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Mai 68

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Personne à contacter Mai 68

Message par Sphinx Lun 7 Fév - 22:28

Une situation pré-révolutionnaire trahie par le PCF

Reproduit du Bolchévik no. 147, automne 1998

Le trentième anniversaire de Mai 68 donne lieu cette année à une gigantesque opération de propagande bourgeoise, reprise en écho par les divers groupes réformistes et centristes à la traîne du gouvernement. Tous les quotidiens ont leur série d'articles tous les jours sur l'anniversaire, tous les hebdomadaires ont leur dossier spécial avec force « révélations » policières, etc.

C'est un véritable tir de barrage idéologique. Il s'agit pour la bourgeoisie de réécrire l'histoire afin d'effacer de la conscience la mémoire de ce qui a été la crise pré-révolutionnaire la plus récente dans la société française. En ce sens, la bourgeoisie prouve indirectement par-là même que la peur d'une nouvelle crise révolutionnaire la tenaille encore.

Pour nous, Mai 68 a été une crise prérévolutionnaire qui a été trahie par le PCF. Dans un article publié en 1968, nos camarades américains de la SL/US tiraient la leçon centrale de ces événements : « Ce qui manquait en France, c'est un parti révolutionnaire qui aurait pu soulever les revendications nécessaires pour transformer la situation de grève générale en double pouvoir, pour briser le contrôle de la Confédération générale du travail (CGT) sur la grève en construisant des conseils ouvriers. Si les ouvriers révolutionnaires n'ont pu prendre le pouvoir, ce fut principalement, bien que pas uniquement, du fait de la trahison du Parti communiste français (PCF). »

Au contraire, les journaux bourgeois ont présenté Mai 68 comme une espèce de révolution bourgeoise, marquée par la libéralisation des moeurs. Une telle propagande a un triple objectif : conjurer le spectre de la révolution sociale ; proclamer que le capitalisme est continuellement capable de se « renouveler », se « démocratiser » ; et porter un regard « indulgent » sur l' « agitation » révolutionnaire maintenant définitivement révolue. Laurent Joffrin, rédacteur en chef de Libération et idéologue gouvernemental, dans la nouvelle introduction datée d'avril 1998 de son livre « Mai 68 » publié il y a 10 ans, explique que l'idée de révolution qui domina les années après Mai 68 était juste « un mythe » dû à une idéologie gauchiste dépassée, alors que sa vraie nature était « celle d'une vaste insurrection démocratique, qui ne veut pas changer le pouvoir dans la violence, mais la vie quotidienne, pacifiquement. Celle d'un mouvement qui ne voulait pas renverser un régime, mais démocratiser la société. » Les médias bourgeois présentent Mai 68 comme le sommet de la contre-culture et du radicalisme étudiants, où le rôle des ouvriers passe à la trappe.

L'extrême gauche apporte son eau au moulin. Dans leur livre le Mouvement social, les dirigeants de la LCR Aguitton et Bensaïd essaient aussi de ramener Mai 68 à une simple peccadille, permettant aussi de faire disparaître la trahison du PCF qui, en faisant son sale boulot, a permis à la bourgeoisie de s'en tirer sans avoir recours à l'armée. Ils reprennent un article paru dans Rouge en 1993, qui explique : « Comment expliquer, si le pouvoir avait été réellement menacé, que la violence d'une telle empoignade soit restée aussi limitée ? La violence en 68 est restée le plus souvent symbolique, sauf face aux travailleurs notamment à Flins et à Sochaux. »

Autrement dit, l'anniversaire de Mai 68 donne l'occasion d'une nouvelle campagne sur la « mort du communisme », orchestrée par les sociaux-démocrates, souvent les mêmes qui se sont distingués avec le « Livre noir du communisme » (voir notre article « "Le Livre noir du communisme" : mensonges capitalistes usés - Pour une Quatrième Internationale reforgée ! », Spartacist édition française, n° 32).
C'est à nous trotskystes qu'il revient de combattre cette propagande afin que le prolétariat puisse tirer les leçons de la plus importante situation pré-révolutionnaire qu'ait connue le pays depuis la Deuxième Guerre mondiale et qu'il nous rejoigne pour construire un véritable parti révolutionnaire.


La portée internationale et historique de Mai 68

L'un des aspects centraux pour comprendre Mai 68, c'est qu'il faut le voir d'un point de vue international. Dans notre « Déclaration de principes et quelques éléments de programme », adoptée lors de notre dernière conférence internationale, nous avons écrit (Spartacist édition française n° 32) : « A la fin des années 1960 et au début des années 1970, en partie sous l'influence de la guerre du Vietnam et de l'agitation interne qui a secoué les Etats-Unis, notamment la lutte de libération des Noirs, une série de situations prérévolutionnaires ou révolutionnaires se sont présentées en Europe – en France en 1968, en Italie en 1969, au Portugal en 1974-1975. Ces situations étaient les meilleures occasions de révolution prolétarienne qui se soient présentées dans les pays capitalistes avancés depuis la période qui a immédiatement suivi la Deuxième Guerre mondiale. Et encore une fois, ce sont les partis communistes pro-Moscou qui ont réussi à sauver l'ordre bourgeois mis à mal dans ces endroits. C'est là que le rôle contre-révolutionnaire des partis staliniens occidentaux a démesurément contribué à la destruction ultérieure de l'Union soviétique. »

L'année 68, c'est aussi le printemps de Prague, ce sont des désordres étudiants en Yougoslavie et en Pologne (ces derniers avant les événements de France), des manifestations étudiantes et/ou ouvrières en Turquie, au Sénégal, en Suisse, etc. Et l'année suivante il y a eu une situation pré-révolutionnaire en Italie. L'autre aspect également, cela a été l'impact de Mai 68 en France d'un point de vue international. Par exemple Progressive Labor aux Etats-Unis, des staliniens ouvriéristes, avaient recruté par dizaines après Mai 68 en France, et comme conséquence de Mai 68, car cette puissante grève générale pré-révolutionnaire avait fait voler en éclats le bla bla de la Nouvelle gauche et des idéologues comme Herbert Marcuse, selon lesquels la classe ouvrière était finie, etc. PL/SDS avaient une ligne grossièrement pro-classe ouvrière et ils recrutaient sur l'argument que la classe ouvrière pouvait être un facteur de changement. Et aujourd'hui de même, avec la campagne sur la « mort du communisme » après la destruction de l'URSS, la véritable histoire de la crise pré-révolutionnaire de Mai 68 met à mal tous les mythes colportés par la bourgeoisie et ses laquais selon lesquels ce ne serait plus la classe ouvrière qui est le moteur de l'histoire.


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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Lun 7 Fév - 22:32

Les événements de Mai 68

L'explosion de Mai 68, ce sont des millions d'ouvriers en grève qui provoquent la paralysie totale de l'économie du pays et un début de paralysie du pouvoir gaulliste. C'est une situation dans laquelle la classe ouvrière défie et ébranle l'ordre bourgeois, une situation pré-révolutionnaire dans laquelle le bas n'en veut plus et le haut n'en peut plus. Avec son poids et son autorité dans la classe ouvrière, le PCF va permettre à la bourgeoisie française de sortir de l'ornière à peu de frais, en trahissant la classe ouvrière et la grève.

Les étudiants ont été l'étincelle. Il y avait une véritable radicalisation dans ce milieu. L'agitation portait aussi bien sur des questions de société que sur des questions internationales comme la guerre du Vietnam. Le « Mouvement du 22 mars » était né sur l'université de Nanterre à la suite de l'arrestation d'un militant lors de l'attaque des bureaux d'American Express en solidarité avec le FNL vietnamien. Le 3 mai, plusieurs centaines d'étudiants antifascistes de la Sorbonne sont arrêtés.

En riposte, une grève totale des universités débute le 6 mai, pour libérer ces étudiants. La police charge violemment les manifestations, et le 10 mai, c'est la nuit des barricades. Le déchaînement des violences policières de cette nuit-là choque le pays entier. Une journée nationale de grève et une manifestation sont appelées pour le lundi 13 mai, par toutes les organisations étudiantes et les organisations syndicales de la classe ouvrière et des enseignants (CFDT, CGT, FO, SNESup).

Le 13 mai, jour du dixième anniversaire du coup d'Etat militaire et de la prise du pouvoir par de Gaulle, par centaines de milliers, les ouvriers, les jeunes, les employés défilent dans les rues de Paris avec des mots d'ordre comme « Bon anniversaire mon général » et « 10 ans ça suffit ». Dès le lendemain c'est l'entrée en scène de la classe ouvrière qui va donner son caractère historique à Mai 68. Dans les jours qui suivent, les premières usines se mettent en grève, souvent à l'initiative des jeunes ouvriers qui déclenchent les occupations. Cela commence le 14 mai à l'usine Sud-Aviation à Nantes.

Le 15 mai, l'usine Renault-Cléon démarre et va entraîner Renault-Billancourt. La métallurgie a été le fer de lance de cette grève, entraînant derrière elle le reste de la classe ouvrière. Aucun appel à la grève générale n'a jamais été lancé par aucune centrale syndicale, mais la grève s'étend comme une traînée de poudre. Le 21 mai, la grève est générale dans tout le pays : il y a plus de 10 millions de grévistes. Le pays est paralysé. Le pouvoir gaulliste se retrouve dépassé. Sa première réponse est la répression. Les Compagnies républicaines de sécurité (CRS) sont le rempart du pouvoir. Elles s'acharnent jour après jour contre les manifestants, d'où le slogan de Mai 68 « CRS SS ! » La situation prend une telle ampleur que de Gaulle se tourne vers l'armée : le 29 mai, il rencontre l'état-major en Allemagne qui l'assure être éventuellement prêt à intervenir. Et le parti gaulliste organise ses propres groupes paramilitaires, les sinistres SAC (Service d'action civique) et CDR (Comités de défense de la république).

Face à l'agitation dans les facultés, dès le 3 mai, le PCF avait dénoncé dans l'Humanité « la responsabilité du pouvoir et des aventuriers gauchistes » qui « créent un terrain propice aux interventions policières » et se posait en garant de l'ordre bourgeois contre les étudiants radicaux traités de « provocateurs ». Il avait attisé le chauvinisme anti-allemand contre « l'anarchiste allemand » Cohn Bendit, ce qui amènera les étudiants à répondre avec le mot d'ordre « Nous sommes tous des Juifs allemands ! », mot d'ordre important dans le pays de l'affaire Dreyfus.

