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La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

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Personne à contacter La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:07

Rappel du premier message :

Quarante ans de répression impunie en Algérie, 1962 - 2001

" La violence actuelle est entretenue par des forces qui n'ont pas intérêt que la société s'organise pour défendre ses droits, c'est une façon d'exercer l'hégémonie par le désordre, donc une atteinte au droit fondamental de l'homme de vivre en société. "
Hocine Zahouane

" Un militaire sans conscience politique n'est qu'un criminel en puissance ".
Thomas Sankara


La violence politique en Algérie n'a pas débuté, contrairement à ce qui est admis, au lendemain de l'indépendance, mais bel et bien durant la guerre de libération nationale. Les liquidations physiques et la terreur comme moyens de gestion politique avaient fait déjà leur apparition dans les camps de l'armée des frontières et au sein des maquis. De nombreux responsables politiques et militaires ont été assassinés par leurs propres frères (Abane Ramdane, Abdelmoumène, Abbas Laghrour, Ali Mellah, Abbas Lamouri, Cheriet Lazhari, Chihani Bachir, Abdelkrim Soufi, Hadj Ali, colonel Boucif, capitaine Yamani, capitaine Zoubir.....). D'autres responsables politiques seront menacés et éloignés des centres de décision alors que la guerre de libération avait besoin de tous. Et ceux qui avaient liquidé ces hommes libres seront les mêmes qui confisqueront l'indépendance en 1962. Et ce sont leurs reliques qui donneront l'ordre de tirer sur des enfants en octobre 88 et qui mèneront une guerre sans merci contre une grande partie de leur peuple à partir de 1992.

Benyoucef Ben Khedda, président du GPRA, en butte, avant et après l'indépendance, aux intrigues des imposteurs des frontières, les dénoncera clairement en août 1962 : " Certains officiers qui ont vécu à l'extérieur, n'ont pas connu la guerre révolutionnaire comme leurs frères du maquis, guerre basée essentiellement sur le peuple. Ces officiers qui sont restés, pendant la durée de la guerre, aux frontières tunisienne et marocaine, ont souvent tendance à ne compter que sur la force des armes. Cette conception dangereuse conduit à sous-estimer le rôle du peuple voire à le mépriser et crée le danger de voir naître une féodalité ou une caste militariste, telle qu'il en existe dans certains pays sous-développés, notamment en Amérique latine ".(1) Des paroles prophétiques qui deviendront réalité quelques années plus tard !

Insidieusement, silencieusement, se mettait en place une politique répressive pour museler un peuple en mal de liberté et réduire à néant toute velléité d'émancipation. La liberté de s'exprimer ou de s'organiser, assimilée à de la subversion, était devenue au nom de la "révolution ", HARAM ! (illicite)

La tristement célèbre sécurité militaire, formée à l'école du KGB (promotion "tapis rouge " des années 60), véritable colonne vertébrale du régime, constituera le fer de lance de cette répression pour réduire dès l'indépendance, un peuple qui venait de sortir d'une guerre coloniale particulièrement meurtrière, au silence absolu. Pendant des décennies, la seule évocation des deux lettres S.M suffisait à provoquer une peur panique chez nos concitoyens.
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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:21

Les cellules se présentaient sous forme de puits, situées au bord des passages. De véritables monstres aux gueules béantes qui avalaient dans leurs ténèbres et chaque jour, des êtres humains, avec leur chair, leur sang et leurs esprits (…)
(…) Le gardien m'ôta le bandage que j'avais sur les yeux et me poussa avec la crosse de son arme dans la cellule. Je n'ai pas pu me contrôler et je suis tombé à terre. Je ne m'étais pas rendu compte que le niveau de la cellule était plus bas que celui de la porte. (…).

(…) Au matin du 27 septembre 1968 et aux environs de 19 heures, les geôliers ouvrirent la porte de ma tombe terrifiante et me lancèrent à haute voix : " rampes pour sortir de la cellule ". Je me suis mis effectivement à ramper et j'ai pu difficilement me hisser au niveau du passage où j'ai trouvé une armada de gardiens qui étaient en réalité des agents de la sécurité militaire, comme je l'ai su par la suite. Ils me jetèrent dans un véhicule pour prendre la direction de la capitale. Mais avant de nous rendre à la prison, les agents firent plusieurs tours dans les rues de la ville, alors que j'avais les yeux bandés, pour ne pas pouvoir reconnaître les lieux. J'ai failli vomir de faim, de fatigue et à force de tourner dans ces ténèbres. Et finalement la voiture qui dégageait de mauvaises odeurs s'arrêta et mes geôliers m'emmenèrent vers un nouveau cachot de pierres. …En entrant, le chef me dit : " Tu es maintenant entre des mains sûres. Tu es avec des agents de la sûreté nationale. Nous t'avons ramené vers la capitale pour poursuivre les investigations avec toi car le premier interrogatoire n'était pas concluant ".

C'est ainsi que commença une nouvelle étape avec les tortionnaires et l'interrogatoire. Des milliers de questions sortaient de leurs bouches jour et nuit, chacun prenant le relais de l'autre pour m'interroger. Puis c'était tout un groupe qui me questionnait en même temps. Les questions s'enchevêtraient (…)
(…) J'étais alors convaincu que ces tortionnaires étaient des malades mentaux, leur seul souci est de jouir des supplices qu'ils faisaient subir aux prisonniers. (…)
(…) Les tortionnaires contemplaient les séquelles de blessures sur mon corps contractées durant la grande guerre de libération, lorsque nous affrontions le féroce ennemi colonial, poitrines et pieds nus. Ils regardaient les cicatrices des orifices de balles, éteignaient dessus leurs mégots de cigarettes et les trituraient avec des barres métalliques chauffées, tout en s'interrogeant avec ironie : " s'agit-il vraiment de cicatrices de balles de l'ennemi ou de morsures de chiens ? ". Un autre ajoutait : " effectivement, il s'agit bien de séquelles de morsures ici ". Un troisième s'interrogeait : " est-ce que vraiment le moudjahid était courageux et affrontait les canons et les tirs de mitraillettes….Montres-nous ta bravoure ! " Et leurs ongles s'enfonçaient sauvagement dans mon corps, déchirant les cicatrices de mes anciennes plaies.

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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:21

Mes tortionnaires ne désespéraient pas de me vaincre psychologiquement. Ils eurent recours à une nouvelle méthode qui leur permettait de se reposer un peu avant de reprendre d'autres séances d'interrogatoires. Ils attachaient mes poignets avec des menottes au plafond et me laissaient suspendu, les pieds pendants. Je restais dans cette position un bout de temps, au point de sentir mes os se désarticuler les uns des autres. Un tortionnaire me mettait un cours instant une chaise sous les pieds, permettant à mon corps de se soulager. Puis soudainement, il l'enlevait. Je me sentais alors plongeant dans un ravin profond (…).

(…) Alors que j'étais dans les ténèbres de ma cellule, j'ai entendu frapper à ma porte puis le bruit de clés et la voix du geôlier qui s'élevait en disant : " Prends tes affaires et soit prêt pour sortir. Tu viens d'être amnistié… le procureur t'attend… ". Je lui ai alors dit, tout en ramassant mes maigres affaires : " En quelle occasion, le pouvoir m'a amnistié ? ". Il me répondit d'une manière ferme pour éviter de prolonger la discussion avec moi : " Ne sais-tu pas que cette nuit est celle du 1er novembre 1968 ? ". Je sortis de la cellule vers la grande salle, mains et pieds enchaînés, avançant entre deux rangées de gardiens qui surveillaient les nombreuses cellules aux portes métalliques. ….Nous entendîmes des coups de feu et des youyous de femmes à l'extérieur. Les geôliers se mirent à me faire plusieurs tours puis me descendirent à travers des escaliers en pierre pour aboutir à un passage. Avant même de me mettre debout, un gardien me poussa vers une porte métallique et son collègue me surpris de derrière d'un violent coup de pied. J'ai failli tomber à terre et je me suis alors retrouvé dans une autre cellule… J'ai été accueilli par un vent froid et je commençais à connaître les contours de ma nouvelle cellule que m'avaient offerts mes geôliers en cette nuit grandiose du 1er novembre. …Je découvrais qu'il s'agissait d'un vaste WC construit pour les besoins de toute la prison ! ?

