sont là des stratégies de campagne sous forme d’attaques personnelles. Je voudrais citer Barack Obama : « Les Républicains ne savent pas gouverner mais ils savent faire campagne ! » On peut espérer que les Démocrates feront la démonstration cette fois-ci qu’ils seront à la hauteur des enjeux, y compris dans la course à la présidence et dans la capacité à bien gouverner.
1. Michel Poinard (Géographe) : Qu’en est-il des vice-présidents ?
Frédéric Leriche : Le choix des vice-présidents est politique et ils ont un rôle de rééquilibrage dans les tandems. En incarnant une certaine forme d’agressivité, Sarah Palin est la « carte dynamisme et jeunesse » de John McCain. Joe Biden dont on redoute les prises de paroles, représente la « carte de l’expérience » ; ce choix de Barack Obama vise à rassurer l’électorat blanc.
2. : Votre exposé montre une Amérique en pleine évolution et un candidat président qui se présente comme une figure de la modernité et de l’avenir. En revanche, vous n’avez jamais évoqué (et c’était certainement voulu) la crise financière. Ne pensez-vous pas que si d’aventure Obama est élu, il devra son succès à cette débâcle financière ? les nationalisations "en urgence" des établissements bancaires par Bush, n’ont-elles pas fait passer au 2° plan la guerre en Irak et les problèmes de mœurs comme l’avortement ou la question « gay » ?
F.L. : J’ai laissé volontairement la crise financière de côté. C’est en effet une clef fondamentale de ces élections mais ce n’est pas la seule. La question raciale me semble tout aussi importante et je l’ai déjà évoquée. Que le camp Républicain soit en partie associé à cette débâcle financière va à l’encontre de John McCain ; toutefois il essaie de jouer la carte de la rupture et de tenir un discours clair revendiquant une politique différente de G.W. Bush. Je ne suis pas convaincu que si John McCain était élu sa politique serait aussi pragmatique que la politique que Bush est en train de mettre en place dans la mesure où le programme Républicain est basé sur l’allègement de la fiscalité avec un désengagement de l’Etat vis-à-vis de l’économie.
3. Jean-Christian Tulet (Animateur des Cafés géographiques). Ne surestime-t-on pas le poids des minorités ? Les hispaniques détiennent-ils tous la citoyenneté américaine ? Sont-ils inscrits sur les listes électorales ? Quelle est la proportion de ceux qui ont le droit de voter ?
F.L. : Il faudrait connaître le taux d’abstention général de la population américaine et effectuer le même calcul selon les catégories ethniques. Les taux d’abstentions sont parfois très élevés ; chez les hispaniques, immigrés depuis peu, un certain nombre ne sont pas citoyens américains ou bien même ayant accédé à la citoyenneté n’ont pas fait la démarche de s’inscrire pour voter.
Il convient en effet de nuancer le poids des minorités ethniques ; d’une part, elles ne comportent pas forcément des « votants » (et leur vote reste aléatoire) et d’autre part, les trajectoires sociales de beaucoup de membres de ces minorités les conduisent de manière disproportionnée en « prison ». Politiquement ces communautés pèsent peu dans les résultats électoraux. Cependant, lors des élections de 2000 ces abstentionnistes ont joué un rôle important (voire déterminant) en Floride lorsque le vote a basculé du côté de Bush plutôt que d’Al Gore.
4. Gabriel Weissberg (Animateur des Cafés géographiques) : Les expressions « communauté noire » ou « communauté islamique » sont une commodité de langage qu’il conviendrait de nuancer. Il serait préférable d’utiliser systématiquement le pluriel. Dans la communauté hispanique, les cubains immigrés installés à Miami ne votent pas de la même manière que ceux qui ont franchi récemment la frontière. De même, dans la communauté afro-américaine très hétérogène, les votes varient en fonction du niveau d’insertion et de réussite sociale.
5. Il semblerait que les « blancs » n’ont plus peur du vote « noir », mais Obama fera-t-il le plein du vote « noir » ?
F. L. : L’adhésion des différentes communautés « noires » au vote Obama a été estimée à 80%.
6. Pascal Michel (Animateur des Cafés géographiques) : Lors de la dernière élection, la question des religions était largement posée dans les débats et notamment par George W. Bush. Aujourd’hui les communautés religieuses sont beaucoup moins présentes dans la campagne. Qu’en est-il en réalité ?
F.L. : On assiste à une campagne électorale intéressante où les débats et les enjeux apparaissent plus pertinents. Les thèmes mis habituellement en avant par le parti Républicain comme l’avortement, la question religieuse, la famille et la nation sont passés au second plan et c’est certainement ce qui montre que le camp Démocrate a mieux conduit sa campagne que d’habitude. La qualité du débat politique pour la campagne électorale repose sur un concours de circonstance : on sort de huit années d’administration Bush, l’Amérique subit une lourde crise économique, elle découvre un candidat au parcours atypique ; autant d’éléments associés qui feront qu’en définitive le parti Démocrate emportera certainement ces élections (c’est mon point de vue).
7. Gabriel Weissberg : Néanmoins dans les dernières semaines de la campagne électorale, on a vu apparaître des textes accusant Obama d’être musulman et de s’en cacher !
F.L. : Ce sont là des stratégies de campagne sous forme d’attaques personnelles. Je voudrais citer Barack Obama : « Les Républicains ne savent pas gouverner mais ils savent faire campagne ! » On peut espérer que les Démocrates feront la démonstration cette fois-ci qu’ils seront à la hauteur des enjeux, y compris dans la course à la présidence et dans la capacité à bien gouverner.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
8. Vous avez évoqué l’engouement suscité par cette campagne électorale et les sommes énormes récoltées par Obama : n’est-ce pas, au niveau local, une forme de nouvelle dynamique ? Dans plusieurs états on a vu des comités de soutien d’Obama structurant les régions, les comtés et les villes américaines. Obama souhaitant conduire une politique locale beaucoup plus proche des gens n’est-ce pas une nouvelle géopolitique, une nouvelle géographie électorale aux Etats-Unis ?
F.L. : Il suffirait pour le candidat Démocrate de mobiliser quelques pourcentages de « jeunes » récemment inscrits qui pourraient se rendre mardi prochain aux urnes. Cette situation nouvelle suffirait pour emporter la différence.
9. On a évoqué les espoirs de tous les désenchantés qui avaient cessé de voter et qui maintenant se mobilisent autour d’Obama. Que se passerait-il si Barack Obama perdait ?
F.L. : Que se passerait-il si John McCain l’emportait ? Certains problèmes seraient gérés d’une manière un peu moins multilatérale que Barack Obama ; John McCain reprendrait les grandes recettes néolibérales qui, d’une certaine manière, ont montré leurs limites. Des ouvrages d’économie, de Robert Reich et de Paul Krugman en particulier, indiquent qu’en 2005 l’écart des richesses entre les riches et les pauvres, est le même qu’en 1929 ! Une politique idéologique, régie par des grands principes néolibéraux, telle que celle que John McCain souhaiterait mettre en œuvre, s’avérerait très risquée.
10. Les candidats secondaires sont-ils susceptibles de « voler des voix » à Barack Obama ?
F.L. : Certes ils risquent de « voler des voix » à Barack Obama mais ce sera sans grande conséquence puisque ce sera le vainqueur par état qui remportera l’élection ; il n’y a pas de panachage possible. Il peut arriver qu’un grand électeur d’un état à coloration Républicaine donne sa voix au candidat Démocrate. Mais cette situation est extrêmement rare !
11. En reprenant cet exemple si les votes exprimés ne sont pas démocrates, la totalité des voix se porte sur les grands électeurs républicains ce qui risque de faire élire automatiquement John McCain ?
F.L. : Le système électoral américain renforce la bipolarisation ; cela étant, en dépit des deux parties dominantes, certaines voix politiques marginales réussissent à s’exprimer. Voir le cas de Ralph Nader ; il existe dans le paysage politique et pèse sur les orientations et les programmes des candidats bien qu’il ait peu de chances à gagner l’électorat entier d’un état.
12. Pascal Michel : En 2000, Ralph Nader a fait basculer le résultat vers George W. Bush au dépens d’Al Gore ! Une cinquantaine de petits candidats peuvent encore peser dans l’élection. En 2000 ce fut le cas.
13. Qu’en est-il des anciens électeurs d’Hillary Clinton ? Vont-ils se reporter sur Obama ?
F.L. : Hillary Clinton a été très claire sur sa défaite et sur son adhésion à la candidature de Barack Obama. On peut envisager raisonnablement un report des voix.
14. Le nombre des « grands électeurs » dépend de la population de chaque état : les statistiques démographiques sont-elles mises à jour chaque quatre an ? Et si oui, vu que les états très peuplés comme la Californie et ceux de la côte Est gagnent des électeurs, le candidat Démocrate n’est-il pas avantagé ? Qu’en est-il des machines à voter qui avaient fait polémique en 2000 ? Ont-elles été mises au placard ou bien ont-elles été améliorées ?
F.L. : il y a des révisions de recensement de population. Certains états sont à peu près stabilisés comme le Montana et le Wyoming dont la population a baissé depuis les années 1981 (c’est exceptionnel) car la norme va vers un accroissement démographique avec des rythmes différents. Mardi prochain les Américains ne voteront pas uniquement pour élire un Président. C’est toute une machinerie électorale qui se met en place avec des votes pour les Grands Electeurs, pour une partie du Congrès, etc Concernant les machines à voter on peut supposer que si les américains ont fait ce choix d’équipements, c’est qu’ils ont estimé qu’il était fiable.
15. Bernard Charlery de la Masselière (Président des Cafés géographiques) : La carte 1 et le cartogramme 1 donnent une image simple de l’électorat américain. A l’inverse lorsqu’on se situe au niveau des comtés (cartogramme 2) on obtient une carte beaucoup plus complexe où les plages rouges (Républicain) et bleues (Démocrate) sont étroitement imbriquées. Comment interpréter cette carte et expliquer ces espaces d’émiettement ? Longent-ils le Mississipi ? Correspondent-ils aux villes ? Quels sont les éléments qui déterminent ce fin panachage et ces oppositions entre Républicain et Démocrate ?
F.L. : Le cartogramme 2 ne peut s’interpréter qu’au niveau des états. Les états plutôt urbains autour des Grands Lacs et les états côtiers (le Texas excepté) avec des grandes métropoles sur la côte ouest présentent une coloration plutôt Démocrate. En conduisant la même analyse à l’échelle locale des comtés, la cartographie donne les mêmes résultats : à une forte urbanisation correspondent des comtés Démocrates alors que les comtés ruraux apparaissent plutôt Républicains. Néanmoins il est nécessaire d’intégrer des termes de pondération avec la coloration. En mêlant le rouge et le bleu, on obtiendrait une carte « pourpre ». On ne peut pas trancher radicalement en opposant une ville Démocrate à une campagne qui voterait Républicain. La ligne de fracture dépend de critères plus complexes. En se penchant sur la carte du Texas qui est Républicain on cherche vainement les villes qui seraient Démocrates ! L’opposition rural/urbain est beaucoup plus complexe ; un travail sur le terrain est indispensable pour décrypter les motivations du choix chez les électeurs.
F.L. : Il suffirait pour le candidat Démocrate de mobiliser quelques pourcentages de « jeunes » récemment inscrits qui pourraient se rendre mardi prochain aux urnes. Cette situation nouvelle suffirait pour emporter la différence.
9. On a évoqué les espoirs de tous les désenchantés qui avaient cessé de voter et qui maintenant se mobilisent autour d’Obama. Que se passerait-il si Barack Obama perdait ?
F.L. : Que se passerait-il si John McCain l’emportait ? Certains problèmes seraient gérés d’une manière un peu moins multilatérale que Barack Obama ; John McCain reprendrait les grandes recettes néolibérales qui, d’une certaine manière, ont montré leurs limites. Des ouvrages d’économie, de Robert Reich et de Paul Krugman en particulier, indiquent qu’en 2005 l’écart des richesses entre les riches et les pauvres, est le même qu’en 1929 ! Une politique idéologique, régie par des grands principes néolibéraux, telle que celle que John McCain souhaiterait mettre en œuvre, s’avérerait très risquée.