Devant l'extension de la grève ouvrière, et ne pouvant s'y opposer frontalement, la principale préoccupation des staliniens est d'en prendre le contrôle. Garaudy, ancien membre du Bureau politique du PCF (et devenu aujourd'hui intégriste musulman antisémite) a rapporté comment Marchais avait demandé à Séguy : « Il faut que tu trouves un point de chute, il faut arrêter les grèves. » Séguy avait répondu qu'« on pouvait le faire, que la CGT avait une autorité suffisante, mais qu'on allait y perdre des plumes. »

A cette fin, ils font tout pour rendre les occupations d'usines symboliques, demandant aux ouvriers de ne pas tous occuper les usines et les vidant ainsi petit à petit. Ils maintiennent les ouvriers isolés les uns des autres : ainsi, une délégation de Renault-Flins doit négocier plusieurs jours avant de pouvoir entrer discuter avec les ouvriers de Renault-Billancourt. Ils instaurent des comités de grève qui ne sont que des intersyndicales voire, simplement, la direction CGT : il n'y a pas d'élection par les ouvriers de représentants à ces comités. Les bureaucrates empêchent toute apparition d'organes de pouvoir prolétarien, les embryons du futur Etat de la classe ouvrière. L'instauration de tels organes, ayant la perspective de prendre le pouvoir, aurait été un élément clé du programme d'un parti révolutionnaire en Mai 68.

S'étant déclarés prêtes, le 22 mai, à de « véritables négociations », la CGT et la CFDT se précipitent quand celles-ci commencent à Grenelle, le 25 mai. Abandonnant tous leurs préalables aux négociations, les bureaucrates sortent, le 27 mai, avec les premiers accords, une ridicule augmentation des salaires de 6%. Ils pensent pouvoir faire reprendre le travail pour cela. Séguy et Frachon eux-mêmes, les deux principaux dirigeants de la CGT présentent les résultats de Grenelle aux ouvriers de Renault-Billancourt, le poumon de la classe ouvrière en France. La classe ouvrière ressent bien que les bureaucrates échangent un mouvement d'une ampleur considérable, ébranlant le pouvoir d'Etat, contre un plat de lentilles et rejette ces accords. Les bureaucrates ont montré ce jour là qu'ils voulaient la reprise.

Les manoeuvres des réformistes pour donner une réponse front-populiste et parlementariste à la classe ouvrière, pour la maintenir dans le cadre capitaliste, se font en parallèle. Dès le 14 mai, le PCF propose une entente des partis de gauche. Il prend contact avec la FGDS, qui regroupe la SFIO (précurseur du PS et qui ne représente presque rien à cette époque) et divers groupes de politiciens bourgeois, comme celui de Mitterrand.

Après la semonce de Billancourt, les manoeuvres parlementaristes et les pressions s'accélèrent. Le soir du 27 mai, les sociaux-démocrates rassemblent 60 000 personnes dans un meeting au stade Charléty (meeting qui cherche à contourner la puissance du PCF et que celui-ci boycotte). Le politicien bourgeois Mendès-France est présent et la foule scande « Mendès, président ! » Le lendemain, Mitterrand appelle à un « gouvernement Mendès ». Le PCF n'est pas en reste. En réponse à Charléty, il appelle à une manifestation qui rassemble plus de 350 000 personnes le 29 mai. Un des slogans est « Gouvernement populaire ! », la version PCF du front populaire, pour rappeler qu'il est prêt à aller dans un gouvernement Mendès.

Le vide au sommet de l'Etat se fait de plus en plus sentir. Le 29 est aussi le jour où de Gaulle, paniqué, s'enfuit et va consulter l'état-major. Quand il en revient, l'armée l'a convaincu de rester et l'a assuré qu'elle est prête à intervenir éventuellement. Les accords de Grenelle signés deux jours plus tôt ont confirmé à de Gaulle que les bureaucrates staliniens veulent en finir avec cette grève. Le 30 mai, il passe donc à la contre-offensive. Il dissout le parlement, appelle à des élections pour le 23 juin et menace d'être prêt à utiliser « d'autres voies que le scrutin ».

Une manifestation de plusieurs centaines de milliers de personnes est organisée par les gaullistes, dont un des slogans est « Le communisme ne passera pas ! » Les bureaucrates sautent sur le prétexte des élections et luttent ouvertement contre la grève. Le lendemain, 1er juin, les dirigeants staliniens du PCF et de la CGT entament la bataille contre la classe ouvrière pour faire reprendre le travail. Ils appellent à rallier la lutte électorale et à ne pas gêner les élections. La bourgeoisie accepte de lâcher du lest lors des nouvelles négociations, facilitant ainsi le travail des bureaucrates pour casser cette grève contre des augmentations de salaires de près de 25%.

Malgré l'absence de parti révolutionnaire capable de démasquer le sauvetage du capitalisme auquel se livraient les staliniens, capable d'arracher les militants écoeurés par leur direction et ainsi scissionner le PCF, la résistance de la classe ouvrière aux bureaucrates est rude. Ce n'est que le 7 juin que les premières reprises de travail significatives ont lieu. Il leur faut plusieurs jours pour faire reprendre les secteurs qui ont démarré la grève.

Pour venir à bout de la volonté de poursuivre la grève, les bureaucrates usent de tous les stratagèmes : négociations branche par branche ; annonces de fausses reprises ; ils organisent des votes pour la reprise et, quand le résultat ne leur convient pas, ils refont voter, ce jusqu'à la reprise, etc. En même temps que le pilonnage des staliniens, la bourgeoisie envoie les flics pour attaquer les centres ouvriers clés qui sont contre reprendre, comme les centres de tri PTT, les dépôts SNCF. L'usine de Renault-Flins est occupée par les CRS la nuit du 5 au 6 juin. Ce sont 4 jours de batailles acharnées autour de l'usine dans lesquelles le jeune lycéen Gilles Tautin est tué.

Le 11 juin, les flics attaquent l'usine de Peugeot-Sochaux : deux ouvriers sont tués. Le 12 juin, indication supplémentaire que la bourgeoisie est bien effrayée, la dissolution de tous les groupes d'extrême gauche (JCR, OCI, VO, 22 mars, les groupes maoïstes, etc.) est décrétée. Et le PCF, loin de protester contre cette dissolution, va bien entendu redoubler ses attaques physiques contre les militants de ces organisations qui viennent devant les usines ! Finalement, les bureaucrates et l'Etat parviennent à leurs fins.

Trahie par ses propres dirigeants et sans alternative révolutionnaire crédible, la classe ouvrière et ses derniers bastions ne peuvent s'opposer à la reprise et se rendent, la mort dans l'âme. Des secteurs comme la métallurgie reprennent très tard : la CGT appelle à la reprise à Renault-Billancourt le 17 juin. Krasucki (dirigeant de la CGT) se fait siffler quand il appelle à la reprise du travail à Citroën, le 24 juin, après le premier tour des élections ! Celui-ci s'est déroulé le 23 et est un raz de marée réactionnaire.

Après 68, la bourgeoisie, obsédée par sa peur du prolétariat, a eu recours à l'Union de la gauche comme un moyen de brider les ouvriers qui avaient senti leur propre puissance en Mai 68 et avaient pris confiance en eux. La bourgeoisie s'est tournée vers les partis ouvriers réformistes et les syndicats qui avaient trahi 68, pour construire une coalition avec quelques formations bourgeoises. Et tous les pseudo-trotskystes ont trouvé le moyen de soutenir cette manoeuvre bourgeoise sous un prétexte ou un autre. En fait l'attitude des centristes en Mai 68, qui soutenaient Mendès-France comme étant mieux que le bonapartisme de De Gaulle, a préfiguré leur suivisme de l'Union de la gauche.


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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Lun 7 Fév - 22:44

La société française dans les années 60

L'événement majeur qui avait façonné la société française à cette époque, c'est la révolution algérienne. La bourgeoisie française avait été obligée d'avoir recours au coup d'Etat bonapartiste de De Gaulle en 1958 pour mettre un couvercle sur les contradictions de plus en plus explosives de la société, entre d'une part les ultras de l' « Algérie française » et d'autre part les protestations et grèves croissantes dans la métropole contre une guerre qui avançait inéluctablement vers la défaite de l'impérialisme français.

Il y a eu la formation du PSU notamment sur la question de l'Algérie : c'est un parti social-démocrate connu pour ses réticences vis-à-vis de la sale guerre coloniale. La CFTC, l'organe du Vatican dans le prolétariat, scissionne et donne naissance à la CFDT, qui est un véritable syndicat ouvrier dirigé par des sociaux-démocrates. Le PCF conserve encore largement la loyauté de la classe ouvrière. Il reçoit 20 à 22 % des voix aux élections.

Mais la trahison du PCF, qui soutenait sa propre bourgeoisie pendant la guerre d'Algérie, allait amener au recrutement de jeunes cadres de l'organisation de jeunesse stalinienne à la JCR, organisation précurseur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) actuelle. Evidemment tout le monde pense à Krivine, mais quand on lit le livre Génération, les 150 premières pages qui sont certainement les plus intéressantes, on peut se rendre compte que toute la jeunesse à l'époque était dans l'orbite du PCF. Tous les jeunes dirigeants de Mai 68 se sont formés à l'ombre du PCF, et souvent en rupture par rapport à la ligne pro-impérialiste et chauvine du PCF sur la question de l'Algérie.

Un certain nombre ont été actifs comme « porteurs de valises », ces réseaux de militants qui aidaient à transporter et faire traverser les frontières à l'argent collecté auprès des militants et sympathisants du FLN en France. Il y a aussi l'écrasement en 1956 par les chars soviétiques du début de révolution politique ouvrière en Hongrie, quand les ouvriers hongrois ont créé de véritables conseils ouvriers et commencé à chasser la bureaucratie.

L'Union des étudiants communistes (UEC) de l'époque est un bouillon de culture où il y a des eurocommunistes avant la lettre (appelés les Italiens à cause de leur soutien à Togliatti et sa théorie du « polycentrisme » du mouvement communiste, ce qui veut dire battre en brèche l'hégémonie de Moscou et définir les PC plus carrément comme des partis nationaux, embrassant leur propre bourgeoisie et son pouvoir d'Etat). Il y a ceux qui vont à partir de 1965-66 implanter le maoïsme, et enfin il y a l'aile gauche, qui a été recrutée au pablisme et qui sort de l'UEC en opposition au vote Mitterrand fin 1965.

Michel Pablo, le fondateur de leur courant connu sous le nom de pablisme, avait détruit la Quatrième Internationale de Trotsky en 1951-53 en reniant le rôle décisif de la conscience dans la révolution, c'est-à-dire la nécessité de regrouper les ouvriers conscients des tâches historiques du prolétariat dans un parti d'avant-garde pour diriger la révolution. Dans les années cinquante les pablistes ont liquidé le parti de la Quatrième Internationale dans le PCF en France (pour n'en ressortir qu'en 1965), dans la social-démocratie en Allemagne, etc. (cf. « Genèse du pablisme », Spartacist édition française n° 3/4).

Ensuite cela a été la recherche de nouvelles avant-gardes parmi les étudiants de La Sorbonne, la guérilla petite-bourgeoise en Amérique latine, le féminisme petit-bourgeois, le front populaire antisoviétique de Mitterrand, etc. La seule constante dans tout cela, c'est de nier la possibilité de regrouper les ouvriers avancés dans un parti léniniste, et au lieu de cela d'y chercher un substitut. Ce qu'on peut voir avec Krivine devenant 10 ans plus tard le plus ferme soutien au front populaire de Mitterrand.