(…) J'étais profondément épuisé. Je ne pouvais supporter mon corps de par sa maigreur et les séquelles des plaies dues aux tortures, quand soudain vint se dresser devant moi, un gros rat, au regard perçant. J'ai essayé de le chasser avec mon broc, mais je craignais que ce dernier tombe dans la fosse. Puis avec un pan de mes vêtements, j'ai pu le faire reculer. Il disparut dans le trou de la fosse, poussant des cris de protestation probablement contre ma présence sur son territoire. Je fus rassuré momentanément de sa disparition. Il ne tarda pas à revenir avec une armée d'autres rats. J'ai reculé, effrayé, m'appuyant sur le mur, tout en puisant toutes les forces qui me restaient pour affronter les rats de la prison. Et je me suis souvenu que nous étions la nuit du 1er novembre ! Je me suis aussi souvenu de mon enfance dans mon village tranquille et paisible quand je pêchais avec mes proches, des poissons dans les oueds et les ruisseaux…. et chassais les oiseaux multicolores dans la forêt. Puis je me suis souvenu de ma tendre jeunesse quand je participais avec les héroïques moudjahidines à la chasse de l'ennemi et à leur poursuite en tous lieux sur notre vaste terre sacrée. Mais après toute cette époque riche en faits et en victoires, je me retrouve aujourd'hui prisonnier, entre quatre murs, dans les profondeurs de la terre……cerné par des rats, la nuit du 1er novembre ! ! ! ! (…).

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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:22

Année 1970.
Octobre. Assassinat de Krim Belkacem, membre fondateur du FLN, ministre des Affaires Etrangères du GPRA et signataire des accords d'Evian. Témoignage de Hocine Aït Ahmed sur la mort de Krim et sur les techniques "d'approche " des opposants par la sinistre police politique (SM). Extraits. (5)

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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:23

C'est dans sa chambre d'hôtel à Francfort que Krim Belkacem fut étranglé avec sa propre cravate. Il n'a été découvert qu'après plus de vingt-quatre heures par le personnel de l'établissement. A l'évidence, le forfait ne pouvait être perpétré que par un familier de la victime. La police allemande a fait son travail ; les tueurs lui avaient d'ailleurs facilité la tâche. N'avaient-ils pas laissé des documents compromettants dans une serviette abandonnée à la consigne de l'aéroport ? On a su ainsi qu'ils étaient au nombre de trois dont le commandant H'mida Aït Mesbah, chef du service opérationnel de la Sécurité Militaire (SM) et qui sera décoré….lors des cérémonies du trentième anniversaire de la révolution, le 1er novembre 1984 !

Je peux révéler aujourd'hui que le malheureux Krim était tombé dans un guet-apens. Voici les faits : la SM avait mis au point un scénario de coup d'Etat et lui avait proposé d'en prendre la tête. Pour les besoins de la cause, Aït Mesbah, qui connaissait bien Krim depuis la guerre, s'était converti à l'opposition. Tout était fin prêt pour la prise du pouvoir, avait-il expliqué à Krim. La proclamation annonçant la chute de Boumediene était même enregistrée. Un gouvernement était constitué : autour de Krim, président de la République, siégeait Aït Mesbah à l'Intérieur ; Mouloud Kaouane, personnage peu recommandable, écopait de la…Justice ; la Défense revenait au colonel Mohamed Salah Yahiaoui, mais on avait omis de le consulter….

C'est d'abord en France que le complot, c'est-à-dire l "assassinat de Krim, devait se dérouler. Il était question de faire disparaître le corps dans une villa louée à cette occasion en Provence. J'ai des raisons de penser que la police française en avait eu vent ; Krim s'est vu interdire de séjourner sur le territoire français sans autorisation préalable. Les préparatifs du coup d'Etat se sont transposés ailleurs et c'est ainsi que le rendez-vous fatal eut lieu à Francfort.

Comment Krim, qui n'était pas né de la dernière pluie a-t-il pu se faire avoir de la sorte ? La question se pose d'autant plus qu'il était expressément informé de la finalité réelle de la conspiration à laquelle il avait accepté de participer. Il était très précisément affranchi sur le rôle confié à Aït Mesbah. Là-dessus, je n'ai aucun doute pour la bonne raison que je l'ai moi-même mis en garde.

On comprendra sans mal que je ne puisse pas dévoiler mes sources. En revanche, je peux dire que c'est par le truchement d'un haut fonctionnaire suisse aujourd'hui à la retraite que je m'étais empressé de communiquer à Krim Belkacem ce que je savais de l'attentat qui se tramait contre lui, et cela plusieurs semaines avant son exécution. (…)

(…) Il convient d'ajouter toutefois que Krim n'était pas le seul visé. Environ un an avant que Krim soit "approché ", j'ai eu droit à la sollicitude des agents de la SM, déguisés en opposants purs et durs. Le piège dans lequel est tombé Krim était exactement identique à celui qui m'était tendu. A croire que la SM manque d'imagination…

Aït Mesbah, flanqué de deux compères, était venu en Suisse pour me proposer d'être la figure de proue du coup d'Etat avant d'être nommé président de la République. Bien entendu, il avait commencé par instruire le procès de Boumediene et de son régime ; il m'avait longuement expliqué comment le mécontentement dans le pays et l'armée avait atteint les limites de l'intolérable. Aït Mesbah ne dissimulait pas ses fonctions au sein de la SM. Mieux : c'est en tant que chef du service opérationnel disposant d'une force de frappe décisive qu'il m'entretenait. D'ailleurs, suprême habilité, il ne me demandait rien, sinon de donner mon assentiment à l'opération. En clair, il m'offrait le pouvoir sur un plateau d'argent.

J'ai décliné son offre en disant que j'étais par principe hostile à toute opération de ce genre. (…)
(…) Mais notre barbouze ne s'est pas estimé vaincu pour autant. Il est revenu obstinément à la charge, mais j'ai refusé tout aussi obstinément de le rencontrer. Il a continué à m'envoyer assidûment des rapports relatant ses efforts pour élargir l'implantation du FFS en Algérie. De guerre lasse, il a fini par lâcher prise. Plus exactement par changer de cible.

Toujours est-il que lorsque j'ai appris que le même individu avait pris langue avec Krim, j'ai éprouvé aussitôt les pires appréhensions, lesquelles, hélas, n'étaient pas infondées.

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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:29

Année 1971.
diffusé en avril 1971 par le parti communiste algérien (Parti de l'avant-garde socialiste d'Algérie, PAGS) faisant état de tortures et de harcèlements de ses militants par le régime du colonel Boukharouba.



Extraits d'un tract diffusé :Un document sur la torture dans l'Algérie indépendante (1971)
voir le lien suivant:http://www.algeria-watch.de/farticle/docu/pags_torture.htm

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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:32

Ce n'est pas la première fois que la famille de notre camarade Benzine est l'objet de ces méthodes ignobles : perquisition, arme au poing, en 1966 ; interrogatoires de Mme Benzine par la P.R.G. en mars dernier assortis de chantage à l'expulsion ; provocations, filatures, etc.…

Rappelons aussi qu'en janvier dernier les femmes de nos camarades Sadek Hadjerès et Boualem Khalfa ont fait l'objet de multiples menaces, proférés par téléphone, d'enlèvement de leurs enfants. De même le fils de notre camarade Bachir Hadj Ali a été enlevé, battu, séquestré et menacé d'être abattu en janvier également.
Ces faits montrent non seulement que la torture n'a pas reculé en Algérie, mais qu'elle s'est même aggravée au point que les tortionnaires s'attaquent aux familles de militants et torturent leurs enfants !

Les raisons en sont évidentes : aucune mesure n'a été prise pour juguler cette plaie qui demeure la honte de notre pays. Notre parti n'a cessé depuis des années de dénoncer la torture et les tortionnaires, les illégalités et les crimes contre la dignité de l'homme.

La publication de " L'Arbitraire " (récit de tortures subies par notre camarade Bachir Hadj Ali après son arrestation en septembre 1965) et des " Torturés d'El Harrach " (copies des plaintes déposées pour tortures par de nombreux militants de notre Parti arrêtés également à la même époque) n'ont pas arrêté la main des tortionnaires. Aucune plainte pour torture n'a jamais été instruite par les tribunaux. Les tortionnaires de 1965 sont toujours là. Certains ont bénéficié de promotions.

C'est le même Belhamza dénoncé dans le récit de Hadj Ali qui a torturé en juillet-août 1968 Nacer Djelloul et Djamal Labidi, membres du comité exécutif de l'Union Nationale des Etudiants Algériens, ainsi que Mohamed Téguia, ancien député, ancien officier de l'ALN et invalide de guerre. Ce dernier, atteint de graves troubles nerveux à la suite des tortures, fait l'objet encore de soins à l'heure actuelle.