10. Les candidats secondaires sont-ils susceptibles de « voler des voix » à Barack Obama ?
F.L. : Certes ils risquent de « voler des voix » à Barack Obama mais ce sera sans grande conséquence puisque ce sera le vainqueur par état qui remportera l’élection ; il n’y a pas de panachage possible. Il peut arriver qu’un grand électeur d’un état à coloration Républicaine donne sa voix au candidat Démocrate. Mais cette situation est extrêmement rare !
11. En reprenant cet exemple si les votes exprimés ne sont pas démocrates, la totalité des voix se porte sur les grands électeurs républicains ce qui risque de faire élire automatiquement John McCain ?
F.L. : Le système électoral américain renforce la bipolarisation ; cela étant, en dépit des deux parties dominantes, certaines voix politiques marginales réussissent à s’exprimer. Voir le cas de Ralph Nader ; il existe dans le paysage politique et pèse sur les orientations et les programmes des candidats bien qu’il ait peu de chances à gagner l’électorat entier d’un état.
12. Pascal Michel : En 2000, Ralph Nader a fait basculer le résultat vers George W. Bush au dépens d’Al Gore ! Une cinquantaine de petits candidats peuvent encore peser dans l’élection. En 2000 ce fut le cas.
13. Qu’en est-il des anciens électeurs d’Hillary Clinton ? Vont-ils se reporter sur Obama ?
F.L. : Hillary Clinton a été très claire sur sa défaite et sur son adhésion à la candidature de Barack Obama. On peut envisager raisonnablement un report des voix.
14. Le nombre des « grands électeurs » dépend de la population de chaque état : les statistiques démographiques sont-elles mises à jour chaque quatre an ? Et si oui, vu que les états très peuplés comme la Californie et ceux de la côte Est gagnent des électeurs, le candidat Démocrate n’est-il pas avantagé ? Qu’en est-il des machines à voter qui avaient fait polémique en 2000 ? Ont-elles été mises au placard ou bien ont-elles été améliorées ?
F.L. : il y a des révisions de recensement de population. Certains états sont à peu près stabilisés comme le Montana et le Wyoming dont la population a baissé depuis les années 1981 (c’est exceptionnel) car la norme va vers un accroissement démographique avec des rythmes différents. Mardi prochain les Américains ne voteront pas uniquement pour élire un Président. C’est toute une machinerie électorale qui se met en place avec des votes pour les Grands Electeurs, pour une partie du Congrès, etc Concernant les machines à voter on peut supposer que si les américains ont fait ce choix d’équipements, c’est qu’ils ont estimé qu’il était fiable.
15. Bernard Charlery de la Masselière (Président des Cafés géographiques) : La carte 1 et le cartogramme 1 donnent une image simple de l’électorat américain. A l’inverse lorsqu’on se situe au niveau des comtés (cartogramme 2) on obtient une carte beaucoup plus complexe où les plages rouges (Républicain) et bleues (Démocrate) sont étroitement imbriquées. Comment interpréter cette carte et expliquer ces espaces d’émiettement ? Longent-ils le Mississipi ? Correspondent-ils aux villes ? Quels sont les éléments qui déterminent ce fin panachage et ces oppositions entre Républicain et Démocrate ?
F.L. : Le cartogramme 2 ne peut s’interpréter qu’au niveau des états. Les états plutôt urbains autour des Grands Lacs et les états côtiers (le Texas excepté) avec des grandes métropoles sur la côte ouest présentent une coloration plutôt Démocrate. En conduisant la même analyse à l’échelle locale des comtés, la cartographie donne les mêmes résultats : à une forte urbanisation correspondent des comtés Démocrates alors que les comtés ruraux apparaissent plutôt Républicains. Néanmoins il est nécessaire d’intégrer des termes de pondération avec la coloration. En mêlant le rouge et le bleu, on obtiendrait une carte « pourpre ». On ne peut pas trancher radicalement en opposant une ville Démocrate à une campagne qui voterait Républicain. La ligne de fracture dépend de critères plus complexes. En se penchant sur la carte du Texas qui est Républicain on cherche vainement les villes qui seraient Démocrates ! L’opposition rural/urbain est beaucoup plus complexe ; un travail sur le terrain est indispensable pour décrypter les motivations du choix chez les électeurs.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
16. Gabriel Weissberg : Sur le site de l’Université de Michigan vous trouverez d’autres éléments électoraux et en particulier une carte qui souligne l’absence d’adéquation entre les votes et le degré de dynamisme démographique des états américains. C’est assez surprenant de superposer ces deux cartes et de constater que finalement les variations de population n’expliquent pas forcément le vote au niveau des états.
17. Pascal Michel : Qu’en est-il de l’aura des Etats-Unis à travers le Monde ? Avant l’arrivée de Bush au pouvoir, l’Amérique apparaissait comme une super puissance et maintenant l’Amérique est en recul. En recul sur les deux guerres qu’elle a conduites au Moyen-Orient, en recul en Amérique latine et dernièrement en recul économique. Le nouveau Président sera-t-il toujours à la tête de la plus grande puissance du Monde ?
F.L. : Sans ambiguïté, aujourd’hui oui. On verra dans 30 ans si je tiendrai le même discours, la situation aura sans doute évolué d’ici là assez nettement. Aujourd’hui les Etats-Unis sont la première puissance dans le Monde. Il existe une bibliographie considérable sur cette question. Pour ma part, je trouve que le livre le plus pertinent est celui d’Emmanuel Todd qui développe une thèse intéressante prétendant « qu’il n’y a pas d’empire américain » mais un état extrêmement puissant doué d’une aura considérable qui a su tisser une multitude de réseaux à travers le Monde. C’est sur ces réseaux financiers et marchands que les Etats-Unis ont assis leur puissance. On évoque souvent le déficit commercial des Etats-Unis pour conclure sur une puissance industrielle en déclin. Ce n’est pas totalement faux mais 40% du déficit commercial américain provient des flux inter établissements au sein d’entreprises américaines qui ont des filiales à l’étranger. Il s’agit de la circulation de marchandises à l’étranger mais à l’intérieur de la sphère capitalistique américaine. Certes l’économie américaine est en crise, l’industrie américaine est sur le déclin mais je ne suis pas convaincu que le capitalisme américain soit en difficulté concurrentielle.
18. Gabriel Weissberg : Pour apporter un éclairage complémentaire sur cette question, je prends le point de vue de l’autre côté du Pacifique. Que la Chine soit devenue « l’Atelier du Monde » n’est pas une très bonne nouvelle, y compris pour la Chine elle-même. Un jeu complexe se déroule où les deux partenaires se tiennent l’un l’autre. Aujourd’hui la Chine soutient les Etats-Unis en achetant des Bons du Trésor et en puisant dans ces stocks commerciaux, mais l’Amérique « tient » aussi la Chine. Si d’aventure les consommateurs américains décidaient de réduire leurs importations de produits chinois, les excédents commerciaux de la Chine fondraient dangereusement.
19. En 2004 les médias avaient diffusé une carte indiquant les intentions de vote des différents pays du Monde en faveur de Kerry ou de Bush ; à l’époque la grande majorité des états du Monde s’étaient déclarée pour John Kerry. Il semble évident que cela avait joué en défaveur de Kerry. Est-ce que « l’Obamania » qui se développe actuellement ne jouera pas en défaveur d’Obama ? Y-a-t-il des pays qui soutiendraient plutôt la candidature de McCain ?
F.L. : J’ignore si des pays sont favorables à John McCain. Je ne pense pas que la popularité d’Obama à l’étranger puisse avoir un effet négatif sur l’électorat des Etats-Unis. Que les Français ou les Allemands préfèrent Obama a peu d’importance pour les électeurs américains. Ce qui compte c’est d’avoir un candidat capable de trouver des solutions aux problèmes du quotidien. Des sondages réalisés aux Etats-Unis montrent que le seul domaine d’intervention où la confiance des américains irait vers John McCain est la fiscalité. Concrètement les Américains font confiance à McCain pour réduire les impôts, mais pour trouver les solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les Américains, c’est Obama qui presque dans tous les cas arrive en tête.
20. Gabriel Weissberg : Y aura-t-il réorientation de la politique étrangère américaine ?
F.L. : Si McCain est élu, probablement pas, dans les grandes lignes. Les objectifs d’Obama restent de défendre dans le Monde une certaine idée des Etats-Unis et d’étendre un certain modèle qui a parfaitement réussi chez eux. L’un des buts consiste à renforcer l’influence des Etats-Unis dans le monde et de maintenir certaines orientations de la politique extérieure américaine comme la sécurisation de l’approvisionnement pétrolier. Seule la manière dont cette politique serait conduite changerait, mais sur le fond les grandes lignes sont identiques. Par ailleurs certains traits culturels américains sont communs aux Républicains et aux Démocrates comme la volonté de diffuser la démocratie ou l’économie de marché dans le monde. Ce sont des principes généraux auxquels les deux candidats adhèrent.
21. Deux questions : l’une sur la médiatisation de la campagne et les sondages d’opinions et l’autre sur la politique étrangère. En France à quelques jours des élections on arrête de publier les sondages : est-ce qu’on procède de même aux USA ou bien considère-t-on que ces publications n’ont aucune influence sur le vote des électeurs ? Les relations diplomatiques entre la Russie et les Etats-Unis seront-elles différentes suivant le candidat qui sera élu ?
F.L. : Si Obama remporte les élections, les relations avec la Russie seront certainement plus cordiales et moins conflictuelles mais John McCain est aussi capable d’être un habile diplomate. La politique étrangère développée par Obama reposera largement sur une approche multilatérale prenant en compte l’émergence de grandes puissances régionales pouvant servir de relais pour asseoir la paix dans le Monde et pour diffuser les grands principes généraux de la politique américaine. Alors que John McCain aurait probablement une approche bilatérale, nettement plus dominatrice. Au sujet des sondages d’opinions, je ne peux vous répondre ; il se peut que leur absence pourrait être considérée comme une entrave à la liberté d’expression de la presse.
22. Jean-Christian Tulet : Sans faire de la prospective mais en regardant le personnel politique qui entoure les candidats, ne peut-on pas préjuger des orientations nouvelles ? Les conseillers d’Obama viennent-ils de l’héritage de Clinton ? Y en a-t-il de nouveaux ?
F.L. : L’équipe gouvernementale d’Obama présentera sans doute un renouvellement important. Quant aux équipes de Clinton elles remontent à 8 ans au moins et les premières équipes 16 ans !!
17. Pascal Michel : Qu’en est-il de l’aura des Etats-Unis à travers le Monde ? Avant l’arrivée de Bush au pouvoir, l’Amérique apparaissait comme une super puissance et maintenant l’Amérique est en recul. En recul sur les deux guerres qu’elle a conduites au Moyen-Orient, en recul en Amérique latine et dernièrement en recul économique. Le nouveau Président sera-t-il toujours à la tête de la plus grande puissance du Monde ?
F.L. : Sans ambiguïté, aujourd’hui oui. On verra dans 30 ans si je tiendrai le même discours, la situation aura sans doute évolué d’ici là assez nettement. Aujourd’hui les Etats-Unis sont la première puissance dans le Monde. Il existe une bibliographie considérable sur cette question. Pour ma part, je trouve que le livre le plus pertinent est celui d’Emmanuel Todd qui développe une thèse intéressante prétendant « qu’il n’y a pas d’empire américain » mais un état extrêmement puissant doué d’une aura considérable qui a su tisser une multitude de réseaux à travers le Monde. C’est sur ces réseaux financiers et marchands que les Etats-Unis ont assis leur puissance. On évoque souvent le déficit commercial des Etats-Unis pour conclure sur une puissance industrielle en déclin. Ce n’est pas totalement faux mais 40% du déficit commercial américain provient des flux inter établissements au sein d’entreprises américaines qui ont des filiales à l’étranger. Il s’agit de la circulation de marchandises à l’étranger mais à l’intérieur de la sphère capitalistique américaine. Certes l’économie américaine est en crise, l’industrie américaine est sur le déclin mais je ne suis pas convaincu que le capitalisme américain soit en difficulté concurrentielle.