Après la défaite de la bourgeoisie française en Algérie en 1962, le régime bonapartiste réactionnaire est resté. Il doit faire face à une activité gréviste souvent importante. Par exemple il y a près de 6 millions de journées de grève en 1963 officiellement enregistrées en France, soit plus de 15 fois le nombre de journées de grèves enregistrées en 1997. Il y a notamment une grève des mineurs très combative qui est marquée par l'intervention de l'armée.

Après un creux en 1965, l'activité gréviste reprend en augmentant, dépassant les 4 millions de journées de grève en 1967. Le régime bonapartiste est épuisé 6 ans après les accords d'Evian. De Gaulle a 76 ans en 1968. Donc l'ordre bourgeois français est marqué par une certaine instabilité à un moment où internationalement la lutte du peuple vietnamien, la lutte des Noirs dans les ghettos aux Etats-Unis, la révolution cubaine, suscitent l'enthousiasme et la solidarité.

Le rôle des ouvriers immigrés en 1968

Parmi tous les groupes « trotskystes » qui ont gâché du papier pour répandre des inepties sur Mai 68 récemment, pas un seul n'a même mentionné la question des ouvriers immigrés. Or cette question était déjà à cette époque stratégique.

En chiffres bruts ce n'est pas si différent des chiffres actuels, au moins pour les Algériens et les Portugais (au total il y a aujourd'hui 3,5 millions d'immigrés en France, dont 600 000 Portugais et autant d'Algériens). Toutefois, il y a une forte différence dans la pyramide des âges. A l'époque, ce sont beaucoup de jeunes travailleurs masculins, célibataires ou dont la famille est encore dans leur pays d'origine. Il n'y a pratiquement pas la couche que nous appelons aujourd'hui la deuxième génération.

Ils vivent dans des conditions effroyables, soit dans des hôtels garnis complètement insalubres, soit dans des bidonvilles (on compte encore plus de 200 bidonvilles en France à cette époque), dont la moitié en région parisienne (qui est d'ailleurs la zone concentrant plus du tiers des immigrés dans le pays).

Les Portugais et les Italiens travaillent surtout dans le bâtiment, les Algériens et les Marocains sont plus nombreux dans l'industrie. Les Maghrébins sont de façon dominante manoeuvres, alors que les Italiens sont plus souvent des ouvriers qualifiés. Au total 85 % des immigrés n'ont aucune qualification professionnelle, beaucoup de professions qualifiées leur étant aussi interdites par la loi.

Il y a environ 500 000 ouvriers immigrés dans le bâtiment, 370 000 dans la métallurgie et la sidérurgie, 260 000 dans l'agriculture. Les femmes sont souvent femmes de ménage. Les proportions d'immigrés sont très variables suivant les secteurs de la production : dans les hauts-fourneaux en Meurthe-et Moselle, 80 % des ouvriers sont immigrés, chez Citroën il y en a 30 %, il y a 7 000 ouvriers immigrés chez Renault (11 % à l'usine de Cléon).

En général l'activité politique est interdite pour les immigrés ; au niveau syndical ils ne peuvent être élus délégués syndicaux qu'après 6 à 24 mois d'ancienneté, or très souvent les ouvriers immigrés ont des contrats de travail de 6 mois seulement, ce qui les empêche d'être intégrés dans les syndicats.

Le prolétariat est divisé entre ses différentes composantes : on dit des Portugais qu'ils sont arriérés et briseurs de grève pour dresser leurs frères de classe contre eux. En fait, ils sont soumis depuis 35 ans à la dictature de Salazar ; en cas d'activité politique ils sont déportés et finissent dans les prisons du Portugal ou dans les colonies en Afrique australe. Plusieurs dizaines d'ouvriers portugais ont ainsi disparu après Mai 1968, ceux qui avaient joué un rôle actif pendant la grève.

Les ouvriers algériens sortent depuis peu d'une guerre de libération nationale victorieuse contre l'impérialisme français. Il semble qu'ils ont solidement fait grève depuis le premier jour. Dans leurs luttes, ils ont souvent en face d'eux des contre-maîtres et autres chefs qui ont été recrutés sur la base de leurs services passés dans les paras ou autres troupes de choc spécialisées dans la répression et la torture en Algérie.

Bien entendu, la bourgeoisie a longtemps dressé les diverses communautés les unes contre les autres. Mais dans le courant de Mai 68 s'effondre largement cette division du prolétariat entre ses différentes couches ethniques. Notamment dans le bâtiment, ce sont les immigrés qui sont à l'avant-garde, car les ouvriers français représentent l'aristocratie ouvrière qui ne veut pas faire grève pendant que les trois quarts des manoeuvres dans le bâtiment sont immigrés.

Si la présence de la CGT ou du PCF est souvent vue pendant cette période comme une protection contre les pires aspects du racisme, la pourriture chauvine du PCF à l'époque de Mai 68 existait bien. Ainsi, quand des secours étaient versés aux grévistes en mai-juin 68, les Algériens devaient se battre pour que le montant de l'aide tienne compte de leur famille restée en Algérie.

Après Mai 68 il y a eu les déportations d'immigrés (officiellement 215 jusqu'en décembre 1968), notamment des Espagnols (c'est l'Espagne de Franco), des Algériens opposants à Boumedienne ; cela a entraîné des protestations assez importantes, relayées surtout par les pablistes et les intellectuels libéraux comme Sartre, etc.

Le fait que la question immigrés ait été peu ou pas soulevée en Mai 68 par l'extrême gauche représente une capitulation au social-chauvinisme et à sa propre bourgeoisie. Dans un pays qui sortait d'une sale guerre coloniale dans laquelle les directions réformistes de la classe ouvrière, sous couvert « des valeurs de la République », défendaient leur propre impérialisme, cette question était clé pour l'unité du prolétariat nécessaire au renversement de la bourgeoisie.

Citroën et la question immigrés

L'exemple de Citroën est indicatif. Beaucoup des contradictions sociales étaient exacerbées. Peut-être faut-il être prudent avec l'utilisation du document pabliste sur les « comités d'action » paru dans Intercontinental Press du 29 juillet 1968, ce document étant le seul à exposer ces faits. Il y avait 60 % d'ouvriers immigrés, et seulement 1 500 ouvriers syndiqués sur un total de 40 000, alors que chez Renault le taux de syndicalisation est de 18 %, ce qui est proche de la moyenne nationale. La CGT avait appelé à la grève pour le 20 mai. Un « comité d'action » Citroën s'était formé avec des étudiants de la fac de Censier. Il avait produit deux tracts. Le premier en français sur les comités d'action étudiants-ouvriers et la nécessité de l'unité d'action, le deuxième pour les immigrés, avec un autre texte demandant les mêmes droits politiques et syndicaux pour les travailleurs étrangers.

D'après le document d'Intercontinental Press les immigrés étaient d'abord réticents à se joindre à l'occupation de l'usine, sans doute par méfiance vis-à-vis des bureaucrates staliniens. Mais après deux heures de discussion avec les étudiants, ils se joignirent en masse à l'occupation, ce qui inquiéta suffisamment les bureaucrates pour qu'ils se mettent immédiatement à empêcher les étudiants d'entrer dans l'usine occupée.

De plus, le contrôle étroit sur les piquets de grève par les bureaucrates fit que ceux-ci furent désertés en masse par les jeunes ouvriers. Donc les étudiants radicalisés se lancèrent dans des appels à des assemblées générales ou des comités dans le but explicite de contourner les bureaucrates, et firent de la propagande politique et du travail de solidarité (comme la distribution de nourriture) dans les ghettos immigrés et les bidonvilles. A Citroën, ils allaient être parmi les derniers à reprendre le travail, nettement après Billancourt et les principales usines.

On voit aussi le rôle de pont naturel vers la révolution dans d'autres pays que forment les ouvriers immigrés : des membres du comité Citroën sont allés à Turin pour établir des contacts avec la Fiat, qui était alors la plus grosse entreprise d'Europe. L'année suivante, il allait y avoir l'« automne chaud » en Italie où il y a eu la formation d'éléments de double pouvoir ouvrier. Et 6 ans plus tard, il y avait la situation révolutionnaire qui renversa la dictature de Salazar au Portugal. Des ouvriers immigrés recrutés au communisme en 68 auraient pu devenir les noyaux de futures organisations trotskystes en Afrique, au Maghreb ou en Asie.


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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 22:49

Le parti léniniste : tribun du peuple

Cela met en évidence l'impact énorme qu'aurait eu un petit groupe de propagande de combat qui aurait avancé des mots d'ordre comme les pleins droits de citoyenneté pour les travailleurs immigrés. Le fait de mobiliser le prolétariat autour de ce mot d'ordre et rallier tous les opprimés derrière lui aurait directement confronté le chauvinisme du PC. On voit dans cette grève que les immigrés, loin d'être simplement des victimes du capitalisme raciste, ont un rôle central à jouer dans ce pays pour la révolution ouvrière.

Il y avait la misère sexuelle des jeunes, l'oppression des homosexuels. L'interdiction de la contraception venait juste d'être levée l'année précédente, mais il fallait toujours une autorisation parentale pour les mineures. La question femmes est explosive. A l'époque, l'avortement est complètement interdit ; en 1943 sous Vichy, une femme avait été exécutée pour avoir avorté, et c'est toujours la même loi de 1920 qui est en vigueur.

Il fallait avancer en Mai 68 le mot d'ordre de l'avortement libre et gratuit pour toutes celles qui en font la demande, y compris les mineures et les immigrées. Comme nous le disions dans le Bolchévik (n° 133, mai-juin 1995) : « Le droit à l'avortement fut arraché [en 1975] après plusieurs années de luttes combatives des femmes et de nombreux militants ouvriers, dans la foulée de Mai 68 où la puissante mobilisation des travailleurs et jeunes avait mis le pays au bord de la révolution sociale. » De même, le divorce n'a été libéralisé qu'en 1975, après 100 ans d'une loi réactionnaire adoptée après l'écrasement de la Commune de Paris.

Le programme du parti léniniste, tribun du peuple, consiste à rallier derrière la classe ouvrière et sous la direction de son parti d'avant-garde révolutionnaire, tous ceux qui sont opprimés par le capitalisme et tous ceux qui combattent celui-ci. Ceci est opposé au programme de tous les groupes centristes de l'époque. L'OCI lambertiste allait jusqu'à s'opposer aux barricades étudiantes au moment même où les étudiants dressaient les barricades qui ont été le détonateur de toute la révolte. Les pablistes au contraire donnaient un rôle d'avant-garde aux étudiants radicalisés.

Quant à VO/LO, ils ont agi avec les étudiants en 68 comme avec les nationalistes noirs aux Etats-Unis, ou les immigrés en France aujourd'hui. D'abord ils ne voulaient rien avoir à faire avec eux parce qu'ils n'étaient pas de la classe ouvrière, ensuite, quand ils ont dû reconnaître qu'ils jouaient un rôle politique, ils ont cherché à s'allier avec eux sur leur propre terrain (petit-bourgeois), au lieu d'essayer de les gagner au camp de la classe ouvrière sur la base de la nécessité commune d'en finir avec le capitalisme.