On ne torture pas seulement à la Sécurité Militaire, mais dans tous les services de police, à la PRG (police politique), à la gendarmerie et même dans les commissariats. Que ce soit à Alger, à Oran, à Rouiba (en décembre 1967), à Constantine, à Sétif ou ailleurs, la plupart de nos camarades ou des étudiants arrêtés ont subi de graves sévices que nous avons dénoncés en leur temps. Dans la " Voix du Peuple " n° 35 du 7 juillet 1970 nous signalions le cas d'un ouvrier de Ain Témouchent, père de 7 enfants, torturé à mort parce que soupçonné de vol, alors que l'enquête a établi par la suite qu'il était innocent.

Les épouses et les jeunes filles ne sont pas à l'abri de méthodes encore plus ignobles. En 1968, dans les locaux de la " Sécurité Militaire " à Alger, les femmes de Nacer Djelloul et Djamel Labidi ont été menacées devant leurs maris d'être violées et on a poussé l'ignominie jusqu'à commencer à les déshabiller. En janvier des étudiantes ont été menacées d'être violées " de toutes les façons possibles " si elles ne parlaient pas. Et effectivement, un policier entrait dans le local d'interrogatoire et commençait à se déshabiller !

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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:34

La torture n'est pas seule en cause. En fait, et malgré les déclarations officielles sur la sécurité retrouvée et l'égalité des citoyens devant la justice, la violation des droits et libertés individuelles est constante. Les arrestations opérées sans mandat, de jour comme de nuit, sont de véritables enlèvements. Les gardes à vue durant des semaines sinon des mois durant lesquelles les familles demeurent sans aucune nouvelle. Ce sont des séquestrations pures et simples. Les personnes arrêtées sont emmenées avec un bandeau sur les yeux. On les menace des pires sévices si elles racontent ce qui s'est passé dans les locaux de police. On essaie par le chantage et les pressions de transformer les militants progressistes en indicateurs. Les juges signent les mandats de dépôt sur ordre : des progressistes ont fait des années de prison sans jugement parce qu'on a trouvé quelques tracts du PAGS à leur domicile. Au nom du FLN, Kaid Ahmed organise des groupes armés pour kidnapper et torturer les étudiants. Certains services de police vont jusqu'à interdire aux inculpés présentés au Parquet de choisir tel ou tel avocat. L'ordre des avocats se tait. La justice entérine les illégalités. La presse officielle parle tous les jours de la torture au Brésil, en Grèce, au Portugal, mais fait le silence sur la répression en Algérie. Aucune arrestation n'est jamais rendue publique.

(...) En tout état de cause l'attention du Président Boumediène a été à plusieurs reprises attirée sur le danger de cette situation., notamment dans la lettre que le PAGS lui a adressée en Septembre 1968. Nous écrivions dans cette lettre à propos de l'arrestation de dizaines de nos militants en juillet 1968 :
… "Un grand nombre de ces hommes et de ces femmes ont été malheureusement et une fois de plus, odieusement torturés. On a fait violence à leur dignité d'hommes et de citoyens algériens. On s'est efforcé de les humilier pour des opinions dont ils ne peuvent être que fiers. C'est là une constatation amère dans notre pays où la torture est maudite par la conscience populaire. Pourquoi ne pas appliquer en priorité aux citoyens de notre pays les règles élémentaires de respect de la personne humaine dont l'Algérie s'honore de faire bénéficier - à juste titre - des ressortissants étrangers comme les occupants du Boeing d'un pays avec qui l'Algérie est officiellement en guerre ? "
Plus récemment, notre camarade Boualem Khalfa a adressé une lettre au Président Boumediène à propos des menaces d'enlèvement de sa petite fille et des enfants de Sadek Hadjerès, en attirant son attention sur le fait que ces méthodes n'étaient que le fruit pourri d'un climat répressif où la police se permet toutes les illégalités même les plus graves. De même, en mars dernier Mme Benzine a adressé une lettre au Président Boumediène pour lui demander d'intervenir pour faire cesser les interrogatoires illégaux et le chantage dont elle était l'objet.
C'est dire que personne n'ignore, y compris la plus haute autorité de l'Etat, que la torture existe dans notre pays, que l'arbitraire est la loi commune. Le fait que cette campagne répressive se soit encore aggravée dans la dernière période montre à l'évidence que l'objectif visé est de démanteler le PAGS à tout prix et par n'importe quel moyen en arrêtant notamment ses principaux dirigeants connus pour leurs activités patriotiques pendant la guerre de libération et contraints depuis six ans, à mener clandestinement leur lutte anti-impérialiste et anti-réactionnaire. (…)
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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:35

Année 1975.
Mohamed Haroun et Mohamed Ou-Ismaïl Medjeber sont deux militants pour la culture tamazight. La police politique (sécurité militaire) les accusera le 25 décembre 1975 d'avoir préparé un attentat contre les locaux du quotidien El Moudjahid. Arrêtés et atrocement torturés, ils seront condamnés respectivement à la perpétuité et à la peine capitale par le tribunal d'exception de Médéa (cour de sûreté de l'Etat).
Dans une lettre adressée au colonel Bendjedid, avec copie aux organisations des droits de l'homme, la mère de Medjeber raconte les sévices vécus par ces deux malheureux citoyens. (9)
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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:36

Villetaneuve le 25 mai 1986

A Monsieur le président de la République
Présidence de la République.
Alger. Algérie.

Objet : Droits de l'Homme en Algérie.

Monsieur le Président,
Il me parait, en tant que mère et citoyenne, indispensable plus qu'opportun, par référence à vos récentes déclarations quant au respect rigoureux et indéniable selon vous des droits de l'Homme en Algérie, de témoigner de l'expérience horrible vécue par mon fils Medjeber Mohamed-Ou-Smaïl et son camarade Haroun Mohamed, condamnés par la Cour de Sûreté de l'Etat à la peine capitale et à la réclusion perpétuelle le 4 mars 1976.

Dès leur arrestation par la Sécurité militaire, suite aux vibrations violentes de janvier 1976, émanant principalement et sensiblement, du manque de respect - pour la culture berbère, substance particulière et essentielle à l'équilibre de son propre milieu, voire du monde, et pour sa volonté de vivre librement, de se développer et de fleurir ses qualités spécifiques -, mon fils et son camarade, parmi d'autres, instruments et victimes de cette violence, ont été soumis à d'horribles tortures :
- Electrochocs sur les parties sensibles de son corps nu, coups de poing et de pieds "karaté " jusqu'au sang, déformation de la mâchoire inférieure qui a nécessité son transfert urgent à l'hôpital militaire Maillot d'Alger, pour le cas de mon fils.
- Flagellation par tuyau en caoutchouc jusqu'à l'ouverture de la chair de son ventre qui sera arrosée d'eau et saupoudrée de sel puis soumis aux électrochocs, pieds et mains liés à une chaîne, dans le cas de Mohamed Haroun.
Entre autres sévices physiques et mentaux indélébiles, traumatisants.

Dix ans après, mon fils, un asthmatique à qui vous refusez une grâce médicale prescrite expressément et dûment par un expert médical légiste, présente en son menton une stigmate visible de torture. Quant au malheureux Haroun Mohamed, un fils de Martyr de la révolution algérienne qui, en outre, a perdu sa mère au retour d'un parloir, en 1977, il est à la sinistre centrale de Lambèse, devenu une loque humaine conséquemment à un "traitement psychiatrique " et à de longues grèves de la faim, grèves motivées par des conditions inhumaines de détention. Dans son isolement cellulaire total, il sombre de jour en jour dans la schizophrénie. Vous lui refusez jusqu'au bénéfice de l'élargissement accordé aux enfants des Martyrs en novembre 1984.

Votre souci récemment affirmé du respect des droits de l'homme en Algérie ne vous honorerait que si d'ores et déjà vous mettez fin à la sauvage répression que subissent depuis plus de 10 ans mon fils et son camarade.