18. Gabriel Weissberg : Pour apporter un éclairage complémentaire sur cette question, je prends le point de vue de l’autre côté du Pacifique. Que la Chine soit devenue « l’Atelier du Monde » n’est pas une très bonne nouvelle, y compris pour la Chine elle-même. Un jeu complexe se déroule où les deux partenaires se tiennent l’un l’autre. Aujourd’hui la Chine soutient les Etats-Unis en achetant des Bons du Trésor et en puisant dans ces stocks commerciaux, mais l’Amérique « tient » aussi la Chine. Si d’aventure les consommateurs américains décidaient de réduire leurs importations de produits chinois, les excédents commerciaux de la Chine fondraient dangereusement.
19. En 2004 les médias avaient diffusé une carte indiquant les intentions de vote des différents pays du Monde en faveur de Kerry ou de Bush ; à l’époque la grande majorité des états du Monde s’étaient déclarée pour John Kerry. Il semble évident que cela avait joué en défaveur de Kerry. Est-ce que « l’Obamania » qui se développe actuellement ne jouera pas en défaveur d’Obama ? Y-a-t-il des pays qui soutiendraient plutôt la candidature de McCain ?
F.L. : J’ignore si des pays sont favorables à John McCain. Je ne pense pas que la popularité d’Obama à l’étranger puisse avoir un effet négatif sur l’électorat des Etats-Unis. Que les Français ou les Allemands préfèrent Obama a peu d’importance pour les électeurs américains. Ce qui compte c’est d’avoir un candidat capable de trouver des solutions aux problèmes du quotidien. Des sondages réalisés aux Etats-Unis montrent que le seul domaine d’intervention où la confiance des américains irait vers John McCain est la fiscalité. Concrètement les Américains font confiance à McCain pour réduire les impôts, mais pour trouver les solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les Américains, c’est Obama qui presque dans tous les cas arrive en tête.
20. Gabriel Weissberg : Y aura-t-il réorientation de la politique étrangère américaine ?
F.L. : Si McCain est élu, probablement pas, dans les grandes lignes. Les objectifs d’Obama restent de défendre dans le Monde une certaine idée des Etats-Unis et d’étendre un certain modèle qui a parfaitement réussi chez eux. L’un des buts consiste à renforcer l’influence des Etats-Unis dans le monde et de maintenir certaines orientations de la politique extérieure américaine comme la sécurisation de l’approvisionnement pétrolier. Seule la manière dont cette politique serait conduite changerait, mais sur le fond les grandes lignes sont identiques. Par ailleurs certains traits culturels américains sont communs aux Républicains et aux Démocrates comme la volonté de diffuser la démocratie ou l’économie de marché dans le monde. Ce sont des principes généraux auxquels les deux candidats adhèrent.
21. Deux questions : l’une sur la médiatisation de la campagne et les sondages d’opinions et l’autre sur la politique étrangère. En France à quelques jours des élections on arrête de publier les sondages : est-ce qu’on procède de même aux USA ou bien considère-t-on que ces publications n’ont aucune influence sur le vote des électeurs ? Les relations diplomatiques entre la Russie et les Etats-Unis seront-elles différentes suivant le candidat qui sera élu ?
F.L. : Si Obama remporte les élections, les relations avec la Russie seront certainement plus cordiales et moins conflictuelles mais John McCain est aussi capable d’être un habile diplomate. La politique étrangère développée par Obama reposera largement sur une approche multilatérale prenant en compte l’émergence de grandes puissances régionales pouvant servir de relais pour asseoir la paix dans le Monde et pour diffuser les grands principes généraux de la politique américaine. Alors que John McCain aurait probablement une approche bilatérale, nettement plus dominatrice. Au sujet des sondages d’opinions, je ne peux vous répondre ; il se peut que leur absence pourrait être considérée comme une entrave à la liberté d’expression de la presse.
22. Jean-Christian Tulet : Sans faire de la prospective mais en regardant le personnel politique qui entoure les candidats, ne peut-on pas préjuger des orientations nouvelles ? Les conseillers d’Obama viennent-ils de l’héritage de Clinton ? Y en a-t-il de nouveaux ?
F.L. : L’équipe gouvernementale d’Obama présentera sans doute un renouvellement important. Quant aux équipes de Clinton elles remontent à 8 ans au moins et les premières équipes 16 ans !!
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Re: Géographie électorale des États-Unis
23. Gabriel Weissberg : Concernant la politique extérieure américaine à l’égard de certaines régions du Monde, il n’est pas exclu qu’il y ait une évolution importante de cette politique étrangère et plus particulièrement en Afrique. Du fait de son héritage culturel il est probable que Barack Obama, président, conduira une politique bienveillante à l’égard de l’Afrique. C’est un pari sur l’avenir que je fais mais c’est une hypothèse que l’on ne peut pas exclure.
24. : Les citoyens américains ne semblent pas influencés par « l’Obamania » européenne, ce qui est dans l’ordre des choses ; quand on vote, tout ce qui est de l’ordre de l’état du monde ou des relations internationales passe au second plan. Mais il me semble que nous Européens et plus particulièrement en France, on est de plus en plus concernés par les élections américaines et par le poids de l’Amérique sur l’état du Monde.
F.L. : Assurément on est conscient que les enjeux de cette élection ne relèvent pas que de la politique interne américaine.
25. Jean-Marc Pinet (Vice-président des Cafés géographiques à Toulouse) : J’ai l’impression que la nouvelle géographie électorale n’est pas la seule affaire des Etats-Unis, mais qu’elle est devenue quasiment planétaire. En outre, nos comportements de Français et d’Européens, avec la médiatisation qui les accompagne, doivent certainement influer sur ce qui se passe aux Etats-Unis, ce qui n’était pas le cas il y a une cinquantaine d’années.
F.L. : Il faudrait demander à des citoyens américains pour connaître la part de prise en compte concrète de l’opinion publique internationale.
26. : L’élection d’Obama signe-t-elle vraiment une élection « carrefour » ?
F.L. : On a toujours le sentiment de vivre un « moment historique », il convient de se méfier de ces impressions. Toutefois je pense qu’aujourd’hui les Etats-Unis vivent une situation politique tout à fait particulière. Ce qui se passe actuellement est assez emblématique d’une évolution de fond et c’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur la question raciale plus que sur les crises économique et financière. Barack Obama est un candidat « noir » qui sera probablement à la tête de la première puissance du monde. Là effectivement, 40 ans après l’assassinat de Martin Luther King, on peut considérer ce fait comme un événement historique. On assiste à une transformation en profondeur de la société américaine.
7. : Je voudrais connaître votre point de vue sur la défaite d’Hillary Clinton aux primaires ? Comment l’expliquez-vous ?
F.L. : Je crois qu’Obama a incarné chez les démocrates un souffle d’espoir qu’Hillary Clinton ne représentait plus. Elle a un passé qui est surtout celui de son mari et au regard de la volonté de rupture et de changement qui se manifeste aux Etats-Unis, Hillary Clinton n’était pas la bonne personne. Certes son discours était moderne mais elle n’incarnait pas suffisamment le désir de changement. En outre par rapport à certaines questions précises comme l’engagement des Etats-Unis dans le conflit d’Irak sa position n’était pas la même que celle d’Obama et de ce point de vue là elle a certainement été identifiée chez certains démocrates comme plus conservatrice que son adversaire.
Compte rendu : Marie-Rose Gonne-Daudé (relu et amendé par Frédéric Leriche
PS (12/12/2008) : Barack Obama, lors des élections du 4 novembre qui ont eu lieu quelques jours après ce Café Géographique, a finalement été élu président des Etats-Unis. La représentation cartographique des résultats atteste de la progression du parti démocrate (voir les cartogrammes 1 et 4). Quant à elle, la comparaison des cartogrammes 5 et 3 renforce l’idée selon laquelle l’opposition en deux Amériques (Républicaine versus Démocrate) ne reflète pas la réalité électorale.
http://www.cafe-geo.net
24. : Les citoyens américains ne semblent pas influencés par « l’Obamania » européenne, ce qui est dans l’ordre des choses ; quand on vote, tout ce qui est de l’ordre de l’état du monde ou des relations internationales passe au second plan. Mais il me semble que nous Européens et plus particulièrement en France, on est de plus en plus concernés par les élections américaines et par le poids de l’Amérique sur l’état du Monde.
F.L. : Assurément on est conscient que les enjeux de cette élection ne relèvent pas que de la politique interne américaine.
25. Jean-Marc Pinet (Vice-président des Cafés géographiques à Toulouse) : J’ai l’impression que la nouvelle géographie électorale n’est pas la seule affaire des Etats-Unis, mais qu’elle est devenue quasiment planétaire. En outre, nos comportements de Français et d’Européens, avec la médiatisation qui les accompagne, doivent certainement influer sur ce qui se passe aux Etats-Unis, ce qui n’était pas le cas il y a une cinquantaine d’années.
F.L. : Il faudrait demander à des citoyens américains pour connaître la part de prise en compte concrète de l’opinion publique internationale.
26. : L’élection d’Obama signe-t-elle vraiment une élection « carrefour » ?
F.L. : On a toujours le sentiment de vivre un « moment historique », il convient de se méfier de ces impressions. Toutefois je pense qu’aujourd’hui les Etats-Unis vivent une situation politique tout à fait particulière. Ce qui se passe actuellement est assez emblématique d’une évolution de fond et c’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur la question raciale plus que sur les crises économique et financière. Barack Obama est un candidat « noir » qui sera probablement à la tête de la première puissance du monde. Là effectivement, 40 ans après l’assassinat de Martin Luther King, on peut considérer ce fait comme un événement historique. On assiste à une transformation en profondeur de la société américaine.
7. : Je voudrais connaître votre point de vue sur la défaite d’Hillary Clinton aux primaires ? Comment l’expliquez-vous ?
F.L. : Je crois qu’Obama a incarné chez les démocrates un souffle d’espoir qu’Hillary Clinton ne représentait plus. Elle a un passé qui est surtout celui de son mari et au regard de la volonté de rupture et de changement qui se manifeste aux Etats-Unis, Hillary Clinton n’était pas la bonne personne. Certes son discours était moderne mais elle n’incarnait pas suffisamment le désir de changement. En outre par rapport à certaines questions précises comme l’engagement des Etats-Unis dans le conflit d’Irak sa position n’était pas la même que celle d’Obama et de ce point de vue là elle a certainement été identifiée chez certains démocrates comme plus conservatrice que son adversaire.
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PS (12/12/2008) : Barack Obama, lors des élections du 4 novembre qui ont eu lieu quelques jours après ce Café Géographique, a finalement été élu président des Etats-Unis. La représentation cartographique des résultats atteste de la progression du parti démocrate (voir les cartogrammes 1 et 4). Quant à elle, la comparaison des cartogrammes 5 et 3 renforce l’idée selon laquelle l’opposition en deux Amériques (Républicaine versus Démocrate) ne reflète pas la réalité électorale.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Géographie électorale des primaires du 4 mars (2) : Ohio, Rhode Island
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Après le Texas, InBlogWeTrust revient sur la géographie électorale des deux autres États clés de ce 4 mars: l'Ohio et le Rhode Island
L’imaginaire du Texas est fait de rodéos, de santiags et de barons du pétrole. Les billets verts pleuvent, et si l’ancien État-frontier ne s’est pas vraiment adouci, il s’est du moins considérablement enrichi depuis l’ère Reagan.
L’Ohio n’est pas si glamour : ses industries lourdes (fonderies, aciéries) ou automobiles sont en crise ; les villes se sont vidées et le chômage a fait son apparition dans une région autrefois prospère. L’Ohio est au cœur de cette Rust Belt (ceinture de la rouille) qui entoure les Grands Lacs, parsemées des vestiges d’un passé glorieux au temps des Carnegie et des Rockefeller. La récente crise des subprime n’a rien arrangé : l’endettement des ménages s’est aggravé, et nombreux sont ceux qui, ne pouvant honorer leurs traites, ont du abandonner leur maison.