La faillite des centristes et réformistes

Les maoïstes avaient ce qu'ils appelaient la ligne de masse, c'est-à-dire qu'ils reniaient explicitement la conception développée par Lénine dans Que faire ? de la nécessité d'un parti d'avant-garde. Certains groupes maoïstes ont envoyé leurs militants dans le prolétariat pendant et après Mai 68.

Au moins, ils cherchaient à gagner les jeunes étudiants à l'idée de servir la cause du prolétariat au lieu de proclamer les étudiants comme la nouvelle avant-garde, comme le faisaient les pablistes. Mais ce n'était pas pour donner une direction politique aux ouvriers qui voulaient la révolution, il s'agissait pour eux d'« apprendre du peuple ».

Il n'y a que deux classes fondamentales dans la société, définies par leur rôle dans la production des richesses : les bourgeois, qui possèdent les moyens de production, et les ouvriers, qui font tourner ces moyens de production. Les étudiants en tant que tels ne forment pas une classe ; ils sont formés pour devenir plus tard l'élite de la société bourgeoise.

Ce qui a mis en cause l'ordre bourgeois en 68, ce ne sont pas les étudiants, cela a été la grève générale ouvrière ; mais pour que les ouvriers gagnent la lutte pour prendre le pouvoir, il leur aurait fallu une direction révolutionnaire internationaliste. Aujourd'hui, nous, trotskystes, cherchons à gagner les meilleurs parmi la nouvelle génération, qu'ils soient ouvriers ou étudiants, à se joindre à nous pour reforger la Quatrième Internationale, le parti de la révolution ouvrière mondiale.

Ce qu'il fallait centralement poser en Mai 68, c'était la question du pouvoir, la nécessité de créer des organes de pouvoir prolétarien dans la perspective de la révolution socialiste, l'expropriation révolutionnaire de la bourgeoisie et la réorganisation de la société sur une base socialiste planifiée internationalement.

La Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) et le Parti communiste internationaliste (PCI, à l'époque c'était les ancêtres de la LCR) parlaient occasionnellement en 1968 du double pouvoir et du parti, mais en réalité ils étaient à la traîne des étudiants. Ils encensaient la spontanéité qui a marqué le début de la grève. En 1965, ils s'étaient opposés au soutien à Mitterrand (mais toute la jeunesse qui avait lutté contre la guerre d'Algérie haïssait l'ancien ministre de l'intérieur pendant cette guerre).

Pendant Mai 68 ils parlaient du parti, du prolétariat, du double pouvoir, mais leur véritable programme était l'avant-gardisme étudiant. Une déclaration du Secrétariat unifié (l'organisation internationale des pablistes) le 20 mai explique : « Il y a encore un large fossé entre la maturité révolutionnaire de l'avant-garde de la jeunesse et le niveau de conscience des ouvriers. »

Les pablistes avaient pratiquement zéro implantation dans les usines à ce moment-là. Ernest Mandel, le principal théoricien du pablisme, a fait un discours très important devant des milliers de jeunes au Quartier Latin le 9 mai, c'est-à-dire la veille de la nuit des barricades. Dans ce discours, il théorisait que fondamentalement les étudiants font partie de la classe ouvrière, en sont le secteur d'avant-garde. Il déclarait que ce que la révolte étudiante représentait, c'était « la réintégration du travail intellectuel dans le travail productif, les capacités intellectuelles de l'homme devenant la force productive première dans la société ».

Leur véritable programme est aussi d'être pour un gouvernement Mendès France basé sur la pression de la rue. Pierre Frank, dirigeant du PCI pabliste, déclarait le 22 mai (Intercontinental Press) : « En ces jours de grève générale non déclarée, il serait possible de forcer le départ de De Gaulle et d'imposer un gouvernement PC-FGDS par des moyens non parlementaires mais pacifiques. »

Les pablistes ont constitué des « comités d'action », notamment à Cléon ; ils présentèrent ces comités d'action comme les embryons du double pouvoir. En fait, ce n'était pas des organes de front unique regroupant les couches les plus larges d'ouvriers en lutte, comme un soviet, c'était plutôt des plates-formes intersyndicales pour gauchistes, où les gauchistes se mettent ensemble pour faire pression sur les bureaucraties syndicales, c'est-à-dire essentiellement les staliniens. C'est assez bien expliqué dans le livre sur Cléon Notre arme c'est la grève (Maspéro).

Les pablistes aujourd'hui sont loin d'avoir renié le rôle qu'ils ont joué à l'époque. Dans Inprecor (n° 424, mai 1998) où l'article central sur Mai 68 en France est une reproduction d'un article daté du 20 juillet 68 de Mandel où il ressort le mot d'ordre de « réformes anticapitalistes de structure » (donc des réformes, pas la révolution) qu'il avait inventé lors de sa trahison de la grève générale en Belgique en 1961 (voir Spartacist édition française n° 29, été 1996).

Dans cet article, en 6 pages, Mandel ne définit jamais clairement quel a été le rôle du PCF ; au lieu de nommer la trahison du PCF, il parle de « toute la faiblesse, toute l'impuissance des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier » et cherche à conseiller Waldeck Rochet, le chef du PCF à l'époque.

On voit là que derrière tout leur bla bla sur Mai 68 et malgré toutes leurs intentions subjectives, les pablistes ne pouvaient avoir d'autre programme que de faire pression sur le PCF, car ils avaient renié la perspective de construire un parti léniniste d'avant-garde pour scissionner le PCF, gagner sa base ouvrière, et arracher la classe ouvrière à l'influence du PCF.

Le mythe que c'est le PCF qui avait ordonné l'extension de la grève sert aussi à blanchir le PCF. Lutte ouvrière écrivait (LO n° 70, 30 décembre 1969) : « Que, pour ne pas avoir d'ennemis à gauche, le PCF ait pris sur lui de déclencher la grève générale, résultat auquel les gauchistes réduits à leurs propres forces ne seraient jamais parvenus, cela la bourgeoisie n'est pas prête de le digérer. »

Rien n'est plus faux que cette élégie du PCF. En réalité, la grève a été déclenchée dans les usines par des groupes de jeunes ouvriers qui n'étaient pas entièrement, ou pas du tout, contrôlés par le PCF. Et cela même à Billancourt, bastion du PC. Ce qu'a fait le PCF, c'est qu'il s'est rendu compte immédiatement de ce qui se passait et a consciemment, dès le début, trahi cette situation pré-révolutionnaire.

Un autre aspect de la liquidation du parti en 1968, c'était le comité de liaison permanent des pablistes avec LO, créé dès le 19 mai, c'est-à-dire dès le début de la grève. C'est Kaldy et Morand qui ont signé pour VO ; Kaldy est aujourd'hui dirigeant de la majorité de LO, Morand de la minorité. Le programme de ce comité permanent était strictement économiste et totalement similaire à celui de la CGT : SMIC à 1 000 francs, paiement des jours de grève, droits syndicaux dans l'usine, etc.

Ils allaient juste rajouter, par rapport aux revendications de la CGT, un mot d'ordre de « dissolution des forces répressives de l'Etat bourgeois ». Mais ceci est un mot d'ordre réformiste utopique, car il donne à entendre qu'il serait possible de demander à l'Etat bourgeois et à ses flics de déposer les armes ; en réalité ils ne le feront que sous les baïonnettes de la dictature du prolétariat, comme cela s'est passé lors de la Révolution russe en 1917 et la guerre civile qui a suivi.

Voix ouvrière a passé les événements avec diverses combinaisons de mots d'ordre réformistes ; dans son journal du 20 mai 68, elle demandait le SMIC à 1 000 francs, les 40 heures, le paiement des jours de grève, et les libertés syndicales et politiques dans l'entreprise. Dans son journal du 28 mai, elle avait changé la quatrième et dernière revendication pour l'échelle mobile des salaires.

C'est tout. De telles revendications prises isolément n'ont rien à voir avec un programme de transition qui construit le pont entre les besoins immédiats des ouvriers et la conscience de leur tâche historique de renverser la bourgeoisie. Pouvoir ouvrier a écrit un article spécial récemment (Pouvoir Ouvrier, mai-août) pour polémiquer contre le programme en 4 points « inadapté à la situation » de VO ; il est remarquable que PO, eux-mêmes, n'ont rien à opposer à ce programme, sinon une « assemblée constituante, convoquée et défendue par les formes d'organisation que se donne la classe ouvrière, comme partie intégrante de la lutte pour la création de conseils ouvriers ». Mais une assemblée constituante en soi reste dans le cadre bourgeois. Et quand ils parlent de conseils ouvriers (avec quel programme ?), ils ne les placent jamais dans le cadre de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir prolétarien.

En août 1968, LO écrivait : « Le prolétariat n'a pas été réellement mobilisé. La seule couche qui le fut réellement fut les étudiants. » Cette organisation avait, bien avant 68, une orientation vers la classe ouvrière (sur une base économiste et ouvriériste).

Mais son manque de bases programmatiques pour lutter contre l'avant-gardisme étudiant de la nouvelle gauche et des pablistes se révèle non seulement par l'absence de polémiques contre cet avant-gardisme, mais par ce comité permanent avec les chantres de l'avant-gardisme étudiant qu'étaient les pablistes. « En mai-juin, l'action du prolétariat aurait pu abattre le régime gaulliste au profit d'un Mitterrand ou Mendès, mais elle ne menaçait pas sérieusement le pouvoir de la bourgeoisie » continue cet article qui, en répétant qu'il n'y avait pas de menaces sérieuses, donne un alibi pour ceux qui ont appelé à arrêter la grève en échange d'importantes augmentations de salaires.

Dans l'article de Spartacist de 1968, nous critiquons le soi-disant « regroupement trotskyste » de VO avec les pablistes en disant à juste titre : « Ce qu'a mis en lumière en France la dernière trahison du PCF et de la CGT, ce n'est pas la nécessité d'un "regroupement trotskyste", mais la nécessité d'un nouveau parti révolutionnaire basé sur un programme bolchévique qui a fait ses preuves, et qui unira tous ceux, même s'ils viennent de tendances maoïstes et les syndicalistes, qui sont pour les comités ouvriers de pouvoir. »

Même si aujourd'hui Lutte ouvrière est assez silencieuse sur sa trahison de l'époque, elle s'est vantée pendant des années d'avoir été le seul parti qui cherchait un « regroupement trotskyste », qui dans les faits était tout aussi sans principe que les magouilles « d'unité » actuelles parmi les petits groupes de gauche. Ce n'est pas étonnant qu'un groupe comme Voix des Travailleurs aujourd'hui revendique à cor et à cri la tradition de Lutte ouvrière en Mai 68, car il a la même politique de combinaisons et combines avec d'autres groupes centristes, sur la base d'un plus petit dénominateur commun réformiste.