Dans l'ardent espoir que l'appel angoissé et pressant d'une mère sera enfin entendu, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma très haute et très respectueuse considération.
Madame Medjeber Fatima.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:36

Année 1976.
En mars de cette année, quatre militants du mouvement national (Ferhat Abbas, Hocine Lahouel, Benyoucef Benkhedda et Mohamed Kheireddine) signaient un appel au peuple algérien, dénonçant les dérives du pouvoir personnel du colonel Boukharouba et les risques d'une guerre fratricide avec nos voisins marocains. Crime de lèse-Majesté ! La réponse ne se fit pas attendre. Ces quatre hommes politiques seront assignés à résidence et leurs biens confisqués. Ferhat Abbas témoigne. (3)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:37

Le 10 mars 1976, à 7h 30, la police frappa de nouveau à ma porte. C'était le commissaire de police de Kouba, accompagné de deux policiers en civil. Il venait me signifier que j'étais placé en résidence surveillée dans ma propre villa. Il m'informa que mon téléphone allait être coupé et que toute visite était interdite, à l'exception de celle des membres de ma famille. Je lui demandai s'il avait un mandat motivant cette mesure. Il n'avait rien. Je lui remis alors une protestation écrite dans laquelle je m'élevais contre ce procédé arbitraire qui portait atteinte à ma liberté sans qu'aucune accusation officielle ne soit portée à ma connaissance. Cette fois-ci, l'Algérie vivait sous la férule du colonel Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharouba. Une semaine plus tard, j'appris que ma pharmacie était confisquée et mon compte en banque bloqué. Boumediene ne s'inquiéta nullement de savoir si j'avais les moyens de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. Heureusement des amis m'apportèrent leur aide.

Cette situation dura jusqu'au 13 juin 1977. Ce jour-là, à 22 heures, un inspecteur de police vint m'informer que la surveillance policière autour de ma demeure était levée et que je pouvais circuler librement en Algérie. Mon passeport ne me fut rendu qu'après la mort de Boumediène, survenue le 28 décembre 1978. Quant à ma pharmacie, elle ne me sera restituée qu'en janvier 1982.

J'ai supporté cet arbitraire sans me plaindre. Je le considérais, dans le régime sous lequel nous vivions, comme étant dans la nature des choses. L'Algérie toute entière n'était-elle pas soumise au bon plaisir du pouvoir personnel et prisonnière de l'autoritarisme ? Lorsque le pouvoir ne repose sur aucune légalité et encore moins sur la légitimité, ces excès sont prévisibles.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:39

Année 1978.
Mohamed Benyahia est un ancien officier de l'armée de libération nationale (wilaya III). Victime de multiples tracasseries de la part des barons de la corruption du pouvoir militaire en place, il décide d'organiser un maquis et de s'opposer par les armes au régime du colonel Boukharouba. Son groupe est précocement infiltré par la sécurité militaire qui pilote de bout en bout un parachutage d'armes dans la région du Cap Sigli. C'est le fameux complot du même nom qui tombera à point nommé à un moment où les différents clans du système se disputaient la succession de Boukharouba, agonisant sur son lit d'hôpital. Témoignage de feu Mohamed Benyahia. (10)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:42

" Haut les mains ! ". Les portes avant de ma "404 " s'ouvrent et laissent passer des bras qui nous tirent violemment, le conducteur et moi. On nous pousse dans une voiture qui démarre aussitôt. On me planque au plancher, la tête recouverte de mon burnous afin que je ne puisse distinguer, ni la direction que nous prenions, ni l'endroit où nous allions. C'était des éléments de la sécurité militaire qui nous avaient suivis depuis notre départ de mon domicile. (…)

(…) La voiture s'arrête ; on me fait descendre dans un hall bien éclairé. Au bout d'un long couloir, se trouve une pièce où se tiennent une dizaine d'hommes en treillis, armés de mitraillettes. Assis derrière un bureau, un civil m'ordonne de vider mes poches et de tout mettre sur le bureau. On me fait ensuite passer dans une autre chambre où l'on m'oblige à me déshabiller. On me donne un vieux treillis et, en guise de chaussures, des claquettes en caoutchouc. Puis on me conduit dans un couloir. On me jette dans la cellule n° 10 (…)
(…) La sécurité militaire, service au dessus des lois, a une nouvelle victime à son actif.
(…) J'y suis depuis moins d'une heure quand commence mon interrogatoire.
- Sais-tu pourquoi es-tu là ?
- Non.
- Eh bien, je vais tout te dire, dans ton intérêt et pour que les choses se passent au mieux entre nous. Je vais d'abord te montrer les photocopies des lettres adressées par Ferhat Abbas aux autorités marocaines afin que tu saches que nous sommes au courant de tout. C'est nous qui avons organisé le premier départ de votre émissaire Bouarroudj au Maroc.
Je reste pantois. Tout le montage que j'ai échafaudé pour trouver une porte de sortie est anéanti. Pour gagner du temps et procéder à un autre montage, je commence à discourir sur la situation néfaste et sur les injustices commises contre le peuple algérien. Le commandant Aït Mesbah écoute sans m'interrompre l'acte d'accusation, puis me dit :
- Vas te reposer et nous reprendrons cela plus tard.
Je repars vers ma cellule, entre deux gardes. A peine suis-je allongé que des pas résonnent. La porte s'ouvre et un garde me fait signe de sortir. Cette fois, on me conduit dans une chambre. Il y avait deux lits et un téléphone. On m'ordonne d'occuper un lit et de répondre à tous les appels.

Dès le matin, le téléphone sonne. C'est la voix de ma femme. Elle pousse un "ouf" de soulagement. Elle me téléphonait de l'école dont elle était la directrice. Une demi-heure plus tard, elle me retéléphone, inquiète :
- Mais où donc es-tu ? Je suis à la maison, et ne te trouvant pas, j'ai composé notre propre numéro et voilà que tu me réponds.
Je lui dis de ne pas s'inquiéter. Le garde qui occupe le lit d'en face et surveille ma conversation, m'ordonne de couper.
Sur ordre de la sécurité militaire, les PTT détournaient les appels. Mon numéro était sur table d'écoute. Ainsi la sécurité militaire suivant dans ses locaux toutes mes conversations. (…)
(…) Je suis dans la cellule n° 10 depuis un instant, quand on me conduit dans une pièce insonorisée où se trouvait un homme qui se présente comme étant le lieutenant Djillali. Ce lieutenant avait une façon particulière de mener un interrogatoire. Il posait une question pour immédiatement faire une digression et raconter sa vie et sa participation, qu'il faisait remonter à 1954, à la révolution. En réalité - je le saurai plus tard - il avait appartenu à l'armée coloniale. Recruté en 1962, il avait obtenu le grade de lieutenant après de basses besognes pour le compte du régime et de ses chefs.
Je reste cloué sur la chaise le restant de la nuit, la journée du lendemain, encore la nuit et le surlendemain jusqu'à 14 heures avec, pour seul aliment, un café de temps à autre. Je perds la notion du temps. (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:43