Quand ils se déplacent dans l’État, les hommes politiques aiment parler dépression et économie et en rajoutent dans le misérabilisme, au risque d’irriter les habitants : en 2004, John Kerry en visite à Youngstown s’était fait photographier devant une usine décrépite alors qu’à deux pas se trouvait un complexe de bureaux flambant neuf… Pourtant tout l’État n’est pas touché par la crise : la ville de Cincinnati reste (relativement) prospère, celle de Cleveland semble revivre après des années de déprime, Columbus bénéficie de son université…
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Comme le Texas, l’Ohio est un État divers : on y trouve des couloirs industriels (le long du lac Michigan ou la Mahoning Valley) et leurs cortèges de villes en crise (Gary, Youngstown, Akron voire Cleveland), des régions plus dynamiques comme Cincinnati (siège de Procter & Gamble), des plaines agricoles (maïs, soja et fromage -- 1er État producteur de Swiss cheese !).
On y rencontre surtout une forte proportion de classes populaires blanches, travaillant dans l’industrie et fortement syndicalisées, caractéristiques de cette working class censément acquise à Hillary Clinton. Mais voilà, ici aussi, Barack Obama semble rattraper son retard, qui est passé de près de vingt à quatre points en moins d’un mois. Les deux candidats feraient même jeu égal (45 %) selon un sondage récent (Reuters/CSpan/Zogby).
L’état étant un « must win » pour Clinton, la compétition y est féroce et les attaques se multiplient. Une vidéo de Clinton jouait sur les peurs de l’électorat et présentait Hillary comme la mieux armée pour répondre aux défis d’un monde dangereux ? Obama répond avec sa version parodique. Jugez plutôt :
C’est à qui sera le plus opposé à l’ALENA (Traité de Libre Echange de l’Atlantique Nord) mis en œuvre sous la présidence de Bill Clinton et qui n’a guère fait qu’accélérer les délocalisations en Ohio. Barack Obama y serait farouchement opposé et tance sa rivale, qui rabat la faute sur son mari, qui lui dénonce l’administration Bush (père). La lutte fait rage, les 141 délégués en jeu doivent se sentir désirés.
Chez les républicains, John McCain est assuré d’une victoire tranquille et peu fatigante : il possède trente points d’avance dans quasiment tous les sondages. Il en profite pour tirer sur Obama -- en qui il voit son prochain rival dans la course à la présidence -- et pour mettre en avant son passé militaire et son statut de héros américain.
[url][/url]
Le 4 mars, deux autres États votent, qui ne vont pas les grands titres de l’actualité: le Vermont, a priori acquis pour Obama ; et le Rhode Island, beaucoup plus disputé. Chasse gardée de Clinton, ce petit bout d’État riche en travailleurs, en femmes et en retraités, subit lui aussi le momentum Obama. Les inscriptions sur les listes électorales se multiplient, des jeunes surtout, plutôt acquis à celui-ci. Des volontaires de toute la Nouvelle Angleterre investissent en masse Providence (la capitale, ville universitaire - Brown) et ses environs, motivés comme jamais.
C’est que les enjeux de mardi sont cruciaux. Hillary Clinton joue son va-tout. Avec trois victoires, elle reste en course ; avec deux victoires (et en particulier si elle perd le Texas ou l’Ohio, riches en délégués) ses chances sont compromises ; si elle perd et le Texas, et l’Ohio, elle est virtuellement éliminée de la compétition. Barack Obama espère bien s’imposer dès mardi pour se concentrer sur la campagne nationale et répondre aux attaques des républicains. Mais Hillary est combative. Bill Clinton était surnommé « come-back kid » ; elle aimerait bien faire sienne cette réputation.
Source:http://www.paperblog.fr
L'Ohio et la Rust Belt (D. Ahntholz, NYtimes)
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Après le Texas, InBlogWeTrust revient sur la géographie électorale des deux autres États clés de ce 4 mars: l'Ohio et le Rhode Island
L’imaginaire du Texas est fait de rodéos, de santiags et de barons du pétrole. Les billets verts pleuvent, et si l’ancien État-frontier ne s’est pas vraiment adouci, il s’est du moins considérablement enrichi depuis l’ère Reagan.
L’Ohio n’est pas si glamour : ses industries lourdes (fonderies, aciéries) ou automobiles sont en crise ; les villes se sont vidées et le chômage a fait son apparition dans une région autrefois prospère. L’Ohio est au cœur de cette Rust Belt (ceinture de la rouille) qui entoure les Grands Lacs, parsemées des vestiges d’un passé glorieux au temps des Carnegie et des Rockefeller. La récente crise des subprime n’a rien arrangé : l’endettement des ménages s’est aggravé, et nombreux sont ceux qui, ne pouvant honorer leurs traites, ont du abandonner leur maison.
Quand ils se déplacent dans l’État, les hommes politiques aiment parler dépression et économie et en rajoutent dans le misérabilisme, au risque d’irriter les habitants : en 2004, John Kerry en visite à Youngstown s’était fait photographier devant une usine décrépite alors qu’à deux pas se trouvait un complexe de bureaux flambant neuf… Pourtant tout l’État n’est pas touché par la crise : la ville de Cincinnati reste (relativement) prospère, celle de Cleveland semble revivre après des années de déprime, Columbus bénéficie de son université…
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Comme le Texas, l’Ohio est un État divers : on y trouve des couloirs industriels (le long du lac Michigan ou la Mahoning Valley) et leurs cortèges de villes en crise (Gary, Youngstown, Akron voire Cleveland), des régions plus dynamiques comme Cincinnati (siège de Procter & Gamble), des plaines agricoles (maïs, soja et fromage -- 1er État producteur de Swiss cheese !).
On y rencontre surtout une forte proportion de classes populaires blanches, travaillant dans l’industrie et fortement syndicalisées, caractéristiques de cette working class censément acquise à Hillary Clinton. Mais voilà, ici aussi, Barack Obama semble rattraper son retard, qui est passé de près de vingt à quatre points en moins d’un mois. Les deux candidats feraient même jeu égal (45 %) selon un sondage récent (Reuters/CSpan/Zogby).
L’état étant un « must win » pour Clinton, la compétition y est féroce et les attaques se multiplient. Une vidéo de Clinton jouait sur les peurs de l’électorat et présentait Hillary comme la mieux armée pour répondre aux défis d’un monde dangereux ? Obama répond avec sa version parodique. Jugez plutôt :
C’est à qui sera le plus opposé à l’ALENA (Traité de Libre Echange de l’Atlantique Nord) mis en œuvre sous la présidence de Bill Clinton et qui n’a guère fait qu’accélérer les délocalisations en Ohio. Barack Obama y serait farouchement opposé et tance sa rivale, qui rabat la faute sur son mari, qui lui dénonce l’administration Bush (père). La lutte fait rage, les 141 délégués en jeu doivent se sentir désirés.
Chez les républicains, John McCain est assuré d’une victoire tranquille et peu fatigante : il possède trente points d’avance dans quasiment tous les sondages. Il en profite pour tirer sur Obama -- en qui il voit son prochain rival dans la course à la présidence -- et pour mettre en avant son passé militaire et son statut de héros américain.
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Le 4 mars, deux autres États votent, qui ne vont pas les grands titres de l’actualité: le Vermont, a priori acquis pour Obama ; et le Rhode Island, beaucoup plus disputé. Chasse gardée de Clinton, ce petit bout d’État riche en travailleurs, en femmes et en retraités, subit lui aussi le momentum Obama. Les inscriptions sur les listes électorales se multiplient, des jeunes surtout, plutôt acquis à celui-ci. Des volontaires de toute la Nouvelle Angleterre investissent en masse Providence (la capitale, ville universitaire - Brown) et ses environs, motivés comme jamais.
C’est que les enjeux de mardi sont cruciaux. Hillary Clinton joue son va-tout. Avec trois victoires, elle reste en course ; avec deux victoires (et en particulier si elle perd le Texas ou l’Ohio, riches en délégués) ses chances sont compromises ; si elle perd et le Texas, et l’Ohio, elle est virtuellement éliminée de la compétition. Barack Obama espère bien s’imposer dès mardi pour se concentrer sur la campagne nationale et répondre aux attaques des républicains. Mais Hillary est combative. Bill Clinton était surnommé « come-back kid » ; elle aimerait bien faire sienne cette réputation.
Source:http://www.paperblog.fr
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Comment votent les Américains
Depuis les années 1980, les médias ont fait des « guerres culturelles » la trame principale des luttes politiques aux États-Unis. Mais en emportant 53 % du vote ouvrier lors des dernières élections, Barack Obama a confirmé la thèse du livre d’Andrew Gelman : le niveau de revenu reste la variable clé pour comprendre le comportement électoral des Américains, les questions de mœurs opposant surtout les couches aisées entre elles.
Lorsque le journaliste américain Thomas Frank, plutôt marqué à gauche, publiait en 2002 son bestseller What’s the Matter with Kansas ?, il tentait de répondre à une question qui agitait les observateurs américains depuis les années 1980 : pourquoi des électeurs aux faibles revenus choisissent-ils de voter pour les Républicains ? L’interrogation est née en 1984, au moment du passage dans le camp républicain de ceux que les journalistes avaient nommés les « Reagan Democrats ». Ce terme faisait référence à un groupe d’électeurs blancs appartenant à la classe ouvrière et aux petites classes moyennes qui, bien que vivant dans les régions les plus touchées par les transformations économiques comme le Midwest, et bien qu’étant souvent passés par les luttes syndicales, ne votaient plus démocrate.
La gauche et l’électorat populaire
Le consultant politique Stanley Greenberg, dans son étude sur Macomb County (1985), avait formulé l’hypothèse, devenue depuis classique, selon laquelle ces électeurs avaient été perdus par les Démocrates et non pas gagnés par les Républicains. Les évolutions internes du Parti démocrate, et notamment les nouvelles procédures de désignation des délégués, avaient conduit à une « gauchisation » du parti autour de valeurs culturelles et des droits des minorités. Cette évolution, selon Greenberg, ne parvenait pas à satisfaire les attentes des couches populaires de l’électorat démocrate, plus sensibles à des questions économiques et sociales tout en ayant une position plus traditionnelle sur le plan des mœurs. Autrement dit, les Républicains avaient gagné cet électorat en se posant en défenseurs de ces mêmes valeurs traditionnelles – le patriotisme, le mariage, la lutte contre le droit à l’avortement – et en incitant ces électeurs à voter selon leur préférences culturelles et non pas selon leur intérêt social et économique.
Cette analyse a connu depuis des fortunes diverses. Elle s’est faite un peu moins pressante dans les années 1990, lorsque Bill Clinton réussit justement à récupérer une partie de cet électorat : sur les conseils de Stanley Greenberg, Clinton cultiva une certaine posture populiste illustrée par la publication du livre Putting People First lors de la campagne de 1992. Depuis 2004 en revanche, cette question est revenue sur le devant de la scène. La réélection de George W. Bush s’est jouée en partie grâce à une mobilisation de l’opinion sur des questions de mœurs – notamment contre le mariage homosexuel ; ce faisant, Bush aurait renoué avec une tactique vieille de vingt ans qui pose toujours autant de difficultés aux Démocrates. Ainsi, lors de la campagne de 2008, Barack Obama a déclaré que les électeurs les plus fragiles socialement et économiquement « s’accrochaient » aux armes et à la religion. Cette déclaration s’inscrit pleinement dans le sens commun politique des Démocrates, qui voient dans ces (anciens) « Reagan Democrats » des électeurs aliénés, floués par une rhétorique identitaire qui dissimule les enjeux sociaux. Les thèmes de la religion, de la culture, des valeurs auraient été instrumentalisés par les conservateurs pour détourner les pauvres et les classes modestes de leur intérêt économique.
Le rôle des États fédérés
Tout l’intérêt de Red State, Blue State est de reprendre le fil de ce vieux débat – qu’est-ce qui détermine en fin de compte le vote, l’identité ou l’intérêt ? – en lui ajoutant une troisième dimension, géographique. En se penchant sur la répartition des électeurs, leur distribution sur l’ensemble du pays, les auteurs de ce livre collectif mettent en relief toutes les nuances de la carte électorale dans un pays fédéral comme les États-Unis, où les États fédérés jouent un rôle décisif dans le processus électoral.