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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 22:57

Mai 68 en France: un défi à toutes les formes d'autorité

Les événements de mai 68 ont constitué un défi souvent joyeux à toutes les formes d'autorité dans une France en pleine croissance mais aux structures encore rigides, soulignent divers experts ou acteurs de la période.

"L'anti-autoritarisme est une composante essentielle du mouvement de Mai 68", considère Patrick Rotman, auteur de plusieurs livres et documentaires sur ces événements. "Il s'élève contre la rigidité de tous les appareils verticaux et des institutions qui structurent et encadrent traditionnellement la société: le pouvoir politique, l'école, l'entreprise, l'Eglise", ajoute Rotman, à l'époque jeune étudiant trotskiste.

Cela avait un côté "joyeux et rigolo" même si cela comportait "une part de violence" et que cela aurait pu "basculer dans quelque chose de terrible" lors des émeutes du 24 mai, note-t-il.

Mai 68, "c'est la révolte contre les pères, contre la société traditionnelle", souligne Sharon Elbaz, commissaire de l'Historial Charles de Gaulle qui retrace notamment les dernières années de présidence du général de Gaulle.

La sphère privée a été particulièrement influencée par les événements de mai. Dans les années 1960, "les relations homme/femme, parents/enfants étaient encore très figées, très archaïques. Ces cadres rigides, qui subissaient déjà quelques craquements, ont explosé en mai-juin et surtout après", indique à l'AFP Michelle Zancarini, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lyon I.

Jusqu'en 1965, les femmes mariées n'avaient pas le droit d'ouvrir un compte en banque ni de travailler sans l'autorisation de leur époux.

Dans la foulée de mai 68, seront votées plusieurs lois importantes pour les couples: autorité parentale partagée (1970), réforme du divorce (1975), légalisation de l'avortement (1975), souligne Mme Zancarini.

"La façon d'éduquer les enfants change totalement", ajoute cette historienne. L'enfant est désormais considéré comme une personne à part entière, autorisé à s'exprimer à table, à prendre la parole.

Dans l'enseignement, les figures du mandarin ou du maître tout puissant sont particulièrement contestées.

Les lycéens remettent des cahiers de doléance où ils réclament de pouvoir avoir des délégués de classe, des carnets de correspondance ainsi que la mixité des classes. Celle-ci deviendra obligatoire pour le primaire et le secondaire en 1975.

En 1970, les "surveillants généraux", souvent perçus comme des adjudants sont remplacés par les conseillers d'éducation soucieux d'"animer" et d'"éduquer", rappelle Muriel Darmon, chercheuse au CNRS, dans une étude sur l'évolution de la discipline dans un lycée de province entre 1940 et 1970.

Le patronat autoritaire ou paternaliste est remis en cause. "Dans près d'un quart des entreprises en grève, les ouvriers réclament plus de considération de la part de leurs contremaîtres et la question du pouvoir dans l'entreprise est au centre des discussions", souligne Patrick Rotman.

Le terme d'autogestion apparaît en 1968. Le concept, porté par la CFDT, connaîtra son heure de gloire dans les années 1970, notamment avec la reprise du fabricant de montres Lip par ses salariés en 1973.

Dans certaines entreprises, "le management a récupéré les revendications sur l'autonomie pour réorganiser le processus de travail", relève Michelle Zancarini. Les postes de travail sont ainsi éclatés en petites unités.

"Après mai 1968, les rapports de pouvoir n'ont pas disparu mais ils se sont modifiés. On impose moins, on discute, on informe, on négocie davantage, dans la famille, au sein du couple, au lycée, dans l'entreprise, dans la cité", estime Henri Weber, un "ancien" de 68, dans un essai intitulé "Faut-il liquider mai 68?" (Seuil).

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:00

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:03

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:06

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:10

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:13

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:17

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:21

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:27

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:30

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:33

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:43

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:46

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Message par Sphinx Lun 7 Fév - 23:50

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Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:02

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Mai 68 Mai68p21

P.s:Lire sur le personnage de Gavroche:

http://www.intervalle-dz.com/t2325-sociolinguistique-urbaine-francaise
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Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:10

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Mai 68 Mai68p22
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Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:16

Mouvements sociaux de 1968 en Allemagne et Europe de l'est

Les causes de mai 68 en Allemagne et Europe de l'Est.

À l'Est de l'Europe, dans les pays communistes (c'est-à-dire ceux dominés par l'URSS, sans liberté, sans élections, etc... et se basant sur la « dictature du prolétariat »), ou a l'Ouest dans les pays sous influence américaine, les sociétés de consommation, là ou les élections sont libres, il y a des raisons identiques à « mai 68 », c'est-à-dire à la révolte d'abord étudiante et à l'aspiration au changement.

En ce qui concerne l'Allemagne, il y a comme partout en Europe l'influence de la guerre du Vietnam, cette lutte du peuple vietnamien contre « l'impérialisme américain » fait office de modèle. C'est le début de la télévision, la guerre est suivie comme un feuilleton. Les « petits » vietnamien pauvres, pieds nus, vont-ils battre les grands et riches américains et leur matériel? Le peuple du tiers monde va-t-il chasser les impérialistes? L'Allemagne est largement dominée depuis la guerre par les états unis, les jeunes allemands sont donc aisément poussés à manifester violemment contre les intérêts américains très présents en Allemagne (tel que l'armée, etc...). Ils se considèrent eux aussi confrontés a l'impérialisme américain.

Au delà du Vietnam, il y a aussi la révolte contre le modèle allemand. Depuis la fin de la guerre de 40, l'Allemagne en ruine s'est concentré sur sa reconstruction, le travail a constitué l'essentiel des objectifs de la population et effectivement l'Allemagne est en 68 le pays le plus puissant d'Europe, du point de vue économique et industriel. C'est un pays qui produits énormément de biens de consommation (comme les voitures, électroménagers, etc...) et où la société elle-même est tournée vers la consommation.

La jeunesse aspire à autre chose, elle refuse ce modèle unique de consommation. Elle veut plus de liberté de comportement, la volonté de vivre comme on veut, liberté sexuelle, liberté des mœurs dans une société teintée d'une morale stricte, catholique ou protestante. L'aspiration à travailler moins, à rechercher des façons de vivre alternatives.

Il y a enfin le refus de l'hypocrisie et le conflit de génération. Les jeunes allemands reprochent a leurs parents leur passé nazi, leur amnésie collective: de façon très résumée, ils (les parents) se sont précipités dans la reconstruction et l'expansion économique, comme ils s'étaient précipités dans les bras d'Hitler... Ils érigent leur société en modèle, alors qu'ils ont été tortionnaires, assassins collectifs... C'est un élément essentiel de la révolte qui se veut morale.

La situation est apparemment bien différente dans les pays de l'Est de l'Europe. Depuis 1945-47, ils sont dominés par l'URSS. Ces dictatures communistes furent constituées à la suite de la libération de ces pays par l'armé russe, et étaient appuyées par les résistants aux nazis.

La jeunesse à les mêmes problèmes générationnels qu'à l'Ouest, vis à vis des parents qui ont vécu la guerre et contribue a construire un model communiste depuis.

Les tentatives de révolte en 1953en Allemagne de l'Est et en 1956 en Hongrie se sont soldées par des échecs et de nombreuses victimes. Les soviétiques ne rigolent pas et répriment les émeutes très violemment.

En 1967-68, la Tchécoslovaquie engage néanmoins, sous l'influence du chef de gouvernement Dubcek, une évolution vers le « socialisme à visage humain ».

Pour les tchèques, il est vrai que les russes font office d'américain, on retrouve l'influence du Vietnam. Mais la révolte n'est pas violente, c'est une évolution vers plus de liberté économique et politique. Dubcek engage des réformes (comme la libertés d'entreprise), promet des élections. Toute la population le soutient, y compris les jeunes, surtout, qui aspire à la même liberté qu'en Europe de l'Ouest.

En 68, cela va se terminer par l'entrée massive des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie et l'élimination des réformateurs (y compris Dubcek). Cependant ces idées triompherons 20 ans plus tard, dans toute l'Europe de l'Est et en Russie, avec l'effondrement du système communiste.

La différence avec la révolte des pays de l'Ouest est que celle des pays de l'Est était un mouvement axé sur le changement des structures politiques concrètes, existante, pour plus de liberté, pour l'introduction du modèle occidental. La révolte de l'Est étant plutôt politique qu'idéologique peut donc être considérée comme plus "sérieuse", plus fondamentale.

Lorsque d'un côté c'était la révolte contre l'autorité, de l'autre c'était une atteinte à des changements profonds. D'ailleurs cela ce traduit par l'acte du jeune étudiant tchèque, Ian Palach, qui un ans après l'échec de la révolte c'était immolé par le feu sur une place publique pour montrer son désespoir et le désespoir de son pays.

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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:24

Mai 68 en Italie

Mai 68 I410

La longue année 68 débute avec quelques mois d'avance sur le calendrier et se poursuit bien après le 31 décembre. Le profond changement commencé cette année-là durera en effet plus d'une décennie et coïncidera avec une modernisation radicale et globale du pays. Les étudiants sont les premiers à déclencher le mouvement. Pendant l'automne 1967, ils occupent les universités des principales villes du Centre et du Nord, à l'exception de Rome.
Le "classisme" du système d'enseignement est en ligne de mire, contesté également par de nombreux groupes catholiques depuis la parution de la Lettera a una professoressa, le sévère acte d'accusation de don Lorenzo Milani. Est également remis en question l'autoritarisme académique, ressenti comme un conditionnement en faveur d'un consensus et d'une passivité générale, nullement limités au seul univers estudiantin.

La critique exprimée par le mouvement étudiant, dont les principaux manifestes ont été élaborés par les universités de Pise, Turin et Trente, est dirigée contre le système capitaliste mais aussi contre les partis de gauche, accusés d'avoir renoncé à toute tentative de transformation radicale du système existant.

Face à l'expansion du mouvement d'occupation des universités, les recteurs demandent l'intervention des forces de l'ordre. Les occupations succèdent alors aux évacuations. A Turin, un bras de fer sans merci oppose les occupants et la police au sein du Palais Campana, qui est le siège des facultés de sciences humaines. Ce dernier se solde par une avalanche de dénonciations contre les dommages causés par les étudiants. Le 2 février, l'université de Rome, la plus grande d'Italie, est à son tour occupée. Le 28 février, le recteur M. D'Avack fait intervenir la police.

Le jour suivant, une manifestation de protestation arrive à Valle Giulia, siège de la faculté d'architecture, et force les barrages policiers. Les affrontements durent plusieurs heures. Les répercussions sont immenses. Les journaux, dans leurs éditions, parlent de "bataille". Les événements de Valle Giulia font définitivement passer le mouvement étudiant du plan de la simple contestation universitaire à celui d'une opposition frontale à la société tout entière.