(…) Il refait le procès-verbal, y change quelques phrases que le commandant Aït Mesbah n'aurait pas comprises.
- Il n'a pas été longtemps à l'école, me dit le lieutenant Djilali.
Ses comptes réglés avec son supérieur, il me parle du sort qui m'attend :
- Il ne faut te faire aucune illusion. Tu seras fusillé. Juste le temps de mettre au clair ce procès-verbal et la sentence sera exécutée.
- Que la volonté de Dieu soit faite! On exécute donc des gens sans procès, sans même les traduire devant une quelconque juridiction ? On tue donc les gens sans même les entendre sur le fond des choses ?
Il sourit :
- Mon ami, pour moins que ça, il y a des gens qui ont disparu à jamais. (…)
(…) Le lendemain, je me réveille tout seul. J'ai le coeur léger. Assis sur ma couche, je songe à ma situation et j'implore le Tout-Puissant :
- O Dieu très grand, aide-moi, tire-moi des mains de ces païens qui sont tes ennemis. Mais si Ta volonté est que leurs désirs soient accomplis, donne-moi, au moins, le courage de mourir debout, en brave, afin que les miens n'aient pas à rougir de moi.
Je croyais l'interrogatoire terminé et j'attendais que mon sort soit fixé. Voilà que la porte s'ouvre. On me conduit au bureau habituel. Quatre hommes s'y tiennent. Leur chef m'ordonne de me déshabiller. Je m'exécute. Aussitôt, on braque sur moi un projecteur. Le chef me lance une bordée d'injures. Tout y passe, mes parents…et le reste. Il s'approche :
- Avec moi, on ne badine pas. Tu diras toute la vérité ou alors tu ne sortiras pas d'ici vivant.
Il joint le geste à la parole, me donne un coup de poing sur l'oreille gauche et un coup de coude à hauteur de la rate. Je le fixe sans mot dire. La chaleur envahit mon visage. Je n'ai pas encore repris mon souffle quand je le vois s'emparer d'une matraque qui était sur son bureau. Il m'assène un coup entre les jambes. Je sens mon ventre se déchirer et je tombe, sans un souffle. J'ai la vue brouillée. Dans un état de semi-conscience, j'entends son camarade lui dire :
- Tu es allé trop fort. S'il nous claque entre les doigts, je m'en lave les mains.
Les tortionnaires se transforment en secouristes. Ils me font asseoir, mais la tête me tourne. Dans un râle, je leur demande à m'allonger par terre. Ils acceptent et, après un temps, ils me remettent debout et me font faire des mouvements. Ils me donnent à boire et me passent de l'eau sur la figure. (…)
(…) Je subis de nouveaux interrogatoires. Cela n'en finissait plus ! Je finis par comprendre le but recherché. Ils veulent des aveux sans rapport avec les faits que l'on me reproche. Selon eux, je serais à la solde de l'impérialisme, j'entretiendrais des rapports avec des mercenaires tels Bob Denard dont je ne connaissais le nom que par la presse. Ils me parlent de Krim Belkacem, de ses "attaches " avec les services de renseignement israéliens (le Mossad), de mes prétendus rapports avec le SDEC, le Maroc, les Américains. (…).
(….) Un jour, j'entends des pleurs. Quelqu'un criait : "maman, maman ". Un moment, je crois qu'il s'agit de mon fils. Je frappe à la porte jusqu'à l'arrivée du gardien. Je le tance :
- Vous n'avez pas honte d'amener des enfants ici, mais qui êtes-vous donc ?
- C'est une jeune fille de vingt et un ans.
- Et qu'a-t-elle fait ?
- Je ne sais pas. C'est une étudiante et je crois qu'elle est impliquée dans les chahuts de la faculté.
Cette fille subira toutes sortes d'infamies de la part des gardiens. (…).
(…) Je me retrouve devant deux capitaines. Le procureur K…. et le juge d'instruction B….Le débat s'engage. A la demande du procureur, je brosse un tableau de mon affaire. Le juge d'instruction me demande de le suivre au deuxième étage.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:44

Mon interrogatoire commence en présence de deux lieutenants substituts du procureur et d'un sergent greffier installé devant une machine à écrire. Le procès-verbal rédigé par la sécurité militaire est assez volumineux : "Je pense qu'il n'y a pas lieu de tout relire ? " me dit le juge. Joignant le geste à la parole, il me montre le dossier. " Est-ce que vous êtes d'accord sur tout ce qu'il contient ? ". Ces mots sont dits sur un ton calme, mais le regard se veut inquisiteur. Je lui réponds que je réfute vivement les éléments du dossier imaginés par la sécurité militaire.
- Et pourtant, vous l'avez bien signé, me dit le juge.
- Oui, sous la menace et les tortures. Je pense que vous n'ignorez rien des méthodes de vos policiers. Je suis resté cent trente deux jours en garde à vue sans la visite d'un quelconque magistrat. J'étais abandonné au bon vouloir des enquêteurs que je remercie de ne m'avoir pas assassiné, car ils étaient les maîtres absolus et pouvaient disposer de ma vie comme bon leur semblait. (…)

Benyahia sera condamné par le tribunal d'exception de Médéa (dite Cour de sûreté de l'Etat) à 12 années de réclusion. Il sera gracié par le colonel Bendjedid le 31 octobre 1984 après six années d'incarcération dans les prisons de Constantine, Boufarik et Lambèse.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:44

Année 1982.
Un important sit-in est organisé le vendredi 12 novembre 1982 devant la mosquée de l'université d'Alger. Des milliers de citoyens participent à ce rassemblement à l'appel des Cheikhs Soltani, Sahnoun et Madani. Un communiqué est publié par ces trois personnalités religieuses pour dénoncer les dérives du pouvoir "socialiste " et la répression subie par les étudiants du courant islamique. Le 25 novembre de la même année, une terrible répression s'abat sur ces personnalités et sur le milieu intellectuel musulman. Des dizaines d'universitaires sont arrêtés et sauvagement torturés avant d'être incarcérés au bagne de Berrouaghia. Cheikh Soltani, 81 ans, sera arrêté, malgré son âge et son état de santé et séquestré dans un centre de la sécurité militaire des hauteurs d'Alger (Bouzaréah ?), avant d'être présenté au tribunal d'exception de Médéa et assigné à résidence surveillé chez lui à Kouba. Il mourra quelques mois plus tard (avril 1983), privé de liberté, suite à la dégradation de son état de santé. Des dizaines de milliers de citoyens participeront à son enterrement. Extraits du témoignage de Cheikh Soltani (11).
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:47

Au matin du jeudi 9 safar 1403 h correspond au 25 novembre 1982, à 4 heures du matin et avant le lever du jour, la sonnerie de notre domicile de Kouba retentit. Mon fils alla ouvrir la porte extérieure quand soudain, des agents de la sécurité militaire firent irruption. Ils l'interrogèrent à mon sujet et il leur répondit que je dormais. A ce moment ils montèrent à ma chambre et lorsque je sortis à leur rencontre, l'un d'eux me dit : " Habilles-toi et suis-nous, tu n'es pas le seul ". Je me suis alors vite habillé et je les ai suivis. Nous avons emprunté la route des Anassers puis nous sommes passés par le pont en construction de Birmandreis, en direction de l'autoroute reliant El Biar au point cité.

Au moment de l'arrivée de la voiture vers le tournant menant à Ben Aknoun et au stade olympique à gauche, l'un des agents me couvrit la tête avec un pan de ma gandoura et je n'ai pas pu voir le lieu où j'allais entrer.
A notre entrée et à notre descente de la voiture, nous avons emprunté un labyrinthe de miroirs. Après l'avoir traversé, je fus pris de vertige et j'ai faillit tomber à terre. A ma sortie de cet étroit et étrange passage, on me fit entrer au bureau d'accueil, pour la prise de ma filiation et de mon état civil.

Après cette procédure, le secrétaire, officier du grade de lieutenant, du nom de Abdelkayoum, originaire de Constantine, me demanda de déposer sur la table tout ce que j'avais dans mes poches. On me présenta au photographe qui me photographia de face et de profil droit. Un soldat m'emmena vers une salle de toilettes et exigea de moi d'ôter mes vêtements et de mettre une combinaison, puis me conduisit vers une cellule, en m'ordonnant d'y entrer. Elle était exiguë, de 1,50m x 2,50 m, avec une porte métallique portant le n° 4. Il y avait seulement deux petites fenêtres de 25x25 cm, l'une au milieu de la porte et l'autre au niveau d'un plafond très haut. Au dessus de cette fenêtre du plafond, se trouvait une lampe de très faible intensité qui ne permettait pas la lecture. Il n'y avait pratiquement pas d'aération, car les deux petites ouvertures donnaient sur un étroit couloir. J'ai failli m'asphyxier. Je ne pouvais respirer normalement que lorsque je sortais aux toilettes pour mes besoins naturels, après avoir appelé le gardien. Quant au matelas, il consistait en un morceau d'éponge sale sur un lit en bois, sans draps. (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:47

(…) Je suis resté trois jours dans cette cellule, soit jeudi, vendredi et samedi. Le dimanche, je me suis adressé à l'officier cité précédemment, responsable du centre : " Je ne peux rester dans cette cellule exiguë, je risque de m'asphyxier du fait de l'absence d'aération ". Il ordonna alors au soldat de me transférer vers une autre cellule dans la même rangée, portant le n° 7. Elle était relativement plus grande, le double de la première, mais les fenêtres étaient identiques.