Acteurs clés, les États fédérés le sont à plus d’un titre : les primaires, devant désigner les candidats au sein de chaque parti, sont organisées État par État et, le jour de l’élection, les grands délégués du collège électoral sont, là aussi, comptabilisés État par État. Dans ces conditions, la légitimité territoriale est déterminante. Il semble alors parfaitement justifié, comme le font les auteurs, de se pencher sur les équilibres sociopolitiques au sein des États et non pas simplement au niveau national. Puisque c’est au niveau fédéré que se décide l’élection, pourquoi ne pas commencer par là ? Après tout, avant l’élection, le lecteur informé sait déjà que les sondages nationaux sont incapables d’anticiper le résultat de l’élection ; ce sont les sondages au niveau des États, notamment des « États pivots » (swing states), qui sont significatifs.
Les auteurs commencent par analyser les paradoxes du discours politique national. Ils soulignent surtout que le discours conservateur a largement acquis le statut de sens commun : les Démocrates seraient des élitistes – économiquement et socialement – alors que les Républicains seraient le parti des « petites gens », des « Joe the Plumber » dans tout le pays… La démonstration part du constat selon lequel les Démocrates ne sont pas le parti des riches électeurs, mais des États riches. Au niveau national, les couches sociales aisées (plus de 200 000 dollars par an de revenus) ont voté à plus de 60 % pour George W. Bush en 2004 (à comparer avec 36 % des électeurs gagnant moins de 15 000 dollars par an) ; en même temps, John Kerry a effectivement remporté les États les plus riches de la côte Ouest (Californie) et du Nord-Est (Massachusetts, Connecticut, New York) .
Comment expliquer ce paradoxe ?
D’abord en rappelant que les variations de revenus entre les États sont moins importantes qu’au sein de chaque État. Par conséquent, la variable « culturelle » est déterminante pour la variation entre les États (pour l’opposition entre les États « bleus », démocrates, et « rouges », républicains). En revanche, étudié au sein de chaque État, le clivage est plus directement lié aux facteurs économiques, et notamment au revenu. Les comportements électoraux des classes les plus modestes sont relativement similaires dans tous les États : la faiblesse du revenu pousse partout à voter pour les Démocrates. En revanche, les comportements des électeurs les plus riches varient sensiblement selon qu’ils résident dans un État « bleu » ou « rouge » : dans un État traditionnellement acquis au Parti démocrate, le haut niveau de revenu ne conduit pas automatiquement à voter républicain, comme c’est le cas dans un État « rouge ». Aussi, plus un État est pauvre, plus le revenu devient un indicateur fiable du vote. Autrement dit, les variables économiques sont plus importantes dans les États pauvres, et les divisions culturelles dans les États riches.
Dans ces conditions, la « guerre culturelle » déclarée par Pat Buchanan lors de la convention républicaine de 1992 a certes eu des conséquences électorales, mais uniquement en haut de l’échelle sociale : la polarisation culturelle se joue surtout entre les classes aisées des différents États.
What’s the matter with Connecticut ?
Pour les auteurs, le vrai mystère politique qui doit être résolu ne porte donc pas sur le Kansas de Thomas Frank. Ce qu’il faut expliquer, c’est moins le comportement des catégories sociales modestes dans les États « rouges » que celui des électeurs aisés dans les États « bleus » : la question qui mérite d’être posée est beaucoup plus « what’s the matter with Connecticut ? » Autrement dit, pourquoi les riches et les pauvres divergent moins dans leurs choix électoraux dans les États riches ?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre les effets de deux autres variables qui, après le revenu, sont classiquement utilisées pour prédire le comportement électoral : l’appartenance ethnique et la pratique religieuse. Pour commencer par l’appartenance ethnique, c’est un fait bien connu qu’aux États-Unis statut socio-économique et ethnicité sont très fortement liés, tout particulièrement dans le Sud. Autrement dit, il est difficile de savoir si les variations doivent être expliquées comme celles entre riches et pauvres ou comme celles entre Blancs et Noirs. Les auteurs contournent cet obstacle en étudiant uniquement les électeurs blancs, et parviennent à la même conclusion quant au revenu et au comportement politique : les Blancs les plus riches et les Blancs les plus pauvres divergent significativement dans les États pauvres.
La seconde variable classique est celle de la pratique religieuse . Dans la plupart des États pauvres, le taux de pratique religieuse est légèrement plus élevé chez les riches que chez les pauvres, alors que c’est l’inverse dans les États riches, où l’électorat aisé est peu religieux. Les élites des États démocrates sont largement sécularisées et plus ouvertes culturellement, ce qui les pousse à voter démocrate. Les auteurs s’inscrivent sur ce point dans les thèses « postmatérialistes » de Ronald Inglehart, qui soulignait déjà dans les années 1960 que les questions culturelles comptent le plus pour les classes aisées. De ce point de vue, il est parfaitement normal que la vie politique soit plus axée sur des questions économiques dans les régions pauvres, et sur des questions culturelles dans les régions riches.
Mais alors, se demandent les auteurs, pourquoi se soucier de l’attitude politique des riches, qui ne représentent qu’une minorité de la population ? D’abord parce qu’ils votent plus souvent que les pauvres. On le sait au moins depuis la publication du Cens caché par Daniel Gaxie en 1978 : l’électorat qui utilise son droit de vote est plus blanc, plus riche et plus âgé que la moyenne de la population ; la « compétence politique » est le signe par excellence de l’intégration sociale. Ensuite, parce que les électeurs riches constituent des soutiens financiers aux politiques ; l’activisme politique est une caractéristique des milieux aisés.
Les auteurs soulignent aussi l’importance de la mobilité géographique : les électeurs aisés sont les plus mobiles, et cette mobilité renforce la tendance à vivre avec des gens qui leur ressemblent socialement. C’est là une des explications de la polarisation idéologique des États-Unis : les groupes d’électeurs aisés deviennent plus homogènes politiquement et plus concentrés géographiquement .
Le clivage rouge/bleu identifié dans ce livre repose sur le constat que les habitudes électorales (voting patterns) sont contradictoires. Dans tous les États, plus l’électeur est riche, plus il tend à voter républicain, mais l’écart entre le vote des pauvres et des riches varie d’un État à l’autre. Les questions de mœurs – « God, guns, and gays » – comptent surtout pour les classes aisées, alors que les plus modestes sont incités à voter selon leur revenu. Contrairement à des auteurs beaucoup plus critiques contre Thomas Frank, par exemple Larry Bartels , les auteurs terminent leur ouvrage (p. 176) en reconnaissant la réalité du « républicanisme du Kansas » – les ouvriers et les milieux modestes de cet État ont voté à 50 % pour Bush en 2004 – mais ils soulignent aussi que les milieux aisés du Kansas ont voté à plus de 70 % pour Bush. Autrement dit, la tactique de la mobilisation des électeurs modestes sur des questions de valeurs a bien une certaine réalité, mais son effet est moindre que ce que les médias laissent entendre. Dans les États pauvres, le niveau de revenu est une variable nettement plus explicative : surtout pour les milieux aisés, mais aussi pour les plus modestes. C’est sans doute ce qui explique la faiblesse de la tactique républicaine. Celle-ci s’effondre lorsque les circonstances politiques et économiques sont favorables aux Démocrates : en 2008, le rejet de Bush et l’effondrement de l’économie ont permis à Barack Obama de contrer les arguments républicains. Les résultats sont clairs : Barack Obama a emporté 53 % des votes de la classe ouvrière . La mobilisation des classes populaires sur des questions de valeurs ne semble alors fonctionner que dans des circonstances précises, et, en tous les cas, n’est pas très efficace en période de crise économique.
*Arlicle paru le 16-03-2009
Par François Vergniolle de Chantal
Depuis les années 1980, les médias ont fait des « guerres culturelles » la trame principale des luttes politiques aux États-Unis. Mais en emportant 53 % du vote ouvrier lors des dernières élections, Barack Obama a confirmé la thèse du livre d’Andrew Gelman : le niveau de revenu reste la variable clé pour comprendre le comportement électoral des Américains, les questions de mœurs opposant surtout les couches aisées entre elles.
Lorsque le journaliste américain Thomas Frank, plutôt marqué à gauche, publiait en 2002 son bestseller What’s the Matter with Kansas ?, il tentait de répondre à une question qui agitait les observateurs américains depuis les années 1980 : pourquoi des électeurs aux faibles revenus choisissent-ils de voter pour les Républicains ? L’interrogation est née en 1984, au moment du passage dans le camp républicain de ceux que les journalistes avaient nommés les « Reagan Democrats ». Ce terme faisait référence à un groupe d’électeurs blancs appartenant à la classe ouvrière et aux petites classes moyennes qui, bien que vivant dans les régions les plus touchées par les transformations économiques comme le Midwest, et bien qu’étant souvent passés par les luttes syndicales, ne votaient plus démocrate.
La gauche et l’électorat populaire
Le consultant politique Stanley Greenberg, dans son étude sur Macomb County (1985), avait formulé l’hypothèse, devenue depuis classique, selon laquelle ces électeurs avaient été perdus par les Démocrates et non pas gagnés par les Républicains. Les évolutions internes du Parti démocrate, et notamment les nouvelles procédures de désignation des délégués, avaient conduit à une « gauchisation » du parti autour de valeurs culturelles et des droits des minorités. Cette évolution, selon Greenberg, ne parvenait pas à satisfaire les attentes des couches populaires de l’électorat démocrate, plus sensibles à des questions économiques et sociales tout en ayant une position plus traditionnelle sur le plan des mœurs. Autrement dit, les Républicains avaient gagné cet électorat en se posant en défenseurs de ces mêmes valeurs traditionnelles – le patriotisme, le mariage, la lutte contre le droit à l’avortement – et en incitant ces électeurs à voter selon leur préférences culturelles et non pas selon leur intérêt social et économique.
Cette analyse a connu depuis des fortunes diverses. Elle s’est faite un peu moins pressante dans les années 1990, lorsque Bill Clinton réussit justement à récupérer une partie de cet électorat : sur les conseils de Stanley Greenberg, Clinton cultiva une certaine posture populiste illustrée par la publication du livre Putting People First lors de la campagne de 1992. Depuis 2004 en revanche, cette question est revenue sur le devant de la scène. La réélection de George W. Bush s’est jouée en partie grâce à une mobilisation de l’opinion sur des questions de mœurs – notamment contre le mariage homosexuel ; ce faisant, Bush aurait renoué avec une tactique vieille de vingt ans qui pose toujours autant de difficultés aux Démocrates. Ainsi, lors de la campagne de 2008, Barack Obama a déclaré que les électeurs les plus fragiles socialement et économiquement « s’accrochaient » aux armes et à la religion. Cette déclaration s’inscrit pleinement dans le sens commun politique des Démocrates, qui voient dans ces (anciens) « Reagan Democrats » des électeurs aliénés, floués par une rhétorique identitaire qui dissimule les enjeux sociaux. Les thèmes de la religion, de la culture, des valeurs auraient été instrumentalisés par les conservateurs pour détourner les pauvres et les classes modestes de leur intérêt économique.
Le rôle des États fédérés
Tout l’intérêt de Red State, Blue State est de reprendre le fil de ce vieux débat – qu’est-ce qui détermine en fin de compte le vote, l’identité ou l’intérêt ? – en lui ajoutant une troisième dimension, géographique. En se penchant sur la répartition des électeurs, leur distribution sur l’ensemble du pays, les auteurs de ce livre collectif mettent en relief toutes les nuances de la carte électorale dans un pays fédéral comme les États-Unis, où les États fédérés jouent un rôle décisif dans le processus électoral.
Acteurs clés, les États fédérés le sont à plus d’un titre : les primaires, devant désigner les candidats au sein de chaque parti, sont organisées État par État et, le jour de l’élection, les grands délégués du collège électoral sont, là aussi, comptabilisés État par État. Dans ces conditions, la légitimité territoriale est déterminante. Il semble alors parfaitement justifié, comme le font les auteurs, de se pencher sur les équilibres sociopolitiques au sein des États et non pas simplement au niveau national. Puisque c’est au niveau fédéré que se décide l’élection, pourquoi ne pas commencer par là ? Après tout, avant l’élection, le lecteur informé sait déjà que les sondages nationaux sont incapables d’anticiper le résultat de l’élection ; ce sont les sondages au niveau des États, notamment des « États pivots » (swing states), qui sont significatifs.