La culture du mouvement est constituée des diverses composantes de la pensée critique et du mécontentement social qui avaient peuplé les années 60: elle se nourrit du travail de réflexion des revues de la gauche non institutionnelle et des divers groupes catholiques contestataires; de la critique de la société de consommation élaborée par l'Ecole de Francfort et par Herbert Marcuse dans son célèbre L'Homme unidimensionnel, et de l'effervescence dans le tiers-monde amorcée par le combat de libération des ex-colonies et relancée par la guerre du Vietnam; de l'"antipsychiatrie" pratiquée par Franco Basaglia à l'hôpital de Gorizia et du mouvement libertaire de la jeunesse apparu pendant les années du "beat italiano". Il faut ajouter à cette liste le courant de pensée féministe, élaboré de manière originale par certaines intellectuelles italiennes: discret dans un premier temps, ce dernier ne cessera de s'affirmer au cours des années suivantes, au point de remettre en question l'entière organisation du mouvement.

L'alignement sans équivoque du mouvement étudiant sur les positions de l'extrême gauche déclenche la réaction des néo-fascistes. Le 16 mars, ces derniers, conduits par les députés du Msi Anderson et Caradonna, assiègent la faculté de lettres de Rome. Chassés par les étudiants, ils se replient dans la faculté de droit et jettent par les fenêtres bancs et armoires. Le leader du mouvement étudiant, Oreste Scalzone est grièvement blessé.
La contestation étudiante ne rencontre aucun écho auprès du gouvernement.

Depuis cinq ans, l'Italie est dirigée par une majorité de centre-gauche, fondée sur l'alliance entre le Parti chrétien Dc et le Parti socialiste (Psi), qui a rapidement mis de côté les promesses initiales de réformes. La coalition de la gauche, les communistes du Pci et les socialistes de gauche du Psiup, offre, en revanche, son appui au mouvement étudiant. Un flirt de brève durée s'engage.

Le PCI regarde en effet avec une réserve croissante puis avec une hostilité déclarée ce mouvement qui refuse de reconnaître son leadership. Au cours des élections du mois de mai, le PCI enregistre une légère avance, et le PSIUP, qui recueille la plus grande partie des votes du mouvement, obtient un succès notable. Les socialistes sont les grands perdants du scrutin (ils perdent plus de 5%) alors que la Démocratie chrétienne maintient ses positions.

Le vent de la contestation touche à leur tour les grandes industries du Nord.

Mai 68 I110

En avril, à Valdagno, les ouvriers du textile de l'entreprise Marzotto affrontent les forces de l'ordre et abattent la statue de Gaetano Marzotto, fondateur de la dynastie et de la société du même nom. Au cours de l'été, un conflit ouvrier sans merci éclate au Petrolchimico de Porto Marghera. En octobre, c'est au sein de l'entreprise milanai Pirelli que se constitue la première structure ouvrière autonome Cub, c'est-à-dire libérée de la tutelle des syndicats. Le 7 mars se déroule un événement éclatant : pour la première fois depuis des années, une grève générale proclamée par les syndicats recueille l'adhésion massive des ouvriers de la Fiat, qui est la plus importante industrie du pays.

Pendant l'été, la fermeture des universités entraîne le déplacement de la contestation vers les institutions culturelles. Artistes et étudiants interrompent la Biennale de l'art contemporain et le Festival du cinéma de Venise. En automne, la balle passe dans le camp des lycéens, qui occupent les établissements scolaires et organisent de grandes manifestations. Le 3 décembre, 30 000 étudiants défilent à Rome. A la protestation contre le système d'enseignement vient s'ajouter celle contre la police qui, la veille, avait ouvert le feu à Avola, en Sicile, contre une manifestation de travailleurs journaliers, tuant deux personnes.

La nuit du 31 décembre, des étudiants pisans viennent perturber le déroulement d'un nouvel an de luxe à "La Bussola". Un des clients tire, blessant un jeune de 16 ans, Soriano Ceccanti, qui restera paralysé.

Pendant 1969, ce sont les ouvriers qui empêchent le déclin du mouvement étudiant, notable dans le reste de l'Europe. Entre les mois de mai et juin, une série de grèves spontanées et imprévues, proclamées par les ouvriers Fiat en dehors de tout contrôle syndical, paralyse la production pendant plus de 50 jours. En première ligne du mouvement, on trouve les ouvriers les moins qualifiés et les moins syndicalisés, souvent immigrés de l'Italie méridionale. Ce sont eux qui donnent naissance à une assemblée à laquelle se joignent les étudiants. Le caractère radical des affrontements avec les forces de l'ordre atteint son paroxysme le 3 juillet à Turin: à l'occasion d'une grève générale, les ouvriers s'opposent pendant 24 heures aux forces de police.

Le conflit reprend à une large échelle en automne, alors que les contrats de travail de 5 millions d'ouvriers arrivent à terme. L'automne chaud marque l'apogée de la tension sociale dans l'Italie de l'après-guerre. Les ouvriers rejettent le système de subdivision des travailleurs en catégorie de qualification et demandent un salaire indépendant du taux de productivité. C'est au cours de cette période que se constituent les principaux groupes de la gauche extra-parlementaire et que les syndicats mettent au point, une fois passé le moment de surprise initial, une structure unitaire de base, les Conseils d'usines.

C'est dans une atmosphère de tension sans précédent qu'une bombe explose à Milan le 12 décembre, à la Banque nationale de l'agriculture, faisant 12 victimes. Commence alors l'engrenage de la violence, marqué par une succession de massacres sanglants qui se poursuivront tout au long des années 70 et dont les coupables resteront méconnus. A la suite du massacre de Milan, dont est accusé un groupe d'anarchistes reconnus innocents dans un second temps, les contrats de travail sont renouvelés avant la fin de l'année. L'opposition à caractère social ne s'arrête pas pour autant. Elle ira grandissant pendant les années 70, n'impliquant plus les seuls ouvriers et étudiants mais toutes les catégories de la société.

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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:38

Mai 68 dans le Monde

Mai 68 en France a été l’épicentre d’une période révolutionnaire qui a été largement mondiale. Comme tout événement, il s’inscrit dans plusieurs temporalités ; son irruption n’est pas exactement prévisible et ouvre de nouveaux possibles.

La période de 1965 à 1973 a été celle des grands bouleversements. Elle s’inscrit dans une période plus longue qui va du début des années soixante, marquées par la décolonisation, au début des années quatre-vingt avec le triomphe du néolibéralisme qui ouvre une nouvelle phase de la mondialisation. Cet événement amène à relire la période précédente, il réordonne les faits et leurs interprétations, donne un sens aux évolutions et en révèle la charge subversive.

Deux évolutions, inscrites dans la durée, se nouent en Mai 68. D’abord, un mouvement social et sociétal d’une exceptionnelle ampleur. Ce mouvement combine une internationale étudiante intempestive qui sert de détonateur, en fonction des situations, aux luttes sociales et politiques et un mouvement ouvrier, qui occupe toujours une place stratégique, et qui dans sa jonction avec les luttes étudiantes va donner son sens aux événements. Ensuite, un renouvellement de la pensée du monde et de ses représentations.

Ce renouvellement entremêle de nouveaux et puissants courants d’idées ; il donne naissance à un intense bouillonnement artistique et culturel. Ces évolutions infléchissent la recomposition géopolitique du monde qui accompagne la fin de la détente. Elle s’organise autour des soubresauts de la décolonisation, de la crise de l’empire soviétique et de la construction du nouveau bloc dominant composé des Etats-Unis, de l’Europe et du Japon.

Mai 1968 en France n’a pas éclaté par surprise dans un ciel serein. Dès avant le Mai français, des universités sont occupées dans de nombreux pays. De même, les débats et le renouvellement de la pensée sont engagés depuis 1960. C’est la forme de la convergence avec les luttes ouvrières qui va marquer le caractère emblématique de la situation française qui ne sera comparable de ce point de vue qu’au « mai rampant » italien. Dans cet exposé, le mouvement en France ne sera abordé que par référence au mouvement international.

Une internationale étudiante impétueuse chemine sur la scène mondiale. Dès 1960 un mouvement étudiant, forme explicite d’un plus large mouvement de la jeunesse, émerge dans plusieurs régions et met en avant plusieurs questions nouvelles. Les guerres coloniales travaillent ces mouvements et les radicalisent. Elles agitent les pays engagés dans des interventions qui font appel à la conscription avec des jeunes qui passent plusieurs années dans l’armée.

En France avec la guerre d’Algérie (de 1954 à 1962), aux Etats-Unis avec la guerre du Vietnam (des premiers raids aériens en 1965 à la chute de Saigon en 1975), au Portugal avec les colonies portugaises (jusqu’à la « révolution des œillets » en 1974). Dans chacun de ces pays, les mouvements contre la guerre sont soutenus par de larges fractions de la jeunesse et reconstruisent des liens

intergénérationnels. Dans de très nombreux autres pays, la solidarité avec les mouvements contre la guerre contribue à étendre un mouvement international étudiant. Ces mouvements partent de la compréhension de ce que représente le mouvement historique de la décolonisation. Ils se radicalisent dans l’affrontement avec les forces de l’ordre, dont l’intervention durcit les contradictions entre les institutions universitaires et les autorités politiques. Ces mouvements portent aussi une critique de plus en plus forte de l’évolution des sociétés caractérisées comme coloniales, autoritaires, hiérarchisées et moralisatrices.

Le mouvement étudiant se bat pour sa reconnaissance, son indépendance et ses orientations. Il couvre l’Europe et les Etats-Unis Par exemple, en France, dès 1962, l’UNEF cherche un second souffle, dans le refus de la sélection et la défense de la condition étudiante, après la radicalisation exceptionnelle de l’engagement pour la paix en Algérie. A partir de 1965, l’agitation étudiante allemande s’étend de Berlin à toute la RFA, dénonçant les interdictions de rassemblement et la limitation du temps des études.

En 1965, a lieu à Madrid la marche silencieuse contre le contrôle gouvernemental des élections du syndicat étudiant officiel. En 1966, en Grande-Bretagne, a lieu la création de la Radical Student Alliance contre la direction jugée réformiste du syndicat étudiant. En décembre 1967, les manifestations étudiantes contre la fermeture de la faculté de sciences économiques de Madrid s’étendent à Barcelone, Salamanque et au reste de l’Espagne.

De puissantes manifestations ont lieu à Londres et l’Université de Leicester est occupée en février 1968, mettant en question les formes de représentation des étudiants. En mars 1968, la fermeture de l’Université de Séville entraîne une agitation à Madrid, Saragosse et même à l’Université de l’Opus dei de Navarre à Bilbao. En avril, quatre jours d’émeute à Madrid, sont suivis par Séville, Bilbao et Alicante. Les barricades dans Madrid forcent le gouvernement espagnol à annoncer des réformes.

Les manifestations contre la guerre au Vietnam durcissent et unifient les mouvements étudiants. Elles mettent directement en cause les autorités américaines, aux Etats-Unis, puis en Europe, au Japon, et dans le reste du monde. A l’automne 1964, le Free Speech Movement à Berkeley va être à l’origine du Vietnam Day Commitee. Début 1965 commencent les premiers autodafés de livrets militaires aux Etats-Unis et les premières manifestations sur Washington organisées par le SDS (Students for a Democratic Society) créé en 1962.