Le mercredi 1er décembre 1982, j'ai présenté des troubles respiratoires. J'ai failli m'asphyxier. J'ai frappé à la porte de la cellule. Au bout d'un certain temps, le gardien, du nom de Zeboudj, s'est ramené et m'a demandé ce que je voulais. Je lui ai dit d'informer l'officier responsable du bureau que je voudrais sortir pour respirer un peu d'air frais. Après l'avoir informé, il lui demanda de me ramener à son bureau. Je marchais difficilement du fait de la faiblesse, m'appuyant sur une canne. A mon arrivée dans son bureau, il m'ouvrit la grande fenêtre et j'ai pu respirer profondément. Je fus pris d'un vertige et j'ai failli tomber de ma chaise. (…)

Le lendemain, soit le jeudi 2 décembre, le soldat vint en courant pour me dire : " Presse-toi, habille-toi, tu vas rentrer chez toi ". Après m'être habillé, je fus conduit au bureau du responsable où j'ai trouvé Cheikh Ahmed Sahnoun assis, discutant avec l'officier. Il était incarcéré dans une cellule proche de la mienne mais il ne pouvait pas me voir comme je ne pouvais le voir. L'officier me rendit toutes mes affaires et nous sortîmes pour monter dans une ambulance. Avant de sortir, on nous couvrit le visage et ce, jusqu'à notre arrivée au niveau du pont menant vers Béni Messous, avec à côté la route de Bouzaréah qui était proche de la mosquée " El Arkam " de Chevaley. Le véhicule prit la route descendant vers Bab El Oued, nous dirigeant vers l'hôpital militaire. On nous introduisit dans une grande salle mise à notre disposition, avec deux lits. On procéda à notre examen médical et on nous donna les médicaments nécessaires et de bons repas. Et c'est ainsi que, depuis mon arrestation, j'ai pu recevoir ma famille, mes enfants et quelques amis. Nous sommes ainsi restés sept jours à l'hôpital.

A l'aube du jeudi 9 décembre, à 5h, vinrent des officiers et des soldats et nous ordonnèrent de nous habiller rapidement et de les suivre. Nous avons pris place avec des policiers dans un véhicule qui démarra en direction du commissariat central d'Alger. A notre arrivée, nous sommes restés une heure à l'intérieur du véhicule. Des policiers activaient en permanence. A l'avant, étaient stationnés deux fourgons à l'intérieur desquels se trouvait un groupe de jeunes musulmans qui étaient incarcérés au commissariat central.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:47

Aux environs de 6h 30, démarra le convoi qui transportait les hommes d'Islam, dont notre véhicule avec deux policiers qui nous accompagnaient. Deux motards ouvraient le chemin et deux autres suivaient derrière le convoi. Nous disions en notre for intérieur : " Où allons-nous ainsi ? Vers nos domiciles ? " Nous nous sommes éloignés de la route menant à nos domiciles. Puis il s'est avéré que nous nous dirigions vers Médéa, vers la Cour de Sûreté de l'Etat. Comme de vulgaires criminels qu'on conduisait au tribunal pour leurs crimes !

Sobhane Allah ! Qu'avons-nous récolté de la révolution algérienne que nous avons servie avec nos esprits et nos corps ! Nous avons mis nos nuques sous la guillotine, comme me l'avait dit Cheikh Ahmed Hamani, en apprenant ce que j'avais fait pour la liberté et l'indépendance de l'Algérie.

A notre arrivée à Médéa qui se situe à 84 km d'Alger, le convoi se dirigea vers la Cour de Sûreté de l'Etat. On nous descendit sous la surveillance des policiers pour nous diriger vers la salle d'audience. Et là nous sommes restés avec les jeunes musulmans qui étaient incarcérés comme nous et il y avait parmi eux des professeurs d'université. Nous sommes ainsi restés là toute la journée, de 8h 30, jusqu'à 15h 30, assis sur des bancs en bois.

Puis vint l'officier de police pour appeler les jeunes en premier puis appela Cheikh Ahmed Sahnoun et Soltani Abdellatif. On monta au premier étage. Après un deuxième appel, on m'introduisit dans un bureau qui me semble être le bureau du greffier. Après les procédures habituelles, le greffier m'informait que j'étais inculpé d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Et que j'avais participé à la confection et diffusion de tracts et que cela était une atteinte aux lois de la République. Je lui ai répondu : " Oui, j'ai participé à la rédaction du communiqué, car un état de tension était apparu dernièrement entre les étudiants et les policiers. Nous avons voulu par sa rédaction et sa diffusion, calmer les esprits. Car les étudiants avaient confiance en leurs Oulémas. Leurs revendications ont été reprises dans notre communiqué destiné à l'Etat pour que ce dernier prenne en charge ces questions. Car ce sont des enfants de la Nation algérienne qui demain seront des ingénieurs, des professeurs, des médecins, etc.…Et il n'est pas sage et juste de les abandonner (…)

(…) Puis la police me ramena à mon domicile ainsi que Cheikh Ahmed Sahnoun. Mais avant de nous emmener chez nous, nous sommes passés par le commissariat central pour nous notifier notre assignation à résidence à nos domiciles à partir de ce jour, 9 décembre 1982. Les services de sécurité ont ainsi publié un communiqué de presse annonçant l'arrestation de 23 individus et leur présentation à la cour de sûreté de l'Etat et la mise en liberté provisoire d'Ahmed Sahnoun et d'Abdellatif Soltani. (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:49

(…) Je suis ainsi resté chez moi, sous surveillance policière depuis cette date à ce jour où j'écris ces lignes. Cela fait plus de trois mois. La police ne me permet aucun contact avec quiconque, même en leur présence. Elle m'empêchera même d'aller accomplir la prière hebdomadaire du vendredi. Le coiffeur ne peut venir que sur autorisation spéciale. Comme si j'étais un criminel ou un tueur ! Seuls mes parents les plus proches pouvaient me rendre visite.
Ce que j'ai subi chez l'armée coloniale ne représentait que le dixième de ce que j'ai subi chez notre sécurité militaire. (…)
(…) Je n'oublierais pas l'histoire de ma montre qui me permettait de connaître les horaires des prières. Ils me l'ont confisquée lors de mon incarcération. Je leur ai demandé à plusieurs reprises de me la restituer pour pouvoir connaître l'heure des prières. Ils refusèrent. C'est ainsi qu'à plusieurs reprises je refaisais mes prières car je n'entendais pas correctement le muezzin. Lorsque l'armée coloniale - qui était notre ennemie - m'arrêtait, et que l'on me demandait de déposer tout ce que j'avais dans mes poches, comme l'ont fait nos militaires, lorsqu'il s'agissait de la montre, je la gardais toujours sur moi. Lorsque je demandais à l'officier colonial mécréant de me la laisser pour les prières, il ne refusait jamais (…)

(…) Globalement, je tiens à dire et à redire que ce que j'ai vu et subi cette fois-ci, je ne l'ai pas subi avec le militaire français, mon ennemi et celui de la patrie. J'ai dit à l'officier qui m'avait recouvert la tête pour ne pas voir la direction que prenait la voiture : " Vous me rappelez l'organisation de l'armée secrète (OAS) ".

Ce que j'ai retenu de cette épreuve est que ce que j'ai subi est dû à mes activités religieuses et rien d'autre. Et tout ce qui a été dit au sujet de mon arrestation n'est que mensonges et calomnies.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:50

Année 1983.
Louiza Hanoune, militante trotskiste de l'Organisation socialiste des travailleurs (OST) est arrêtée à son domicile. Elle raconte son arrestation (12 )
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Personne à contacter Re: La Sécurité militaire au cœur du pouvoir

Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:50

(…) J'ai été arrêtée sans mandat d'amener le 18 décembre 1983 à 23 heures à Annaba, chez ma mère où j'étais allée passer les fêtes du Mouloud (fête qui célèbre dans les pays musulmans la naissance du prophète Mohamed). La première nuit, j'ai été interrogée par deux inspecteurs femmes, qui sont restées la nuit avec moi en cellule. Elles étaient chargées de me sonder. Le lendemain matin, j'ai été conduite à l'aéroport, menottes aux poignets, et j'ai été transférée à Alger, au commissariat du boulevard Amirouche.

Là, j'ai retrouvé d'autres militantes de notre organisation, qui m'apprendront que nous étions quatorze à avoir été arrêtés. Comme il y avait beaucoup de couples au commissariat, ils avaient décidé de garder les maris et de relâcher leurs femmes, à l'exception de Lila Benallègue, parce qu'elle était veuve, et de moi-même parce que j'étais célibataire. Ils nous garderont tous quinze jours, interrogés jour et nuit. Pendant ce temps, pour nous faire peur, les policiers organisaient dans d'autres cellules des simulacres de tortures sur les hommes de mon parti qui avaient été arrêtés en même temps que nous. Nous n'apprendrons que plus tard qu'ils n'avaient pas été torturés. Certaines d'entre nous ont été battues et humiliées. La seule fois que l'on m'a reproché de faire de la politique au lieu de faire des enfants, c'est bien dans ce commissariat. Tous nos appartements avaient été perquisitionnés en dehors de toute légalité et fouillés de fond en comble. Suite à une grève de la faim et de la soif de cinq jours, nous avons enfin été amenées devant un juge d'instruction, et ce n'est qu'à partir de là que nous avons légalement été arrêtées. C'est à ce moment que ma famille réussira à savoir ce que j'étais devenue. Avec Lila, nous avons été transférées à la prison de femmes d'El Harrach, et c'est là que nous avons retrouvé Fettouma Ouzegane, au quartier des politiques.