Les auteurs commencent par analyser les paradoxes du discours politique national. Ils soulignent surtout que le discours conservateur a largement acquis le statut de sens commun : les Démocrates seraient des élitistes – économiquement et socialement – alors que les Républicains seraient le parti des « petites gens », des « Joe the Plumber » dans tout le pays… La démonstration part du constat selon lequel les Démocrates ne sont pas le parti des riches électeurs, mais des États riches. Au niveau national, les couches sociales aisées (plus de 200 000 dollars par an de revenus) ont voté à plus de 60 % pour George W. Bush en 2004 (à comparer avec 36 % des électeurs gagnant moins de 15 000 dollars par an) ; en même temps, John Kerry a effectivement remporté les États les plus riches de la côte Ouest (Californie) et du Nord-Est (Massachusetts, Connecticut, New York) .
Comment expliquer ce paradoxe ?
D’abord en rappelant que les variations de revenus entre les États sont moins importantes qu’au sein de chaque État. Par conséquent, la variable « culturelle » est déterminante pour la variation entre les États (pour l’opposition entre les États « bleus », démocrates, et « rouges », républicains). En revanche, étudié au sein de chaque État, le clivage est plus directement lié aux facteurs économiques, et notamment au revenu. Les comportements électoraux des classes les plus modestes sont relativement similaires dans tous les États : la faiblesse du revenu pousse partout à voter pour les Démocrates. En revanche, les comportements des électeurs les plus riches varient sensiblement selon qu’ils résident dans un État « bleu » ou « rouge » : dans un État traditionnellement acquis au Parti démocrate, le haut niveau de revenu ne conduit pas automatiquement à voter républicain, comme c’est le cas dans un État « rouge ». Aussi, plus un État est pauvre, plus le revenu devient un indicateur fiable du vote. Autrement dit, les variables économiques sont plus importantes dans les États pauvres, et les divisions culturelles dans les États riches.
Dans ces conditions, la « guerre culturelle » déclarée par Pat Buchanan lors de la convention républicaine de 1992 a certes eu des conséquences électorales, mais uniquement en haut de l’échelle sociale : la polarisation culturelle se joue surtout entre les classes aisées des différents États.
What’s the matter with Connecticut ?
Pour les auteurs, le vrai mystère politique qui doit être résolu ne porte donc pas sur le Kansas de Thomas Frank. Ce qu’il faut expliquer, c’est moins le comportement des catégories sociales modestes dans les États « rouges » que celui des électeurs aisés dans les États « bleus » : la question qui mérite d’être posée est beaucoup plus « what’s the matter with Connecticut ? » Autrement dit, pourquoi les riches et les pauvres divergent moins dans leurs choix électoraux dans les États riches ?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre les effets de deux autres variables qui, après le revenu, sont classiquement utilisées pour prédire le comportement électoral : l’appartenance ethnique et la pratique religieuse. Pour commencer par l’appartenance ethnique, c’est un fait bien connu qu’aux États-Unis statut socio-économique et ethnicité sont très fortement liés, tout particulièrement dans le Sud. Autrement dit, il est difficile de savoir si les variations doivent être expliquées comme celles entre riches et pauvres ou comme celles entre Blancs et Noirs. Les auteurs contournent cet obstacle en étudiant uniquement les électeurs blancs, et parviennent à la même conclusion quant au revenu et au comportement politique : les Blancs les plus riches et les Blancs les plus pauvres divergent significativement dans les États pauvres.
La seconde variable classique est celle de la pratique religieuse . Dans la plupart des États pauvres, le taux de pratique religieuse est légèrement plus élevé chez les riches que chez les pauvres, alors que c’est l’inverse dans les États riches, où l’électorat aisé est peu religieux. Les élites des États démocrates sont largement sécularisées et plus ouvertes culturellement, ce qui les pousse à voter démocrate. Les auteurs s’inscrivent sur ce point dans les thèses « postmatérialistes » de Ronald Inglehart, qui soulignait déjà dans les années 1960 que les questions culturelles comptent le plus pour les classes aisées. De ce point de vue, il est parfaitement normal que la vie politique soit plus axée sur des questions économiques dans les régions pauvres, et sur des questions culturelles dans les régions riches.
Mais alors, se demandent les auteurs, pourquoi se soucier de l’attitude politique des riches, qui ne représentent qu’une minorité de la population ? D’abord parce qu’ils votent plus souvent que les pauvres. On le sait au moins depuis la publication du Cens caché par Daniel Gaxie en 1978 : l’électorat qui utilise son droit de vote est plus blanc, plus riche et plus âgé que la moyenne de la population ; la « compétence politique » est le signe par excellence de l’intégration sociale. Ensuite, parce que les électeurs riches constituent des soutiens financiers aux politiques ; l’activisme politique est une caractéristique des milieux aisés.
Les auteurs soulignent aussi l’importance de la mobilité géographique : les électeurs aisés sont les plus mobiles, et cette mobilité renforce la tendance à vivre avec des gens qui leur ressemblent socialement. C’est là une des explications de la polarisation idéologique des États-Unis : les groupes d’électeurs aisés deviennent plus homogènes politiquement et plus concentrés géographiquement .
Le clivage rouge/bleu identifié dans ce livre repose sur le constat que les habitudes électorales (voting patterns) sont contradictoires. Dans tous les États, plus l’électeur est riche, plus il tend à voter républicain, mais l’écart entre le vote des pauvres et des riches varie d’un État à l’autre. Les questions de mœurs – « God, guns, and gays » – comptent surtout pour les classes aisées, alors que les plus modestes sont incités à voter selon leur revenu. Contrairement à des auteurs beaucoup plus critiques contre Thomas Frank, par exemple Larry Bartels , les auteurs terminent leur ouvrage (p. 176) en reconnaissant la réalité du « républicanisme du Kansas » – les ouvriers et les milieux modestes de cet État ont voté à 50 % pour Bush en 2004 – mais ils soulignent aussi que les milieux aisés du Kansas ont voté à plus de 70 % pour Bush. Autrement dit, la tactique de la mobilisation des électeurs modestes sur des questions de valeurs a bien une certaine réalité, mais son effet est moindre que ce que les médias laissent entendre. Dans les États pauvres, le niveau de revenu est une variable nettement plus explicative : surtout pour les milieux aisés, mais aussi pour les plus modestes. C’est sans doute ce qui explique la faiblesse de la tactique républicaine. Celle-ci s’effondre lorsque les circonstances politiques et économiques sont favorables aux Démocrates : en 2008, le rejet de Bush et l’effondrement de l’économie ont permis à Barack Obama de contrer les arguments républicains. Les résultats sont clairs : Barack Obama a emporté 53 % des votes de la classe ouvrière . La mobilisation des classes populaires sur des questions de valeurs ne semble alors fonctionner que dans des circonstances précises, et, en tous les cas, n’est pas très efficace en période de crise économique.
*Arlicle paru le 16-03-2009
Par François Vergniolle de Chantal
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Enquête sur le mystère des Grandes Plaines
Pour comprendre le basculement d’un Etat historiquement progressiste du Kansas, le journaliste Thomas Frank est parti enquêter sur les stratégies politiques locales des néoconservateurs du Middle-West.
Pour beaucoup de Démocrates, la réélection de Bush en novembre 2004, demeure un mystère. Car c’est avant tout au compte de l’Amérique des employés, des ouvriers, des agriculteurs qu’il faut mettre cette nouvelle victoire. Dans la pléthore des analyses qui tentent de comprendre et, plus souvent, déplorent le retournement d’un électorat historiquement acquis aux libéraux, un livre se distingue. Considéré par certains comme l’un des meilleurs essais politiques des dix dernières années, What’s the Matter with Kansas ? se caractérise en effet par un ton et une démarche qui rompent avec le style de l’analyse politique classique. L’argument de Thomas Frank, journaliste engagé à gauche et dont la notoriété n’est plus à faire, n’est pas vraiment nouveau. Il s’agit de montrer comment les conservateurs sont parvenus à recruter un nombre croissant d’électeurs dans une frange de la population qui constitue pourtant la première victime de leur politique. Mais le mérite de l’auteur, et sans doute l’une des raisons de son succès, vient de ce qu’il offre, à travers l’étude aussi minutieuse que caustique du cas du Kansas, une exemplification saisissante de ce paradoxe. Loin des discours théoriques abstraits, Frank s’emploie à donner corps à « la grande réaction », cette poussée conservatrice radicale qui a, peu à peu, balayé le passé progressiste de cet Etat du cœur du Middle West.
Il y a un siècle en effet, le Kansas était en pointe dans la lutte pour les droits sociaux et économiques, connus pour la puissance de ses syndicats, parfois même moqué pour son radicalisme politique. En établissant systématiquement un parallèle entre hier et aujourd’hui, Frank montre ainsi que la seule chose que les habitants du Kansas aient conservé de ce passé mouvementé, est ce goût de l’excès aujourd’hui tourné vers des horizons résolument différents. Le désir de révolte est bien là, mais alors qu’il nourrissait autrefois la lutte pour l’abolition de l’esclavage, il alimente aujourd’hui la lutte contre le droit à l’avortement. Là se trouve le « mystère des grandes plaines » : « ici, la logique du mécontentement pousse dans une direction unique : à droite, encore à droite, et toujours plus à droite... L’Etat est en rébellion, prêt à prendre les armes. Simplement ces armes sont dirigées très loin du coupable ».
Car les coupables, pour Frank, ce sont les grandes entreprises, l’industrie agro-alimentaire ou la politique économique ultra-libérale du gouvernement qui ne cessent de rogner les protections des petits agriculteurs et ont progressivement plongé l’Etat dans le marasme économique et social. Mais pour les habitants du Kansas il n’en est rien. Les coupables sont bien plutôt les « libéraux », cette élite urbaine et arrogante, dépeinte par l’essayiste conservatrice Ann Coulter, et qui viserait à imposer, par le biais de médias transformés en outils de propagande, une idéologie contraire aux valeurs de l’Amérique « authentique ». Les raisons de la crise ne sont pas matérielles ou économiques, mais culturelles et morales, tout comme la crise elle-même. Rien ne sert donc d’incriminer les élites économiques, grandes absentes du discours conservateur. D’ailleurs l’économie n’est-elle pas « naturelle » ? Et la richesse, comme la pauvreté, ne dépendent-elles pas de Dieu ?
De l’enquête de Frank, ressortent finalement une galerie de portraits étonnants, deux constats et deux interrogations. Premier constat : malgré des motivations et des profils sociologiques étonnamment différents, les électeurs conservateurs ont en commun de tenir à des combats qui ne trouvent plus d’échos ni au sein du parti Démocrate ni dans le camp des Républicains modérés : c’est une immense campagne de lutte contre l’avortement qui a constitué en 1991, le point de départ de la vague conservatrice. Et ce combat reste d’actualité car il y a peu de chances que la Cour Suprême revienne un jour sur le jugement de 1973 qui l’autorisait (Roe v. Wade). Or, c’est bien ce qu’ont compris les conservateurs. Non contents d’avoir évacuer l’économique du domaine d’action légitime du politique, ils se sont spécialisés dans la défense des causes perdues, alimentant sans cesse un ressentiment et une logique de victimisation qui constituent leur carburant électoral. Mais, deuxième constat, cette rhétorique du maniement des utopies culturelles ne tourne pas à vide : lui correspond en effet une organisation de terrain sans failles, dont la mise en lumière constitue sans doute le point le plus intéressant du livre. Ainsi de la bataille stratégique qui a conduit l’aile conservatrice du Parti Républicain, au départ minoritaire, à prendre le pouvoir sur les modérés. Noyautage, stratégies de recrutement, relais dans le monde économique et associatif, leur ont permis progressivement de constituer une vraie base militante tout en se taillant une place de choix dans le monde des élites locales. Ainsi se côtoient, sous une même bannière, des politiciens opportunistes, des financiers véreux et, pour la plupart, des petits employés sûrs de contribuer à la réalisation du bien en aidant leur prochain par tous les moyens.