En été 1965, les premiers « teach in » sont tenus à Oxford et à la « London School of Economics » et à l’été 1966, Bertrand Russell lance le Tribunal sur le Vietnam qui se réunit en mai 1967 à Stockholm en séance plénière. En 1966 ont lieu les premières grandes manifestations à Berlin. En octobre 1967, à Washington, les membres du syndicat étudiant, le SDS, forcent les barrages autour du Pentagone. Malgré les fleurs plantées par les hippies dans les canons des fusils de soldats, les militaires dispersent violemment les manifestants. En janvier 1968, les étudiants japonais à l’appel de la Zengakuren, manifestent contre l’escale de l’US Entreprise, 300 manifestants sont arrêtés. En février 1968, les manifestations anti-américaines se déroulent dans plus de dix villes de RFA. En mars 1968, à Rome et à Londres, les marches sur l’Ambassade des Etats-Unis entraînent des heurts violents avec la police. Les lycéens manifestent massivement à Tokyo.

En Espagne, les étudiants manifestent pour la paix au Vietnam et contre les bases militaires. En avril 1968, l’occupation de l’Université Columbia à New York élargit l’espace des confrontations.

Les mouvements étudiants servent de détonateurs, en fonction des situations, aux luttes politiques et sociales. Les mouvements étudiants s’engagent dans une réflexion active et mouvementée qui les amène d’une contestation des institutions universitaires et de leur rôle à une prise en charge d’une critique radicale de l’évolution des sociétés.

Dans plusieurs cas avant 1968, les mouvements étudiants sont en prise directe sur les situations politiques et enclenchent les réactions en chaîne qui vont ébranler les pouvoirs sous leurs différentes formes. C’est le cas à Prague, à Varsovie et à Belgrade, avec la remise en cause du système soviétique. C’est le cas à Madrid, comme à Athènes ou à Lisbonne, avec la remise en cause des régimes dictatoriaux européens. C’est le cas à Mexico et dans de très nombreux pays avec la mise en évidence des relations entre les situations sociales et les subordinations géopolitiques.

C’est le cas aux Etats-Unis avec la convergence entre le mouvement étudiant et le mouvement contre les discriminations et le racisme. C’est le cas de la jonction entre les mouvements étudiants et les luttes ouvrières particulièrement en Italie et en France, et à un degré moindre en Espagne. Après 1968, dans de très nombreux pays vont se développer des mouvements qui, à partir des situations spécifiques, vont s’élargir aux différentes questions qui deviennent explicites en 1968 : la primauté des luttes sociales et la remise en question des rapports de pouvoir et de domination.

Les mouvements étudiants se radicalisent et abordent de front les questions politiques. En 1962, aux Etats-Unis, la déclaration du SDS porte sur le malaise générationnel, les pays du Sud, la guerre froide et la bombe. En 1965, la FUNY (Free University of New York) est créée. Les heurts avec la police accompagnent les protestations d’étudiants africains et allemands à Berlin Ouest, contre un film accusé de racisme. De 1965 à 1967, les provos vont libérer l’imagination à Amsterdam et explorer les multiples pistes écologiques, féministes, libertaires, solidaires.

En 1966, a lieu le premier séminaire d’étudiants entre l’Association des étudiants allemands (AstA) et la FGEL (Fédération Générale des Etudiants en Lettres) de France. En juillet 1967, AstA rend publique, en présence d’Herbert Marcuse, une « nomenclature provisoire des séminaires de l’Université critique ». En novembre 1967 est créée l’Anti-Université à Londres. Après les manifestations violentes à Shinijuku, Tokyo, les grandes compagnies japonaises annoncent qu’aucun des étudiants arrêtés ne sera embauché. En novembre 1967, en Italie, l’occupation des universités de Trente et de Turin, s’étend à d’autres villes. En mars 1968, dans l’occupation des facultés des Beaux-Arts, les Gardes rouges de Turin exigent l’élection des professeurs.

De manière dramatique, les évènements aux Etats-Unis vont continuellement servir de référence à l’agitation internationale. Dès août 1965, les émeutes éclatent dans le quartier de Watts à Los Angeles. En octobre 66, la création des Black Panthers à Oakland ouvre une phase de révolte frontale. Les dirigeants des Black Panthers sont arrêtés en janvier 1968 à San Francisco. L’assassinat de Martin Luther King le 5 avril 1968 stupéfie le monde entier ; il est suivi d’émeutes dans cent-dix villes américaines avec des milliers de blessés et des dizaines de morts. Le 13 mai 1968 est marqué par l’arrivée de la marche des pauvres à Washington.

La remise en cause, concomitante, du système soviétique dans ses périphéries européennes, va accentuer le caractère universel de la contestation. Octobre 1967 est marqué par une manifestation étudiante spontanée à Prague. En janvier 1968, à Varsovie, 50 étudiants sont arrêtés et Adam Michnik est exclu de l’université pour avoir manifesté contre l’interdiction d’une pièce jugée antisoviétique. En mars, les manifestations d’étudiants à Varsovie s’étendent. Les universités polonaises se mettent en grève et les heurts violents avec la police s’étendent à Cracovie et Posnan. L’occupation de l’Ecole Polytechnique de Varsovie souligne la centralité du mouvement. En juin 1968, à Belgrade, l’occupation des facultés de philosophie et de sociologie proclame :

« Nous en avons assez de la bourgeoisie rouge ». C’est en Tchécoslovaquie que le mouvement prendra toute son ampleur. En mars 1968, une assemblée de 20 000 jeunes approuve le manifeste de la jeunesse pragoise. Un article de Vaclav Havel « Au sujet de l’opposition », en avril, en souligne la signification. A Prague, le 1er mai, un immense cortège marque le soutien à Alexandre Dubcek et au secrétariat du parti. Le 20 août 1968, c’est l’invasion de la Tchécoslovaquie ; les chars soviétiques imposent la normalisation. L’ébranlement du printemps de Prague et ses revendications démocratiques fissurent en profondeur le bloc soviétique.
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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:41

Suite...Mai 68 dans le monde

En avril et mai 1968, le mouvement va s’accélérer en Europe de l’Ouest, s’étendre et s’approfondir. Les occupations des universités sont nombreuses et virulentes. En avril 1968, Rudi Dutschke, dirigeant du SDS allemand est blessé dans un attentat ; l’élargissement du mouvement englobe les lycéens et les jeunes travailleurs.

Des heurts violents ont lieu à Berlin Ouest, Hambourg, Munich, Hanovre. En Italie, l’agitation s’étend à Pise, Milan, Florence, Rome, Naples, Venise, Catane, Palerme et Trente. Les évènements en France à partir du 13 mai 1968 vont doper le mouvement international. Le 29 mai 1968, à Rome, les barricades sont construites avec des voitures renversées. Le rectorat est occupé à Bruxelles. Les occupations se multiplient en Grande Bretagne en novembre. Le 24 janvier 1969 à Madrid la crise universitaire conduit à la proclamation de l’état d’urgence.
Le théâtre européen n’est pas le seul en cause.

Le Mexique va occuper une place importante. En juillet 1968, à Mexico, alors que se préparent les jeux olympiques, une manifestation favorable à Cuba, organisée par les étudiants, est violemment réprimée. En août, 300 000 manifestants défilent à Mexico. En septembre, 3 000 personnes sont arrêtées et la police occupe la Cité Universitaire et l’Université Autonome. Des barrages sont érigés à Tlateloco, sur la place des Trois-Cultures, avec la solidarité de la population. Le 2 octobre, les chars donnent l’assaut, les morts se comptent par dizaines. Un appel à boycotter les jeux olympiques, avec l’appui de Bertrand Russell, est largement relayé.

Dans de très nombreux pays, les affrontements se multiplient. En Egypte, les manifestations en avril et mai 1968, centrées sur la Palestine, vont se prolonger dans le mouvement étudiant de 1972 qui va interpeller la politique de Sadate. Les manifestations étudiantes prennent de l’ampleur au Pakistan. A Alger, les étudiants vont amener l’infléchissement de la politique de Boumediene. Au Sénégal, les manifestations étudiantes sont vives dès 1968. Omar Blondin Diop, un des fondateurs du mouvement du 22 mars en France, sera assassiné en 1973, à Dakar, dans sa cellule.

La jonction du mouvement étudiant avec les luttes sociales et le mouvement ouvrier va donner son sens à la période. Les mouvements étudiants, quand ils mettent en évidence les fractures ouvertes des sociétés, bouleversent les situations politiques. Le système éducatif et universitaire est au centre des contradictions sociales, de par le rôle qu’il joue tant dans la reproduction de la société que dans sa transformation. Il rencontre les questionnements de la petite bourgeoisie intellectuelle sensible à l’évolution politique des régimes et à la garantie des libertés. Nicos Poulantzas insistera sur le rôle de ces couches sociales dans une « sortie pacifique » du fascisme en Espagne, en Grèce et au Portugal. Mais, ce sont les luttes sociales dans la production, et particulièrement les luttes ouvrières qui donnent à un mouvement sa portée réelle.

C’est avec les grandes grèves et leur généralisation que commencent la confrontation ; et l’implication des syndicats doit être gagnée pour passer à un niveau supérieur et envisager une grève générale déterminée et offensive. Le mouvement ouvrier est toujours en position stratégique, même s’il ne résume pas l’ensemble du mouvement social. La jonction entre les luttes étudiantes et les luttes ouvrières donne au mouvement une dimension sociétale et facilite une mobilisation d’une large part de la société. La jonction entre les mouvements étudiants et les luttes ouvrières, le passage à la grève générale, en France et en Italie, a caractérisé Mai 68.

La modernisation industrielle à partir des années cinquante ne va pas sans contestations. Le compromis fordiste implique la soumission au taylorisme et à la militarisation du travail baptisée organisation scientifique du travail. La productivité intègre la production de technologies dans les chaînes de production. Le mouvement syndical s’affirme comme mouvement antisystémique et multiplie les grèves. La croissance fondée sur le marché intérieur instaure la consommation en mode de régulation et en facteur d’intégration des couches populaires et de régulation sociale. L’Etat providence prend en charge le salaire indirect et assure, à travers les services publics, la santé, l’éducation, les retraites. La démocratisation s’appuie sur le système éducatif et l’affirmation de l’égalité des chances et du mérite.

Un profond bouleversement social accompagne cette révolution des procès de production. La nouvelle classe ouvrière dans les secteurs en pointe s’élargit aux nouvelles couches salariées, les techniciens, cadres et ingénieurs. A l’autre bout de la chaîne, la déqualification du travail concerne de nouvelles couches sociales, les femmes, les jeunes urbains, les migrants ruraux et les immigrés étrangers. Entre les deux, les ouvriers qualifiés, stables, perpétuent une représentation du mouvement syndical ancrée dans l’histoire du mouvement ouvrier. .