Nos arrestations avaient été rendues publiques, grâce à la mobilisation de militants à Alger et à une campagne internationale pour notre libération qui a immédiatement été déclenchée, notamment en France. Un comité s'était constitué avec des militants de mon parti et des personnalités françaises ou algériennes, comme l'historien Mohamed Harbi, pour la libération de tous les prisonniers politiques. Pour se débarrasser de cette campagne, le régime va nous proposer par le biais de nos avocats, qui s'étaient constitués spontanément en collectif - ils étaient treize - un marché : si nous acceptions d'être considérés comme des prisonniers de droit commun pour atteinte à l'ordre public, nous serions condamnés en correctionnelle aux trois mois couvrant notre détention et nous serions libérés. Nous, militants et militantes de l'OST, nous avons refusé et exigé le statut de prisonnier politique. Nous avons alors été transférés, les femmes à Médéa et les hommes à Berrouaghia, où se trouvaient déjà d'autres militants politiques (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:51

Année 1985.
Rebaïne Ali-Fewzi est fils de martyr. En 1985 et avec d'autres enfants de Martyrs, il crée une association de fils et de filles de chahid dénommée "AADH 54 ". Une demande d'agrément est déposée le 2 février 1985 à la wilaya d'Alger. Le 5 juillet de la même année, jour anniversaire de l'indépendance nationale, des enfants de martyrs décident de déposer des gerbes de fleurs sur les tombes de leurs parents tombés au champ d'honneur, en dehors des cérémonies officielles. Près de 200 personnes sont arrêtées dont quatre veuves de chahid. Parmi ces victimes de la répression, figure M. Rebaïne qui est inculpé avec d'autres pour atteinte à l'autorité de l'Etat, confection et distribution de tracts, constitution d'associations illégales et attroupement non armé ! ! ! ! ! ! Il sera condamné par le tribunal d'exception (dite Cour de sûreté de l'Etat) de Médéa à 3 ans de prison ferme et 5000 DA d'amende. (13) Audition de Rebaïne Ali-Fewzi devant la Cour de sûreté de l'Etat de Médéa le 15 décembre 1985. (Extraits).
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:52

Aujourd'hui, je suis heureux d'être devant la Cour de Sûreté de l'Etat parce que, pour la première fois depuis 23 ans, je peux parler.

Arrêté en 1983 par la Sécurité Militaire, je fus enlevé de mon domicile par des agents de la SM. On me conduisit à Bouzaréah muni d'une cagoule sur la tête, menottes aux poignets derrière le dos. Arrivé dans les locaux, on m'enleva la cagoule, j'étais dans une pièce noire. On me fit traverser un labyrinthe de miroirs d'où j'aboutis dans une autre pièce où deux individus m'ont réceptionné. Ils m'ont enlevé mes vêtements, j'étais nu. On m'enveloppa dans une combinaison et on m'enferma dans un cachot qui portait le n° 16. La pièce faisait environ un mètre sur deux. Il y avait un lit incliné à 45° environ, de telle sorte que le détenu ne pouvait s 'allonger dessus sans basculer à terre. Je pensais que les pieds du lit étaient cassés. Après vérification, j'en conclus qu'il a été conçu à cet effet. J'ai passé environ un mois à Bouzaréah. Le minimum de décence humaine n'était pas respecté, les humiliations étaient quotidiennes. J'allais faire mes besoins au pas de course, parfois, on ne nous laissait même pas le temps de finir. Je mangeais sous les injures de mes gardiens. Le soir, il était strictement interdit d'appeler les gardiens pour les besoins les plus élémentaires : j'avais une bouteille en plastique, quand j'avais soif, il fallait attendre le lendemain. Je me souviens de mes diarrhées et de mon ulcère qui me faisait mal. Le cachot ne contenait aucune aération, j'étouffais à l'intérieur. Les interrogatoires se faisaient en présence de sept ou huit officiers de la Sécurité militaire qui m'entouraient. Je ne voyais pas d'où venaient les coups, mais je les sentais sur ma chair, c'était à qui me donnerait des coups de pieds, des coups de poings, des coups de bâton, des coups de tuyau. C'était des séances quotidiennes. Cet enfer a duré du 23 septembre au 29 octobre 1983. Un jour sur deux, on me tenait éveillé toute la nuit jusqu'à l'arrivée des officiers de la Sécurité Militaire et l'interrogatoire reprenait jusqu'au soir.

Quand je restais éveillé, c'était dans une pièce, nu. J'étais assis sur une chaise au milieu de la pièce et deux militaires me surveillaient. Il était interdit que je parle ou que je dorme. Ils se relayaient environ toutes des deux heures. Vers la fin de mon séjour, on m'a présenté une attestation sur l'honneur de bons traitements que je devais signer.

Le 5 juillet 1985, ces mêmes tortionnaires m'ont fait un interrogatoire continu de quatre jours. Ils m'ont d'abord isolé de mes camarades pendant toute cette période que j'ai passée au commissariat central d'Alger. On m'a menacé de me refaire en mieux ce que j'avais subi en 1983 à Bouzaréah et que, de toute manière, je finirai par signer comme je l'ai fait auparavant dans leurs locaux. Ils m'ont menacé de prendre les membres de ma famille à Bouzaréah, comme ils l'avaient déjà fait en 1983 : ma sœur et mes deux cousins. On me mit sous la main un PV de police que l'on me fit signer.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:52

Ma participation à la constitution de l'association " AAHD 54 " des fils de Martyrs de la wilaya d'Alger fut la raison principale de leur acharnement et mon arrestation le 5 juillet 1985 était due à la légèreté avec laquelle j'ai pris la clémence de l'Etat pour de la faiblesse. Car, pour l'Etat, j'étais en "liberté provisoire ".

Ma participation à cette association est dans le prolongement de la défense de la mémoire des Martyrs et des principes fondamentaux pour lesquels ils se sont sacrifiés, qui tout au long de ces vingt-trois années ont été trahis et bafoués.
On a assassiné au nom des Martyrs (Krim Belkacem et Khider).
On a torturé au nom des Martyrs et, si on se construit une maison, c'est aussi au nom des Martyrs. (…..)

(….) Aujourd'hui, nous avons décidé de nous prendre en charge car on a versé trop de mensonges et de mépris sur nous et sur nos mères dont on a sali la dignité. Nous sommes devenus une marchandise que le pouvoir consomme pour soigner son image de marque : tel jour à la télévision, c'est la distribution aux veuves d'une maison, tel autre jour, c'est le journal pour la distribution d'une licence de taxi. Nous sommes devenus des quémandeurs.
Où sont nos droits ?
Pour cela, nous avons décidé de prendre la parole et de recentrer la vérité et nous le disons tout haut. Tous les principes de Novembre ont été trahis sans exception aucune.
Dès lors, on nous traite d'éléments subversifs visant à renverser le régime, des faiseurs de coups d'Etats. Or, ces faiseurs de coups d'Etat sont connus : les Boumediène en 1965 et les Zbiri en 1967. Ils les ont faits avec les chars et les canons, pas avec une gerbe de fleurs.
De plus, c'est notre droit le plus absolu de vouloir commémorer la mémoire de nos pères, un 5 juillet, comme cela est un droit pour n'importe quel Algérien, sans distinction aucune.
D'autres associations se sont créées récemment avec la bénédiction de l'Etat. Alors, de quoi a peur le Pouvoir ? Des associations ou des enfants de Martyrs ?
Que l'on nous dise ouvertement, officiellement, que nous vivons dans un Etat dirigé par les services de police et de répression : il n'y a nulle honte à l'avouer, d'autres pays l'ont fait. Et que l'on nous divise en deux franges, celle qui accepte cet état de faits et qui pourra vivre "normalement " et celle qui ne l'accepte pas : qu'elle soit dirigée directement vers les prisons ! C'est plus clair, c'est plus simple et l'on gagnera un temps précieux et on évitera la confection de dossiers pour la Cour de Sûreté de l'Etat.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:54