Frank ne cache pas son incompréhension persistante devant la force de ce mouvement qui conduit ces citoyens à voter, avec une passion et une sincérité difficilement contestables, « contre leurs propres intérêts ». Mais peut-être cette incompréhension tient-elle à la simplicité du présupposé de départ : on est, selon Frank, en présence d’une lutte des classes, mais d’une lutte des classes masquée sous les traits de la guerre culturelle, d’une « lutte des classe inversée » consistant dans l’alliance inédite des « petits peuples » et du grand capital, au dépens des premiers, au profit du second. Pour autant, les enjeux culturels et symboliques sont-ils réellement réductibles à des enjeux économiques ? Suffirait-il que les citoyens « comprennent » la relation des conservateurs et du big business, pour que, enfin délivrés de leur aveuglement, ils rentrent dans le droit chemin électoral, c’est-à-dire votent pour un parti Démocrate qui par ailleurs défend le droit à l’avortement et le mariage homosexuel ? Jusqu’ici rien ne permet de le dire. Mais compter sur une telle révélation pour inverser la tendance pourrait justifier l’économie d’une réflexion de fond sur les institutions et les pratiques démocratiques, sur la façon de représenter la diversité d’un électorat décidément complexe.
Article paru dans La Vie des Idées (version papier), n° 4, juillet/août 2005.
par Marie Garrau [04-07-2005]
Pour comprendre le basculement d’un Etat historiquement progressiste du Kansas, le journaliste Thomas Frank est parti enquêter sur les stratégies politiques locales des néoconservateurs du Middle-West.
Pour beaucoup de Démocrates, la réélection de Bush en novembre 2004, demeure un mystère. Car c’est avant tout au compte de l’Amérique des employés, des ouvriers, des agriculteurs qu’il faut mettre cette nouvelle victoire. Dans la pléthore des analyses qui tentent de comprendre et, plus souvent, déplorent le retournement d’un électorat historiquement acquis aux libéraux, un livre se distingue. Considéré par certains comme l’un des meilleurs essais politiques des dix dernières années, What’s the Matter with Kansas ? se caractérise en effet par un ton et une démarche qui rompent avec le style de l’analyse politique classique. L’argument de Thomas Frank, journaliste engagé à gauche et dont la notoriété n’est plus à faire, n’est pas vraiment nouveau. Il s’agit de montrer comment les conservateurs sont parvenus à recruter un nombre croissant d’électeurs dans une frange de la population qui constitue pourtant la première victime de leur politique. Mais le mérite de l’auteur, et sans doute l’une des raisons de son succès, vient de ce qu’il offre, à travers l’étude aussi minutieuse que caustique du cas du Kansas, une exemplification saisissante de ce paradoxe. Loin des discours théoriques abstraits, Frank s’emploie à donner corps à « la grande réaction », cette poussée conservatrice radicale qui a, peu à peu, balayé le passé progressiste de cet Etat du cœur du Middle West.
Il y a un siècle en effet, le Kansas était en pointe dans la lutte pour les droits sociaux et économiques, connus pour la puissance de ses syndicats, parfois même moqué pour son radicalisme politique. En établissant systématiquement un parallèle entre hier et aujourd’hui, Frank montre ainsi que la seule chose que les habitants du Kansas aient conservé de ce passé mouvementé, est ce goût de l’excès aujourd’hui tourné vers des horizons résolument différents. Le désir de révolte est bien là, mais alors qu’il nourrissait autrefois la lutte pour l’abolition de l’esclavage, il alimente aujourd’hui la lutte contre le droit à l’avortement. Là se trouve le « mystère des grandes plaines » : « ici, la logique du mécontentement pousse dans une direction unique : à droite, encore à droite, et toujours plus à droite... L’Etat est en rébellion, prêt à prendre les armes. Simplement ces armes sont dirigées très loin du coupable ».
Car les coupables, pour Frank, ce sont les grandes entreprises, l’industrie agro-alimentaire ou la politique économique ultra-libérale du gouvernement qui ne cessent de rogner les protections des petits agriculteurs et ont progressivement plongé l’Etat dans le marasme économique et social. Mais pour les habitants du Kansas il n’en est rien. Les coupables sont bien plutôt les « libéraux », cette élite urbaine et arrogante, dépeinte par l’essayiste conservatrice Ann Coulter, et qui viserait à imposer, par le biais de médias transformés en outils de propagande, une idéologie contraire aux valeurs de l’Amérique « authentique ». Les raisons de la crise ne sont pas matérielles ou économiques, mais culturelles et morales, tout comme la crise elle-même. Rien ne sert donc d’incriminer les élites économiques, grandes absentes du discours conservateur. D’ailleurs l’économie n’est-elle pas « naturelle » ? Et la richesse, comme la pauvreté, ne dépendent-elles pas de Dieu ?
De l’enquête de Frank, ressortent finalement une galerie de portraits étonnants, deux constats et deux interrogations. Premier constat : malgré des motivations et des profils sociologiques étonnamment différents, les électeurs conservateurs ont en commun de tenir à des combats qui ne trouvent plus d’échos ni au sein du parti Démocrate ni dans le camp des Républicains modérés : c’est une immense campagne de lutte contre l’avortement qui a constitué en 1991, le point de départ de la vague conservatrice. Et ce combat reste d’actualité car il y a peu de chances que la Cour Suprême revienne un jour sur le jugement de 1973 qui l’autorisait (Roe v. Wade). Or, c’est bien ce qu’ont compris les conservateurs. Non contents d’avoir évacuer l’économique du domaine d’action légitime du politique, ils se sont spécialisés dans la défense des causes perdues, alimentant sans cesse un ressentiment et une logique de victimisation qui constituent leur carburant électoral. Mais, deuxième constat, cette rhétorique du maniement des utopies culturelles ne tourne pas à vide : lui correspond en effet une organisation de terrain sans failles, dont la mise en lumière constitue sans doute le point le plus intéressant du livre. Ainsi de la bataille stratégique qui a conduit l’aile conservatrice du Parti Républicain, au départ minoritaire, à prendre le pouvoir sur les modérés. Noyautage, stratégies de recrutement, relais dans le monde économique et associatif, leur ont permis progressivement de constituer une vraie base militante tout en se taillant une place de choix dans le monde des élites locales. Ainsi se côtoient, sous une même bannière, des politiciens opportunistes, des financiers véreux et, pour la plupart, des petits employés sûrs de contribuer à la réalisation du bien en aidant leur prochain par tous les moyens.
Frank ne cache pas son incompréhension persistante devant la force de ce mouvement qui conduit ces citoyens à voter, avec une passion et une sincérité difficilement contestables, « contre leurs propres intérêts ». Mais peut-être cette incompréhension tient-elle à la simplicité du présupposé de départ : on est, selon Frank, en présence d’une lutte des classes, mais d’une lutte des classes masquée sous les traits de la guerre culturelle, d’une « lutte des classe inversée » consistant dans l’alliance inédite des « petits peuples » et du grand capital, au dépens des premiers, au profit du second. Pour autant, les enjeux culturels et symboliques sont-ils réellement réductibles à des enjeux économiques ? Suffirait-il que les citoyens « comprennent » la relation des conservateurs et du big business, pour que, enfin délivrés de leur aveuglement, ils rentrent dans le droit chemin électoral, c’est-à-dire votent pour un parti Démocrate qui par ailleurs défend le droit à l’avortement et le mariage homosexuel ? Jusqu’ici rien ne permet de le dire. Mais compter sur une telle révélation pour inverser la tendance pourrait justifier l’économie d’une réflexion de fond sur les institutions et les pratiques démocratiques, sur la façon de représenter la diversité d’un électorat décidément complexe.
Article paru dans La Vie des Idées (version papier), n° 4, juillet/août 2005.
par Marie Garrau [04-07-2005]
Syfou- Adminstrateur
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Emploi/loisirs : Les souvenirs s'envolent aussitot la la porte ouverte .
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Existe-t-il deux Amériques ? Eléments de géographie électorale
Géopolitique des Etats-Unis. Existe-t-il vraiment deux Amériques ? N’est-ce pas une division artificielle du fait du faible clivage idéologique entre les deux partis dominants et le manque d’homogénéité de ces deux Amériques ?
LA POLITIQUE américaine est déroutante pour un Européen car tout et son contraire y est défendu. Sur le modèle du clivage européen droite-gauche, on a souvent l’impression, vu d’Europe, qu’une distinction idéologique caractérise le vote démocrate du vote républicain avec un vote démocrate concentré en Nouvelle-Angleterre et sur la côte Pacifique et un vote républicain dans le reste du pays. Il est vrai que la présidence de G. W. Bush a cristallisé les oppositions au sein de la population américaine. Pourtant, malgré des positions de plus en plus marquées, une grande majorité d’Américains partage des valeurs communes et la géographie politique américaine est bien plus compliquée qu’elle n’y paraît.
En s’appuyant sur des enquêtes sociologiques et de géographie électorale récentes, on peut montrer qu’il existe une convergence politique de long terme aux Etats-Unis. Une moitié de citoyens américains ne vote pas à l’élection présidentielle et, pour celle qui vote, les partis démocrate et républicain sont bien souvent perçus comme proposant des discours proches dans de nombreux domaines.
Existe-t-il vraiment deux Amériques ? N’est-ce pas une division artificielle du fait du faible clivage idéologique entre les deux partis dominants et le manque d’homogénéité de ces deux Amériques ?
Deux Amériques sur les cartes
Sur le modèle du clivage européen droite-gauche, on a souvent l’impression, en Europe, que le vote démocrate serait un vote de gauche diamétralement opposé idéologiquement au vote républicain de droite.
Ainsi, dans les résultats de l’élection présidentielle de 2004, de nombreux observateurs de la politique américaine ont vu dans ce vote deux Amériques : celle de la Nouvelle-Angleterre, démocrate et donc plutôt de gauche et le reste du pays, républicain et donc de droite, voire d’extrême-droite.
Il est vrai que, depuis plusieurs décennies, des grandes régions électorales semblent s’être dessinées avec : 1. la Nouvelle-Angleterre qui vote majoritairement démocrate, 2. le Middle West et le Deep South qui sont devenues des régions fortement républicaines, 3. la frange Pacifique qui est devenue démocrate au début des années 1990 et, enfin, 4. une petite dizaine d’Etats sur la rive gauche du Mississippi et le long des grands lacs qui alternent entre parti démocrate et républicain (voir carte 1).
Carte 1. Evolutions politiques américaines depuis 1960
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La cristallisation politique de ces régions semble s’être principalement réalisée durant deux époques : le début des années 1960 et le début des années 1980. S’agissant du basculement en faveur du parti républicain au milieu des années 1960, on peut citer l’exemple de l’Alabama. Ainsi, lors de l’élection de 1960, Kennedy remporta plus de 55% des suffrages exprimés. Mais quatre ans plus tard, le parti républicain réunissait près de 70% des suffrages (voir tableau 1). Depuis lors, les résultats dans cet Etat sont quasiment similaires d’élection en élection.
Tableau 1 : Elections présidentielles en Alabama en 1960 et 1964
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Source statistique : http://www.uselectionatlas.org/RESU...
Ce revirement électoral s’explique assez facilement par le fait qu’une bonne partie de l’électorat du Sud profond a clairement refusé l’évolution du parti démocrate en faveur des minorités, notamment raciales. Or, comme l’écrit Roz (1931), « l’homme moyen ne vote pas pour quelque chose mais contre quelque chose » . Dans ce cas, plus qu’une adhésion au parti républicain, cet électorat majoritairement blanc du Sud des Etats-Unis s’est en fait prononcé contre l’évolution idéologique et politique du parti de Lyndon Baines Johnson.
Pourtant, le parti démocrate continua sur cette voie au cours des années 1960 et au début des années 1970. Une partie de l’électorat démocrate s’est, ainsi, sentie de plus en plus en porte-à-faux avec ce discours et lorsque apparaîtra le discours sur la « majorité morale » à la fin des années 1970, de nombreux électeurs démocrates dans le Middle West franchiront le pas.
Ce basculement du Middle West, notamment du Texas, s’est appuyé sur des discours récurrents, souvent populistes, notamment contre l’establishment, le gouvernement fédéral et les impôts et pour une immixtion plus importante de la morale et de la religion en politique.
Les mythes de la géographie politique américaine
Malgré cette division qui semble assez nette entre démocrates et républicains, la géographie politique américaine est plus compliquée qu’elle n’y paraît.