Le milieu étudiant est engagé dans une mutation. Le double mouvement de technicisation des méthodes et de contrôle et d’encadrement des ouvriers ainsi que l’intégration sociale entraînent une massification des étudiants. En France, en 1968, le nombre d’étudiants qui a doublé en huit ans atteint 500 000. D’un autre côté, la prolétarisation, même relative, de ces couches intégrées dans le procès de production, entre en contradiction avec l’avenir promis à la petite bourgeoisie. Cette contradiction trouve un écho dans la difficile condition étudiante, accentuée par la crise urbaine et du logement, et rencontre les thèses situationnistes sur la misère en milieu étudiant.

Le mouvement étudiant s’élargit aux universitaires, particulièrement aux jeunes assistants, et aux lycéens. Le mouvement étudiant rejette le rôle qui est assigné aux futurs cadres et remet en cause la hiérarchie, l’autorité, et la reproduction des élites.

Dans les pays en industrialisation rapide, les tensions sociales s’exacerbent. Les syndicats sont sensibles à l’agitation. En 1967, des représentants d’IG Metall participent au rassemblement étudiant à Berlin Ouest. Les syndicats sont partagés entre la méfiance vis à vis d’un mouvement étudiant qui n’est pas avare en critiques acerbes et les opportunités ouvertes. En Espagne, les Commissions Ouvrières partagent l’agitation étudiante. C’est en France et en Italie que la jonction est la plus spectaculaire. En Italie, dès novembre 1967, c’est en solidarité avec les ouvriers de Fiat que manifestent les étudiants qui accompagnent les occupations des universités de Trente et de Turin et qui s’étendent à Milan, Rome et Naples.

On y voit déjà la diversité des groupes de différentes obédiences (Gardes Rouges, Uccelli, autonomes, situationnistes, trotskistes, maoïstes) qui agitent le mouvement étudiant sans qu’aucun d’entre eux ne puisse prétendre le diriger. En 1968, l’agitation monte dans les universités et dans les usines. Le PCI se prononce contre un mouvement étudiant autonome mais organise plusieurs tables rondes sur la révolte de la jeunesse. En mai 1968, il propose un nouveau bloc historique incluant étudiants et ouvriers. En novembre, une vague de grèves éclate, les lycéens rejoignent les étudiants et l’agitation sociale. Le 5 décembre 1968, la grève générale est déclarée à Rome.
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Personne à contacter Re: Mai 68

Message par Sphinx Mar 8 Fév - 0:48

Suite...Mai 68 dans le monde

En France, le retard pris dans l’industrialisation, du fait des guerres coloniales, entraîne une modernisation à marche forcée. Les syndicats, malgré leurs divisions se joignent au mouvement. Les occupations d’usine sont des moments extraordinaires de reconnaissance sociale. La grève générale, effective et avec sa charge symbolique, conduit le mouvement à son paroxysme. La victoire électorale massive des partis de droite n’abolit pas le rapport de forces sociales. Les négociations de Grenelle, même contestées, débouchent sur les meilleurs accords gagnés depuis le Front Populaire en 1936. La force propulsive du mouvement social n’est pas épuisée. Elle va se décliner dans différentes formes de comités et d’assemblées ouvrières et paysannes.

Elle va se retrouver en 1973 dans la « lutte des LIP » qui met en avant l’autogestion. Elle va marquer les luttes paysannes avec le développement du mouvement des paysans travailleurs initié par Bernard Lambert et les marches du Larzac. Elle va donner naissance à un grand nombre de formes collectives d’émancipation sociale et à des nouveaux mouvements sociaux comme les nouveaux mouvements féministes, les mouvements de consommateurs, les mouvements homosexuels, les premiers mouvements écologistes et un large éventail de mouvements de solidarité.

Un renouvellement de la pensée du monde et de ses représentations marque Mai 68. Depuis la fin des années cinquante, et quelquefois, dès 1947, de nouveaux et puissants courants d’idées cheminent dans le monde. Ces idées jaillissent dans certains endroits, en fonction des lieux, des moments et des situations. Elles se concentrent fortement à partir de 1965. Elles sont portées par la recherche d’une critique radicale et d’une théorie critique. Mai 68 n’a pas fait l’unanimité des intellectuels. On n’oubliera pas la colère de Raymond Aron pour qui il s’agit, dans sa réaction la plus mesurée d’un simple et tragique « psychodrame ».

Nous mettrons l’accent sur les idées qui ont construit ce mouvement intellectuel, même si certains qui les ont portées un moment sont revenus dessus ultérieurement. Soulignons ici quelques uns des thèmes qui vont marquer Mai 68 et ses suites. Les noms cités plus à titre d’illustration, rappellent quelques personnes qui ont formalisé et explicité, parmi beaucoup d’autres, ce courant. La crise des universités sur le sens et sur le nombre des étudiants, et les réponses en termes d’autonomie relative et d’échanges internationaux, a considérablement aidé à l’émergence, la maturation et la diffusion de ce courant. Elle a accentué la perméabilité des universités, notamment aux questions et réflexions portées par les intellectuels des mouvements sociaux, particulièrement des intellectuels ouvriers.

La vision critique se nourrit des analyses des sociétés industrielles et de leurs nouveaux paradigmes, le fordisme, le keynésianisme, l’Etat-providence, le social-libéralisme et la social-démocratie. Elle attache une grande importance aux recompositions de la classe ouvrière à travers les significations des nouvelles luttes ouvrières, comme le soulignent de très nombreux travaux dont ceux de Daniel Mothé, Serge Mallet, Emma Goldschmidt. Elle ouvre de nouvelles perspectives avec le repositionnement des paysans-travailleurs par Bernard Lambert. Elle s’enrichit des analyses de la nature de l’Etat, avec notamment Pierre Naville. En Italie, une production d’idées impressionnante fleurit, avec notamment le journal Il Manifesto créé par Luciana Castellina, Lucio Magri et Rossana Rossanda.

Cette critique met en cause la civilisation technicienne, le productivisme, la société de consommation.

La révision du marxisme, particulièrement occidental, se nourrit de la critique du stalinisme et des dérives du soviétisme. Elle a été relancée par la rupture sino-soviétique et les explorations nombreuses, notamment cubaine et vietnamienne. Les analyses du totalitarisme et de la bureaucratie s’affinent. Elle est portée par les intellectuels tchèques et polonais et quelques grandes voix soviétiques, dont Sakharov. A Belgrade, Milovan Djilas tente une analyse de classe du communisme réel. L’analyse des capitalismes d’Etat ou de parti sont débattus par Charles Bettelheim et Paul Sweezy. Aux Etats-Unis, plusieurs économistes, dont Harry Magdoff, décryptent l’impérialisme américain.

La révision du marxisme est aussi à l’œuvre dans les pays décolonisés, sur le système international et les nouveaux régimes. Samir Amin et André Gunder Frank revisitent l’espace, mondial, et le temps, long, du capitalisme. Aux Etats-Unis, Immanuel Wallerstein analyse le capitalisme historique et travaille avec Fernand Braudel, George Duby et bien d’autres à la refondation de la méthode historique de l’Ecole des Annales.

Une démarche deviendra une évidence de Mai 68, la nécessité d’une pensée unitaire du totalitarisme bureaucratique et des sociétés occidentales qui s’affichent libérales. Elle a été travaillée de 1949 à 1967 par Socialisme ou Barbarie, et notamment Cornelius Castoriadis, Claude Lefort et Jean François Lyotard, et par la revue Arguments, créée notamment par Edgar Morin et Kostas Axelos. La critique unitaire des deux types de régimes, élargie aux nouveaux Etats décolonisés, a montré au-delà de leurs différences, l’unité du capitalisme privé et des systèmes bureaucratiques et de leurs modèles de développement.

Ils ouvriront aussi quelques pistes qui seront reprises en Mai 68, celle des libertés, de la créativité et de l’autogestion ouverte. Cette discussion n’est pas un long fleuve tranquille, elle est pleine de passions et de déchirements. Elle se décline en une multitude de courants ennemis, hétérodoxes, trotskistes et maoïstes divers, guévaristes, libertaires et situationnistes, réformistes radicaux, … qui ferrailleront avec ferveur sur l’analyse de la période, les stratégies de conquête du pouvoir, la construction du socialisme.

Le marxisme reste une question d’actualité. Au 19ème siècle, le marxisme avait réussi à jeter un pont entre la pensée scientifique dans ses différents développements et le mouvement social alors résumé dans le mouvement ouvrier. Le dogmatisme a rompu ce lien. Et pourtant, c’est à partir du marxisme que se fait le renouvellement. Immanuel Wallerstein avance que, comme la pensée scolastique est sortie du christianisme à partir du langage de l’Eglise, le dépassement du marxisme se fera dans le langage du marxisme qui s’est imposé comme la clé de compréhension de l’évolution des sociétés.

Le structuralisme a pris la suite de l’existentialisme qui continue à cheminer. Sartre a pesé sur la culture du mouvement et s’est retrouvé pleinement dans les suites de Mai 68 ; il a, parmi bien des apports, transmis au mouvement sa référence aux situations et à la liberté situationnelle. Simone de Beauvoir va être un repère dans de nombreux domaines ; particulièrement, mais pas seulement, pour la nouvelle génération du féminisme. Sa parole retrouve une nouvelle jeunesse avec la découverte du Deuxième Sexe, écrit en 1949, par les nouvelles générations de jeunes femmes et hommes, qui saisissent toute la portée de la tranquille et pénétrante affirmation : on ne naît pas femme, on le devient.

Le structuralisme a renouvelé et exploré les sciences sociales. L’économie politique a été bouleversée à travers le magistère d’Althusser à commencer par Lire le Capital, avec notamment Etienne Balibar et avec l’Ecole de la Régulation ; l’anthropologie structurale, à la suite de Claude Lévi Strauss, avec Emmanuel Terray et Claude Meillassoux et tant d’autres ; la sociologie avec Bourdieu et Passeron (Les Héritiers en 1964 et la Reproduction en 1970) ; la psychanalyse avec le magistère de Lacan et de l’Ecole Freudienne. Dans le chambardement général des disciplines, notons-en quelques unes en situation stratégique : les sciences du droit, confrontées à l’ouragan libertaire ; les sciences de l’éducation qui sont dans l’œil du cyclone et que travaille le renouveau de la linguistique avec notamment Noam Chomsky et Umberto Eco.

Mai 68 va achever le pont entre le marxisme et le continent de la psychanalyse. Herbert Marcuse jouera un rôle éminent par ses travaux sur Freud ; Eros et civilisation date de 1955 et l’Homme Unidimensionnel de 1964. Il affirme « la possibilité d’un développement non répressif de la libido, dans les conditions d’une civilisation arrivée à maturité ». Il assure une certaine continuité avec l’Ecole de Francfort, son influence est grande sur l’extrême gauche allemande, directement et à travers Rudi Dutschke ; il est présent sur tous les fronts qui bougent. Il faut aussi rappeler la redécouverte de William Reich, et les rééditions de La fonction de l’orgasme (première édition 1927) et de La psychologie de masse du fascisme (première édition 1934).
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