Je n'ai pas peur de vos tortures ni de vos prisons. Si c'est le prix qu'il faut payer pour pouvoir penser, parler, s'associer librement, alors je le paierai. Nous le paierons sans ciller. Nos pères l'ont déjà fait.
Je suis né homme libre dans le sens plein du terme. Je le resterai.
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:55

Année 1987.
Dans une lettre-témoignage adressée le 7 mars 1987 au ministre de la "justice ", un prisonnier d'opinion, Arezki Aït Larbi, jeune étudiant en médecine et militant du mouvement culturel amazigh, décrit les conditions inhumaines de détention dans l'" Alcatraz sous-développé " qu'est le bagne de Lambèse (Batna). Extraits de la lettre-témoignage. (14)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:56

(…) Les faits sont têtus, les discours ne peuvent occulter indéfiniment la triste réalité d'un établissement voué à la destruction physique et morale de tous ceux qui refusent d'abdiquer leur citoyenneté.
Que diriez-vous des centaines de détenus qui avaient passé l'hiver 85-86 avec 3 couvertures pour toute literie, sans paillasse ni chauffage ? " Nous n'avons pas les moyens ! " dira la direction de Lambèse. Ceci ne l'empêchera pas de procéder à la distribution de couvertures neuves à tous les détenus, à la veille de votre visite (reportée semble-t-il). Pour les décors de la mise en scène télévisée.
Que diriez-vous d'un parloir où les détenus s'entassent à plusieurs dizaines, séparés de leurs familles par un double grillage, entre lesquels circulent des gardiens qui ne se gênent pas pour s'immiscer de façon grossière, dans des tentatives de discussions strictement familiales ? (…)
Que diriez-vous de ces "gestionnaires" habitués à faire leur marché hebdomadaires dans les paniers ramenés par les familles de détenus ?Au mépris de toute réglementation, certaines denrées sont "saisies" en fonction des pénuries sur le marché (…)
Que diriez-vous de la main d'œuvre pénitentiaire utilisée dans des intérêts privés ? De somptueuses villas ont été construites par la sueur de prisonniers, sans aucune contre-partie. D'autres prisonniers sont employés comme domestiques dans les foyers de certains responsables.
Que pensez-vous de l'interdiction de l'usage de la langue berbère au parloir ? Pour avoir refusé de nous soumettre à cette nouvelle manifestation de haine et d'ostracisme, nos familles avaient été refoulées à deux reprises, en janvier 86, sans nous avoir vus. (…)
Que Diriez-vous de ce médecin de la prison (le Dr Lounés) qui ne se présente qu'une fois par semaine pour "examiner " plus de 150 malades en moins de deux heures ? Que diriez-vous de médicaments périmés depuis longtemps, qu'on n'hésite pas à administrer aux malades, quand ils ont la chance d'accéder aux soins ?
A la vue des traces, encore visibles sur mon dos des sévices auxquels j'avais été soumis dès mon arrivée, le Dr Lounés me conseillera d'obéir à mes gardiens, pour éviter à l'avenir, pareille mésaventure, et refusera de me délivrer le certificat que je sollicitai. Pour avoir protesté contre ces pratiques contraires à la déontologie et à l'éthique médicales, on me prescrivit 5 jours de cachot de condamné à mort, tout nu, en janvier 86, avec un morceau de pain rassis et ½ litre d'eau par 24 heures, pour tout repas (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:56

(…) Que diriez-vous du détenu Haroun Mohamed (condamné à perpétuité par la Cour de Sûreté de l'Etat en 1976) qui avait eu à subir toutes sortes d'humiliations et de traitements inhumains pour avoir, semble-t-il, fait parvenir une lettre à la presse internationale dans laquelle il aurait relaté ses conditions de détention ? Son dernier cauchemar a été un isolement total dans un cachot, durant 15 mois. Il en sortira malade mental en septembre 86.
Devant mes protestations pour une nécessaire prise en charge médicale et psychiatrique, on me répondra cyniquement dans un grognement : " C'est ce qui arrive aux "têtes fortes" qui se mêlent de ce qui les regarde pas! Avis aux amateurs ! Car à Lambèse, ceux qui refusent de plier, on les brise ".

Que diriez-vous de ces malades qu'on laisse mourir la nuit, dans leur cellule, faute de soins ?C'est tout naturellement qu'un sergent, attiré par les cris d'un agonisant, lui conseillera "de ne pas oublier la chahada, pour mourir musulman ! ". Le lendemain matin, il était "musulman ". C'est-à-dire mort.

Devant mes protestations, on me répondra cyniquement que "c'est là le seul moyen de distinguer un vrai malade d'un simulateur ! ! ". Un autre " simulateur, Boudellal Bouziane, diabétique pourtant connu, devait succomber dans l'indifférence générale, à la suite d'un coma hypoglycémique, sans avoir reçu le moindre soin.

Que diriez-vous de ces détenus qui ont dû succomber à leurs sévices ? Combien de véritables assassinats ont été déguisés en " mort naturelle " ou en " suicide " ? Il ne s'agit là que d'une rumeur insistante colportée par les prisonniers et confirmée par certains gardiens. Je n'ai malheureusement aucune preuve pour m'avancer là-dessus avec certitude.

Que diriez-vous de ce détenu - Aïssaoui Brahim - amputé des 2 pieds à la suite d'une gangrène consécutive à un long séjour dans un cachot humide, tout nu en février 86 ? (…)
Que diriez-vous d'un autre jeune détenu - Boudine Ahmed - démuni d'une partie de la boite crânienne, le cuir chevelu reposant directement sur les méninges, à la suite d'un coup de barre de fer asséné par un gardien du sinistre "comité d'accueil ". Comme son nom ne l'indique pas, le "comité d'accueil " est le groupe de gardiens chargés de recevoir les prisonniers à leur arrivée, à coups de barre de fer et de tuyaux pour leur donner un avant-goût de ce que sera leur détention (…)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:57

Année 1987.
Assassinat d'Ali Mécili, avocat, militant des droits de l'homme et opposant au régime d'Alger. Il venait de réconcilier les deux "frères-ennemis ", Aït Ahmed et Ben Bella autour d'une plate-forme des libertés démocratiques en Algérie. Témoignage de Hocine Aït Ahmed. Extraits. (15)
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Message par Sphinx Sam 26 Sep - 15:58

A 22h 35, ce 7 avril 1987, le haut du boulevard Saint-Michel est presque désert. Ali Mécili actionne la commande de l'ouverture électronique de son immeuble et pénètre dans le hall, à deux cent mètres du jardin du Luxembourg. Immédiatement, un homme tenant un parapluie pliable noir à la main, fait irruption et lui emboîte le pas. Un choc, comme l'écho lointain d'une bagarre, puis des bruits de verre cassé. Porte-parole de l'opposition algérienne, Ali Mécili vient d'être abattu de trois balles de 7,65 en pleine tête.

Attirée par le fracas, C. revient sur ses pas. Elle avait raccompagné Ali jusqu'à sa porte et s'apprêtait à prendre son autobus. Sourire aux lèvres, l'homme au parapluie sort tranquillement de l'immeuble. Le temps de se dévisager mutuellement et il descend calmement, à pied, le boulevard Saint-Michel. C. se précipite à la vitre de la porte de l'immeuble : Ali gît dans une mare de sang, au milieu des débris de verre qui jonchent le sol à grand damier noir et blanc du hall. Déjà, Mme Puig, la concierge, qui habite juste au fond du couloir, appelle police secours par téléphone. (…).

(…) Arrêté le 10 juin par la brigade criminelle, un proxénète algérien, Abdelmalek Amellou, chargé par les services de sécurité algériens d'abattre Ali Mécili moyennant un contrat de 800 000 francs a été…. réexpédié à Alger dès la fin de sa garde à vue quatre jours plus tard ! Et l'auteur du "scoop ", Jean-Marie Pontaut, de fournir moult détails. C'est un "renseignement confidentiel et anonyme " qui a amené les inspecteurs de la Criminelle à s'intéresser à ce petit truand. L'interpellation du suspect, dont les "liens avec la Sécurité militaire algérienne ont été formellement établis ", s'est faite dans "le plus grand secret ", poursuit le journaliste spécialisé dans les affaires de police et de terrorisme. Les raisons pour lesquelles Robert Pandraud a expulsé Amellou ? Il fallait se "débarrasser d'un personnage encombrant et éviter du même coup une crise majeure avec l'Algérie. (…)
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