Ainsi, lorsqu’on analyse, au niveau des comtés, les résultats de l’élection de 2004, qui semble être l’archétype d’une élection polarisée, et si on excepte le nord du Texas, l’Oklahoma et le Missouri, on s’aperçoit que toutes les régions comprennent des comtés démocrates et républicains. Même dans un Etat réputé être au cœur des régions républicaines, comme le Kansas, le comté de Wynadotte (au sud de Kansas city) vote démocrate à toutes les élections depuis 1960.
Carte 2 : Le vote à l’élection présidentielle de 2004 par comtés
Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman University of Michigan (election results by county) à l’adresse : http://www-personal.umich.edu/~mejn/election/2008/. Voir la carte.
L’un des clivages importants dans la politique américaine actuelle est celui existant entre, d’une part, les grandes villes et, d’autre part, les campagnes et petites villes. Un exemple intéressant est l’Etat de New York qui, vu d’Europe, est l’une des terres démocrates par excellence. Or, les comtés urbains sont évidemment acquis aux candidats démocrates mais tous les comtés ruraux de l’Etat votent majoritairement républicains (voir tableau 2).
Tableau 2. Vote démocrate en 2004 dans l’Etat de New York par comtés
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Source statistique : http://www.uselectionatlas.org/RESU...
L’homogénéité du vote démocrate - et plus encore républicain - n’existe pas. Les analyses sociologiques démontrent par exemple que le vote républicain est loin d’être fondé sur les mêmes ressorts. Le parti républicain est essentiellement une alliance de deux blocs aux intérêts et aux motivations différentes : d’une part, des électeurs qui font de la religion et de la référence aux valeurs morales, un impératif pour leur vote et, d’autre part, des électeurs qui tiennent à un Etat fédéral et à des impôts réduits au strict minimum dans tous les domaines. Contrairement à ce qui est parfois affirmé en Europe, il a été montré que les positions extrêmes en matière économique et religieuse/morale sont largement minoritaires aux Etats-Unis (Ansolabehere et al. 2006) .
Même si on assiste à une radicalisation de la vie politique américaine, une majorité d’électeurs partage un corpus de valeurs communes et se divisent, sans véritable passion, sur un nombre limité de sujets. Ainsi, en combinant les votes et la participation, l’Amérique n’est plus rouge ou bleue mais majoritairement… violette (voir carte 3) à savoir qu’une majorité d’électeurs américains ne se passionne pas pour le vote car que le candidat démocrate ou républicain remporte l’élection présidentielle ne change pas substantiellement la politique menée.
Carte 3 : Les votes démocrate et républicain par comtés en fonction de la participation
Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman University of Michigan (election results by county) à l’adresse : http://www-personal.umich.edu/ mejn... Voir la carte.
EN DEFINITIVE et en s’appuyant sur des enquêtes sociologiques et de géographie électorale, on peut affirmer qu’il existe une convergence politique de long terme aux Etats-Unis. Les partis politiques, tout comme les autres institutions américaines telles que les églises, n’ont jamais fait beaucoup de place au débat idéologique. L’époque récente réaffirme fortement cette tendance.
Une moitié de citoyens américains ne vote pas et, pour celle qui vote, les partis démocrate et républicain proposent des discours proches dans de nombreux domaines. Aussi, le vote ne passionne guère car un candidat à la présidence, pour devenir élu, se doit de courtiser l’électeur-pivot et ainsi proposer un discours au centre en épousant les mouvements de l’opinion publique.
Et, contrairement à ce qu’on fait semblant de croire en Europe, l’électeur-pivot américain ressemble bien plus à un habitant de Liberty dans le Missouri qu’à un habitant résidant près de la Statue de la Liberté à New York. Or autant on a une idée des ressorts du vote du New-Yorkais autant celles de l’habitant de Liberty sont largement ignorées.
http://diploweb.com
Géopolitique des Etats-Unis. Existe-t-il vraiment deux Amériques ? N’est-ce pas une division artificielle du fait du faible clivage idéologique entre les deux partis dominants et le manque d’homogénéité de ces deux Amériques ?
LA POLITIQUE américaine est déroutante pour un Européen car tout et son contraire y est défendu. Sur le modèle du clivage européen droite-gauche, on a souvent l’impression, vu d’Europe, qu’une distinction idéologique caractérise le vote démocrate du vote républicain avec un vote démocrate concentré en Nouvelle-Angleterre et sur la côte Pacifique et un vote républicain dans le reste du pays. Il est vrai que la présidence de G. W. Bush a cristallisé les oppositions au sein de la population américaine. Pourtant, malgré des positions de plus en plus marquées, une grande majorité d’Américains partage des valeurs communes et la géographie politique américaine est bien plus compliquée qu’elle n’y paraît.
En s’appuyant sur des enquêtes sociologiques et de géographie électorale récentes, on peut montrer qu’il existe une convergence politique de long terme aux Etats-Unis. Une moitié de citoyens américains ne vote pas à l’élection présidentielle et, pour celle qui vote, les partis démocrate et républicain sont bien souvent perçus comme proposant des discours proches dans de nombreux domaines.
Existe-t-il vraiment deux Amériques ? N’est-ce pas une division artificielle du fait du faible clivage idéologique entre les deux partis dominants et le manque d’homogénéité de ces deux Amériques ?
Deux Amériques sur les cartes
Sur le modèle du clivage européen droite-gauche, on a souvent l’impression, en Europe, que le vote démocrate serait un vote de gauche diamétralement opposé idéologiquement au vote républicain de droite.
Ainsi, dans les résultats de l’élection présidentielle de 2004, de nombreux observateurs de la politique américaine ont vu dans ce vote deux Amériques : celle de la Nouvelle-Angleterre, démocrate et donc plutôt de gauche et le reste du pays, républicain et donc de droite, voire d’extrême-droite.
Il est vrai que, depuis plusieurs décennies, des grandes régions électorales semblent s’être dessinées avec : 1. la Nouvelle-Angleterre qui vote majoritairement démocrate, 2. le Middle West et le Deep South qui sont devenues des régions fortement républicaines, 3. la frange Pacifique qui est devenue démocrate au début des années 1990 et, enfin, 4. une petite dizaine d’Etats sur la rive gauche du Mississippi et le long des grands lacs qui alternent entre parti démocrate et républicain (voir carte 1).
Carte 1. Evolutions politiques américaines depuis 1960
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La cristallisation politique de ces régions semble s’être principalement réalisée durant deux époques : le début des années 1960 et le début des années 1980. S’agissant du basculement en faveur du parti républicain au milieu des années 1960, on peut citer l’exemple de l’Alabama. Ainsi, lors de l’élection de 1960, Kennedy remporta plus de 55% des suffrages exprimés. Mais quatre ans plus tard, le parti républicain réunissait près de 70% des suffrages (voir tableau 1). Depuis lors, les résultats dans cet Etat sont quasiment similaires d’élection en élection.
Tableau 1 : Elections présidentielles en Alabama en 1960 et 1964
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Source statistique : http://www.uselectionatlas.org/RESU...
Ce revirement électoral s’explique assez facilement par le fait qu’une bonne partie de l’électorat du Sud profond a clairement refusé l’évolution du parti démocrate en faveur des minorités, notamment raciales. Or, comme l’écrit Roz (1931), « l’homme moyen ne vote pas pour quelque chose mais contre quelque chose » . Dans ce cas, plus qu’une adhésion au parti républicain, cet électorat majoritairement blanc du Sud des Etats-Unis s’est en fait prononcé contre l’évolution idéologique et politique du parti de Lyndon Baines Johnson.
Pourtant, le parti démocrate continua sur cette voie au cours des années 1960 et au début des années 1970. Une partie de l’électorat démocrate s’est, ainsi, sentie de plus en plus en porte-à-faux avec ce discours et lorsque apparaîtra le discours sur la « majorité morale » à la fin des années 1970, de nombreux électeurs démocrates dans le Middle West franchiront le pas.
Ce basculement du Middle West, notamment du Texas, s’est appuyé sur des discours récurrents, souvent populistes, notamment contre l’establishment, le gouvernement fédéral et les impôts et pour une immixtion plus importante de la morale et de la religion en politique.
Les mythes de la géographie politique américaine
Malgré cette division qui semble assez nette entre démocrates et républicains, la géographie politique américaine est plus compliquée qu’elle n’y paraît.
Ainsi, lorsqu’on analyse, au niveau des comtés, les résultats de l’élection de 2004, qui semble être l’archétype d’une élection polarisée, et si on excepte le nord du Texas, l’Oklahoma et le Missouri, on s’aperçoit que toutes les régions comprennent des comtés démocrates et républicains. Même dans un Etat réputé être au cœur des régions républicaines, comme le Kansas, le comté de Wynadotte (au sud de Kansas city) vote démocrate à toutes les élections depuis 1960.
Carte 2 : Le vote à l’élection présidentielle de 2004 par comtés
Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman University of Michigan (election results by county) à l’adresse : http://www-personal.umich.edu/~mejn/election/2008/. Voir la carte.
L’un des clivages importants dans la politique américaine actuelle est celui existant entre, d’une part, les grandes villes et, d’autre part, les campagnes et petites villes. Un exemple intéressant est l’Etat de New York qui, vu d’Europe, est l’une des terres démocrates par excellence. Or, les comtés urbains sont évidemment acquis aux candidats démocrates mais tous les comtés ruraux de l’Etat votent majoritairement républicains (voir tableau 2).
Tableau 2. Vote démocrate en 2004 dans l’Etat de New York par comtés
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Source statistique : http://www.uselectionatlas.org/RESU...
L’homogénéité du vote démocrate - et plus encore républicain - n’existe pas. Les analyses sociologiques démontrent par exemple que le vote républicain est loin d’être fondé sur les mêmes ressorts. Le parti républicain est essentiellement une alliance de deux blocs aux intérêts et aux motivations différentes : d’une part, des électeurs qui font de la religion et de la référence aux valeurs morales, un impératif pour leur vote et, d’autre part, des électeurs qui tiennent à un Etat fédéral et à des impôts réduits au strict minimum dans tous les domaines. Contrairement à ce qui est parfois affirmé en Europe, il a été montré que les positions extrêmes en matière économique et religieuse/morale sont largement minoritaires aux Etats-Unis (Ansolabehere et al. 2006) .
Même si on assiste à une radicalisation de la vie politique américaine, une majorité d’électeurs partage un corpus de valeurs communes et se divisent, sans véritable passion, sur un nombre limité de sujets. Ainsi, en combinant les votes et la participation, l’Amérique n’est plus rouge ou bleue mais majoritairement… violette (voir carte 3) à savoir qu’une majorité d’électeurs américains ne se passionne pas pour le vote car que le candidat démocrate ou républicain remporte l’élection présidentielle ne change pas substantiellement la politique menée.
Carte 3 : Les votes démocrate et républicain par comtés en fonction de la participation
Michael Gastner, Cosma Shalizi, and Mark Newman University of Michigan (election results by county) à l’adresse : http://www-personal.umich.edu/ mejn... Voir la carte.
EN DEFINITIVE et en s’appuyant sur des enquêtes sociologiques et de géographie électorale, on peut affirmer qu’il existe une convergence politique de long terme aux Etats-Unis. Les partis politiques, tout comme les autres institutions américaines telles que les églises, n’ont jamais fait beaucoup de place au débat idéologique. L’époque récente réaffirme fortement cette tendance.
Une moitié de citoyens américains ne vote pas et, pour celle qui vote, les partis démocrate et républicain proposent des discours proches dans de nombreux domaines. Aussi, le vote ne passionne guère car un candidat à la présidence, pour devenir élu, se doit de courtiser l’électeur-pivot et ainsi proposer un discours au centre en épousant les mouvements de l’opinion publique.
Et, contrairement à ce qu’on fait semblant de croire en Europe, l’électeur-pivot américain ressemble bien plus à un habitant de Liberty dans le Missouri qu’à un habitant résidant près de la Statue de la Liberté à New York. Or autant on a une idée des ressorts du vote du New-Yorkais autant celles de l’habitant de Liberty sont largement ignorées.
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Re: Géographie électorale des États-Unis
Elections présidentielles USA 2012
Etat par Etat, voici le nombre de grands électeurs gagnés par chaque candidat.
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Congrès américain : la carte des résultats en temps réel
Les résultats des élections au Sénat, à la Chambre des représentants
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